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Panthéon : cinq discours qui ont marqué la Ve République

Ah bon, il y a eu d'autres discours au Panthéon que celui d'André Malraux pour Jean Moulin ? Mais oui : francetv info vous rafraîchit la mémoire. 

Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le général de Gaulle entouré de Georges Pompidou (à sa gauche), d'André Malraux (à sa droite) et de nombreuses personnalités rendent hommage à Jean Moulin au Panthéon, le 19 décembre 1964. (AFP)

"Entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège…" Le 19 décembre 1964, la voix tremblante du ministre de la Culture, André Malraux, tue pour longtemps les discours de panthéonisation à venir. Aucun chef de l'Etat, depuis, n'a prononcé d'allocution aussi mémorable que celle du représentant du général de Gaulle.

>> Suivez en direct la cérémonie de panthéonisation des quatre résistants

Pourtant, dans l'histoire de la Ve République, certains hommages méritent mieux que l'oubli dans lequel ils sont tombés. En attendant, mercredi 27 mai, celui de François Hollande aux quatre résistants entrant au Panthéon, francetv info vous propose cinq discours ou extraits de discours de panthéonisation. 

1964 : hommage au résistant Jean Moulin

19 décembre 1964 : accents vibrants et voix chevrotante, le ministre de la Culture du général de Gaulle, André Malraux, célèbre pendant vingt minutes la mémoire du résistant Jean Moulin lors de la cérémonie du transfert de cendres au Panthéon, à l'occasion du vingtième anniversaire de la Libération. 

Moins que le début, qui retrace l'histoire de l'unification de la Résistance sous la houlette du général de Gaulle, c'est la fin du discours, surtout, qui restera gravée dans les esprits : "Comme Leclerc entra aux Invalides, avec son cortège d'exaltation dans le soleil d'Afrique, entre ici, Jean Moulin, avec ton terrible cortège. Avec ceux qui sont morts dans les caves sans avoir parlé, comme toi, et même, ce qui est peut-être plus atroce, en ayant parlé, avec tous les rayés et tous les tondus des camps de concentration, avec le dernier corps trébuchant des affreuses files de Nuit et Brouillard, enfin tombé sous les crosses ; avec les huit mille Françaises qui ne sont pas revenues des bagnes, avec la dernière femme morte à Ravensbrück pour avoir donné asile à l'un des nôtres. Entre, avec le peuple né de l'ombre et disparu avec elle - nos frères dans l'ordre de la Nuit..."

A la relecture du texte, en cette fin mai 2015, une absence saute aux yeux : celle de Pierre Brossolette, jamais mentionné, tandis que sont égrenés les noms des fidèles gaullistes (le colonel Passy, le général Delestraint, Georges Bidault…).

1987 : panthéonisation du défenseur des Droits de l'homme René Cassin

 

5 octobre 1987 : à l'occasion du centenaire de sa naissance, le prix Nobel de la paix René Cassin, un des auteurs de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, est panthéonisé. Le président de la République, François Mitterrand, prend la parole : "L'Etat de droit est un édifice fragile qui se construit pierre à pierre dans la foi et dans la persévérance. C'est seulement hier que la peine de mort a été abolie, hier que les juridictions d'exception civiles et militaires ont disparu de notre arsenal législatif, que les droits des victimes comme ceux de la défense ont été consolidés…"

2002 : un écrivain populaire au Panthéon, Alexandre Dumas

Une photo d'Alexandre Dumas réalisée par Carjat. (- / AFP)

30 novembre 2002 : le prolifique romancier Alexandre Dumas (1802-1870) entre au Panthéon. Et avec lui, tous les héros qu'il a créés. "Avec vous, s'exclame Jacques Chirac, lors de son allocutionnous avons été d'Artagnan, Monte Cristo ou Balsamo, chevauchant les routes de France, parcourant les champs de bataille, visitant palais et forteresses. Avec vous, nous avons emprunté, un flambeau à la main, couloirs obscurs, passages dérobés et souterrains. Avec vous, nous avons rêvé. Avec vous, nous rêvons encore." Avant d'ajouter : "La République, aujourd’hui, ne se contente pas de rendre les honneurs au génie d’Alexandre Dumas. Elle répare une injustice (...)." 

"Fils de mulâtre, sang mêlé de bleu et de noir, Alexandre Dumas doit alors affronter les regards d’une société française qui, pour ne plus être une société d’Ancien Régime, demeure encore une société de castes. Elle lui fera grief de tout : son teint bistre, ses cheveux crépus, à quoi trop de caricaturistes de l’époque voudront le réduire, sa folle prodigalité. Certains de ses contemporains iront même jusqu'à lui contester la paternité d’une œuvre étourdissante et son inépuisable fécondité littéraire qui tient du prodige."

"De tout cela, Dumas n'aura que faire. Force de la littérature, force de la nature, comme son héros Porthos qu’il aimait tant, il choisit de vivre sa vie. Cette vie foisonnante, luxuriante, parfois criarde, jamais mesquine, tout entière habitée par une généreuse lumière."

2007 : les Justes célébrés par Simone Veil et Jacques Chirac 

18 janvier 2007 : le Panthéon rend hommage aux Justes de France, ces centaines de Français qui ont sauvé des juifs pendant la seconde guerre mondiale. Rescapée d'Auschwitz, où elle fut déportée à 16 ans, l'ancienne ministre de la Santé Simone Veil prononce, avant celui du président de la République, Jacques Chirac, un discours bouleversant. "Certains Français, déclare-t-elle, se plaisent à flétrir le passé de notre pays. Je n'ai jamais été de ceux-là. J'ai toujours dit (...) il y a eu la France de Vichy responsable de la déportation de 76 000 juifs, dont 11 000 enfants, mais il y a eu aussi tous les hommes, toutes les femmes, grâce auxquels les trois quarts des juifs de notre pays ont échappé à la traque." 

2011 : une plaque pour le poète martiniquais Aimé Césaire

6 avril 2011 : le président de la République, Nicolas Sarkozy, souhaite transférer les cendres du poète et homme politique Aimé Césaire au Panthéon, mais se heurte au refus de sa famille. Il inaugure néanmoins une plaque en l'honneur de l'écrivain, ce qui lui permet de prononcer un long hommage à l'auteur du Discours sur le colonialisme. Et de conclure sur cette interrogation : "Que demandait-il, au fond, Aimé Césaire, sinon que la République cessât de confondre unité et uniformité ?"

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