Narcotrafic à Grenoble : "Au lieu de s'attaquer aux problèmes de fond, monsieur Retailleau nous promène", s'agace le maire écologiste Eric Piolle

Le ministère de l'Intérieur a exhorté le maire de Grenoble mercredi dernier à installer plus de caméras de surveillance pour lutter contre les règlements de compte liés à la drogue.
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Le maire écologiste de Grenoble, Eric Piolle, était l'invité du "8h30" de franceinfo, lundi 28 octobre 2024. (RADIOFRANCE)

"Monsieur Retailleau, comme tous les ministres de l'Intérieur que j'ai vu passer depuis dix ans, ils se succèdent avec la même logique, c'est le coup de menton, la 'tolérance zéro'. 'Vous allez voir avec moi la fermeté', tout ça c'est du pipeau", a tancé le maire écologiste de Grenoble Eric Piolle, invité lundi 28 octobre sur franceinfo. "Au lieu de s'attaquer aux problèmes de fond, au lieu d'essayer de résoudre le problème, en fait", Bruno Retailleau "nous promène", a-t-il ajouté. Il faut "arrêter de reproduire les mêmes erreurs", a pointé Eric Piolle.

Le ministre de l'Intérieur a suggéré à Eric Piolle de déployer "beaucoup plus de caméras de vidéoprotection" dans sa ville. "Il y en a 120, il y en a 6 par kilomètre carré, ça ne sert à rien", lui a répondu l'élu grenoblois sur franceinfo lundi. "Où est son plan national de stratégie contre le narcotrafic ? A-t-il lu le rapport sénatorial en janvier dernier, qui pointait l'emprise du narcotrafic partout en France ? C'est quoi son plan, sa stratégie ?", a-t-il questionné. "Il faut un plan de narcotrafic pour la France. C'est ce que nous demandions avec les maires des grandes villes de France, de gauche, droite". Pour l'Isérois, il faut "réduire la consommation et toucher le narcotrafic sur le patrimoine, les armes à feu, sur la récidive".

"La République abandonne ses enfants"

Le ministre de l'Intérieur a également enjoint Eric Piolle de "discuter avec les autres maires" et les forces de l’ordre pour mieux comprendre l’importance des caméras de sécurité. "Allez voir à Nice, il y a des fusillades partout", a cinglé l'écologiste. "À Valence, la ville du ministre de la Sécurité du quotidien [Nicolas Daragon, ndlr.], c'est un échec complet. Des morts, des fusillades partout, c'est le même échec. Il y a un moment, on ne peut pas se dire qu'on va répéter les mêmes erreurs", a-t-il ajouté. "Qu'il couvre la France de caméras, qu'il change la loi, ça ne marchera pas", a déclaré le maire de Grenoble, avant de revenir sur la mort d'un mineur de 15 ans mardi soir, tué près d'un point de deal disputé entre trafiquants de drogue. "Nous avions mis une caméra à cet endroit-là, 60 000 euros. Elle a duré 20 minutes", a-t-il rappelé. Selon lui, "la République abandonne ses enfants". "Il y a une guerre économique et ça touche la jeunesse et le prolétariat du deal", a-t-il affirmé.

L'occasion pour Eric Piolle de demander des moyens supplémentaires pour lutter contre le trafic de stupéfiants dans sa ville. Les maires de Grenoble, Échirolles et Saint-Martin d'Hères, principales villes de l'agglomération, ont écrit en début de semaine aux ministres de l'Intérieur et de la Justice pour demander "100 policiers nationaux supplémentaires et un plan inédit de lutte contre la récidive". "Nous demandons des effectifs pour la police, pour la justice", a expliqué l'élu grenoblois. "On m'a promis 180 policiers depuis 10 ans que je suis maire, ils sont sans doute arrivés, ils sont repartis parce que j'ai dû avoir un collègue, quelque part, qui a fait la même demande. Et donc on promène les policiers. C'est inacceptable", a-t-il dénoncé. "Les policiers nationaux qui sont là sur les points de deal, ils cohabitent avec les dealers (…), on les envoie écoper la mer à la petite cuillère. C'est absolument aberrant", a-t-il poursuivi.

"Il n'y a pas de solution magique"

Pour Eric Piolle, il faut "au moins essayer de revenir aux effectifs de 2002" pour "regagner juste un peu de terrain sur l'espace public" mais une hausse de la présence des forces de l'ordre "ne résout pas le problème". Depuis début 2024, selon le procureur de Grenoble, Eric Vaillant, une cinquantaine de tirs par arme à feu liés au trafic de drogue ont été recensés en Isère, et on fait six morts.

"Il n'y a pas de solution magique", a répété Eric Piolle. "Il faut avancer sur les questions de santé mentale", a-t-il néanmoins suggéré. "Si les gens se droguent, ce n'est plus récréatif", a-t-il jugé. "Quand vous vous droguer vous êtes malade (…), pour la cocaïne, c'est pour la performance au travail, l'anxiété. Et puis il faut arriver maintenant à parler de légalisation parce que nous sommes en échec", a-t-il souligné. Le maire a défendu une légalisation contrôlée du cannabis qui "permettrait d'avancer" et "de sortir d'une solution d'échec".

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