Egalité femmes-hommes : "Le sexisme continue à se propager et à se développer, sur Internet en particulier", note la Fondation des Femmes
"On a chassé le sexisme dans l'audiovisuel", mais il est "revenu par la fenêtre des réseaux sociaux et d'Internet, en toute liberté", a souligné sur franceinfo Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes, alors que le Haut Conseil pour l'égalité entre les femmes et les hommes (HCE) a présenté lundi 23 janvier dix recommandations "pour un plan d'urgence de lutte contre le sexisme".
Malgré le mouvement MeeToo, il y a des "résistances qui s'affirment", indique Anne-Cécile Mailfert. Le refus d'égalité "est devenu une idéologie". Elle en appelle notamment à la justice afin qu'elle soit "cohérente avec le discours sociétal".
franceinfo : Selon cette enquête, les jeunes hommes ne sont pas forcément plus ouverts que leurs aînés aux questions de parité ou de consentement. Est-ce que cela vous étonne ?
Anne-Cécile Mailfert : Cela ne m'étonne pas parce qu'on a déjà vu des sondages aller dans ce sens. Un sondage en 2022 montrait que les représentations sur ce qu'on appelle la "culture du viol" étaient très présentes chez les jeunes générations. Evidemment que ça me déçoit. Je préférerais bien sûr voir le contraire. Mais ce que cela montre, c'est qu'il y a encore du boulot. Il faut vraiment concentrer notre attention et les efforts des politiques publiques sur les endroits où le sexisme continue à se propager et à se développer, à se diffuser, sur Internet en particulier.
Comment l'expliquez-vous ? Est-ce que c'est la conséquence d'en avoir trop parlé ou est-ce que cela n'a rien à voir ?
Il y a un double mouvement. Il y a un mouvement de résistance. Souvent on appelle ça le retour de bâton. Il y a ces résistances qui s'affirment. Le refus de l'égalité entre les femmes et les hommes, c'est même devenu une théorie politique, une idéologie. On l'a entendu un tout petit peu pendant la campagne présidentielle, avec des idées que diffusait Eric Zemmour par exemple. Donc on est sur quelque chose d'idéologique. Mais ça n'est pas tout.
"On a chassé le sexisme dans l'audiovisuel, sur les grands médias, la télévision, la radio. Mais le sexisme est revenu par la fenêtre des réseaux sociaux et d'Internet, en toute liberté."
Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmesà franceinfo
Et sur les réseaux sociaux, on voit ce que ça donne. Cela a un effet démultiplicateur. Un harcèlement devient, avec le cyber harcèlement, un énorme harcèlement. Le sexisme se diffuse énormément sur ces plateformes. On a aussi la pornographie qui se diffuse auprès d'un public très jeune avec des images très violentes. Nos jeunes cerveaux sont très imbibés de tout ça aujourd'hui. Il n'est pas étonnant de voir que cela va transparaître dans les représentations que les jeunes vont avoir des femmes et des hommes et des relations sexuelles.
Selon le Haut Conseil à l'égalité, l'opinion reconnaît et déplore l'existence du sexisme, mais ne le rejette pas en pratique. Est-ce que cela n'est pas ambivalent ?
Oui. On a une adhésion aux grands principes et aux grandes valeurs d'égalité et de liberté. Et dans la vie quotidienne, pour chacun et chacune, on va faire de la résistance. Des choses qu'on avait l'habitude de faire et qui nous allaient, bien évidemment qu'on va résister pour changer.
"Un certain nombre d'hommes résistent au changement de petites habitudes qu'ils ont. Ce n'est pas forcément qu'ils refusent l'égalité en théorie, mais c'est qu'en pratique, ils n'ont pas tellement envie que ça s'applique à eux-mêmes."
Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmesà franceinfo
L'égalité va amener un petit moins de privilèges du côté d'un certain nombre d'hommes qui avaient auparavant plus facilement accès, par exemple, aux postes à responsabilités. Ils vont être challengés par un certain nombre de femmes. Et donc, nécessairement, il va y avoir des résistances de ce côté-là. On le comprend.
Est-ce qu'on sensibilise davantage ? Est ce qu'il faut passer par la sanction ?
Il ne faut surtout pas baisser les bras. Évidemment, il y a la question de l'obligation. On peut dire, il faut absolument continuer à sensibiliser, à former. Mais cela ne peut pas aller sans la sanction sur un certain nombre de choses. À partir du moment où on dépasse les limites de la loi, il faut absolument que le couperet tombe. Et cela fait partie des choses qui ne vont pas en ce moment.
La justice n'a pas mis en place ce qu'il faut pour pouvoir réellement être cohérente avec le discours sociétal sur, par exemple, la fin des violences sexuelles. Quand on sait que moins de 1% des violeurs sont condamnés, il y a quelque chose qui est incohérent. On dit, il ne faut pas le faire, et en même temps, quand on le fait, il ne se passe rien. C'est anti pédagogique. Je comprends qu'il puisse y avoir encore cette culture du viol qui perdure.
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