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Vidéo #SiJetaisElles : un collectif féministe dénonce "avec humour" le sexisme dans les interviews de cheffes d'entreprise

Des patrons ont été soumis aux questions genrées souvent posées aux femmes qui exercent des postes à responsabilité. Une campagne satirique destinée à déconstruire "les biais" sexistes dont souffrent notamment les médias.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié Mis à jour
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Extrait de la vidéo #SiJetais#Elles du collectif Sista. (SISTA x MIROVA FORWARD)

Et si on posait les mêmes questions sexistes aux hommes chefs d’entreprise que celles fréquemment posées aux femmes dirigeantes ? Un collectif féministe lance la campagne #SiJetaisElles pour dénoncer les interviews genrées. Dans une vidéo, plusieurs patrons ont répondu à des questions généralement soumises aux femmes exerçant des postes à responsabilité. Imaginez huit  grands dirigeants hommes, totalement désarconnés par les questions d'une journaliste : c'est ce qu'ont vécu le PDG de Kering, François-Henri Pinault, le président de BlaBblaCar, Frédéric Mazzella, le fondateur de Free, Xavier Niel, le DG de L'Oréal, Nicolas Hieronimus, ou encore Cédric O, le secrétaire d'Etat chargé du Numérique. La journaliste est en réalité une comédienne, ils ne le savent pas. Les questions, elles, sont habituellement posées aux femmes dirigantes dans la presse généraliste. Le collectif Sista les a piochées dans 118 articles publiées ces trois dernières années. Preuve que les questions sexistes n'épargnent pas le monde des médias. 

"On est tous malheureusement extrêmement biaisés", explique, jeudi 24 mars, sur franceinfo Tatiana Jama, entrepreneure, cofondatrice du collectif Sista pour réduire les inégalités de financement entre femmes et hommes entrepreneurs.

franceinfo : Vous avez bien rigolé en réalisant cette campagne ?

Tatiana Jama : Si vous saviez, c'était merveilleux ! Et on en rigole encore. Ce qui est assez génial avec cette vidéo et cette campagne, c'est que c'est une expérience universelle. En fait, cela met mal à l'aise tout le monde que ce soit les hommes ou les femmes. Je pense que c'est pour ça que ça marche.

Il s'agit de déconstruire par l'humour ?

Oui, exactement. L'idée est de se dire que collectivement, on a un certain nombre de biais. D'ailleurs, les journalistes en ont bien conscience. C'est un des milieux qui a le plus conscient de ses biais. L'idée n'est pas du tout de pointer du doigt. L'idée est juste de dire que d'un point de vue systémique, on est tous malheureusement extrêmement biaisés. Il faut prendre conscience d'un biais et agir dessus.

Est-ce que les chefs d'entreprise ont pris conscience de ces biais ?

C'était l'idée. On a fait une étude avec l'agence Mots-clés pour étudier effectivement un certain nombre d'articles et sortir les mots qui reviennent le plus.

Quand on analyse la presse, on se rend compte que les verbes d'action sont destinés aux hommes. Les hommes décident, et puis les femmes vont réfléchir ou vont essayer.

Tatiana Jama

à franceinfo

C'est extrêmement subtil. Ce n'est pas la misogynie évidente. Et comme tout cela est subtil, personne ne s'en rend vraiment compte. C'est pour ça que nos invités sont vraiment décontenancés. C'est qu'ils n'avaient pas conscience de ça et je pense que la plupart des gens ne se rendent pas compte.

La question de l'imposteur a saisi un de vos chefs d'entreprise dans la vidéo. Le thème de la légitimité est réservés aux femmes ?

Bien sûr, il y a au final une espèce de marketing des inégalités qui fait que le syndrome de l'imposteur revient à chaque fois dans toutes les interviews de femmes, alors que ce n'est pas vraiment le sujet quand on les interroge sur leurs compétences. Dans l'ensemble de la campagne et l'étude Mots-clés, il y a énormément d'enseignements qui sont intéressants, notamment autour de l'éternelle jeunesse. C'est quelque chose qui m'a frappée, à chaque fois, le mot jeune femme revient systématiquement alors qu'on ne parle pas de jeune homme. Alors qu'on a le même âge. On parle souvent de mes enfants. Mon mari a les mêmes, on ne lui en parle jamais.

Va-t-on arriver à faire changer les mentalités en passant par l'humour ?

J'en suis convaincue. Les deux clés sont, d'abord la data. À partir du moment où on met des chiffres sur des inégalités, il y a plus de ressentis, mais factuellement des inégalités qui se montrent. C'est ce qu'on a fait au tout début en disant qu'il n'y avait que 2% des femmes qui avaient été financées. 2% ce n’est rien et ça marque. La deuxième chose, c'est l'humour parce que je pense qu'on est dans un monde extrêmement compliqué, qui va mal. En prenant ces sujets-là avec humour, on pense les faire émerger de la bonne façon.

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