Ce que l'on sait de l'agression d'une enseignante à Tourcoing par une élève de 18 ans
Elle devait être jugée dès mercredi après-midi. Le procès d'une élève de 18 ans du lycée Sévigné de Tourcoing (Nord), soupçonnée d'avoir giflé une enseignante qui lui avait demandé de retirer son voile, a été renvoyé au 11 décembre, rapporte France Bleu Nord, mercredi 9 octobre. En attendant, elle a été placée sous contrôle judiciaire avec interdiction d'entrer contact avec la victime et de paraître au domicile de celle-ci ou aux abords du lycée. Voici ce que l'on sait de cette affaire.
Une altercation dans l'enceinte de l'établissement
Les faits se sont déroulés lundi vers 16h30 au lycée Sévigné, alors que l'élève, en terminale bac pro métiers de l'accueil, venait de revêtir son voile au moment de quitter l'établissement. Selon les premières investigations, l'enseignante en sciences techniques médico-sociales a demandé à la jeune fille "de retirer son voile religieux, avant d'essuyer des propos injurieux", a déclaré le parquet de Lille à l'AFP. "L'élève a invectivé l'enseignante tout en poursuivant son chemin vers la sortie", a de son côté précisé le rectorat, comme le rapporte France 3 Hauts-de-France.
La professeure s'est ensuite "opposée à sa sortie de l'établissement afin de recueillir son identité" et l'élève a alors porté "une gifle à l'enseignante, qui la lui rendait". "S'ensuivaient plusieurs coups, menaces et bousculades", a ajouté la procureure Carole Etienne. L'élève a ensuite pris la fuite, avant d'être interpellée à son domicile en fin de journée et placée en garde à vue. Selon Jean-François Carémel, secrétaire académique du syndicat Snes-FSU Lille, l'enseignante a ensuite porté plainte.
Le procès de l'élève, qui se dit "désolée", reporté à mi-décembre
Une enquête a été ouverte et l'élève, inconnue de la police et de la justice, a été placée en garde à vue jusqu'à mercredi. Elle devait être jugée en comparution immédiate dans l'après-midi au tribunal judiciaire de Lille, mais a obtenu un délai. Son procès a été reporté au 11 décembre. "Je suis désolée des coups que j'ai pu mettre à cette professeur et j'espère que ça va bien se passer", a déclaré la jeune fille, veste noire sur T-shirt blanc, cheveux en chignon, lors de l'audience.
La lycéenne sera jugée pour violence suivie d'une ITT de moins de huit jours et menace de mort sur une personne chargée de mission de service public. La présidente a déclaré qu'elle ne contestait pas avoir frappé l'enseignante mais démentait les menaces de mort. L'avocat de la jeune fille, Ossama Dahmane, a estimé à l'audience que sa place n'était pas en comparution immédiate, soulignant qu'elle n'avait aucun antécédent judiciaire. Il a dénoncé "une procédure guidée par l'opinion publique".
L'enseignante n'était pour sa part pas présente à l'audience. Son avocat, Eric Cattelin-Denu, a déploré devant les journalistes présents que "le corps enseignant et bien d'autres corps professionnels soient toujours victimes de violences dès lors qu'on veut faire respecter une règle de droit, des principes".
Sur le plan scolaire, "une mesure conservatoire a d'ores et déjà été prise à l'encontre de l'élève pour lui interdire l'accès à l'établissement jusqu'à réunion de son conseil de discipline", a assuré depuis l'Assemblée nationale la ministre de l'Education, Anne Genetet, précisant s'être entretenue avec la professeure et la proviseure. "J'ai demandé que des sanctions disciplinaires très fermes soient prononcées compte tenu de la gravité des faits", a-t-elle ajouté, précisant qu'une "équipe mobile de sécurité" avait été déployée sur place mardi matin par le rectorat.
Les cours suspendus jusqu'à jeudi et une cellule de crise ouverte
Mardi matin, les enseignants du lycée se sont réunis à la suite de cet événement, a appris France Bleu Nord auprès de l'équipe éducative. La proviseure de l'établissement a décidé d'annuler les cours et une cellule de crise a été ouverte avec l'équipe pédagogique et le rectorat.
Les cours ne sont pas assurés mercredi et reprendront seulement jeudi. Le rectorat précise qu'un "temps d'échange et de travail est mené par les équipes" de l'établissement. Les élèves qui se présentent au lycée dans la journée seront quand même accueillis. Certains ont été choqués, comme ils l'ont expliqué à France Télévisions, décrivant une enseignante "super gentille, à l'écoute. On n'a jamais eu de problème avec elle, elle est toujours là pour nous aider".
D'autres s'interrogent, comme Leïla, élève de terminale qui n'a pas été témoin des faits : "Pourquoi une telle violence pour un simple voile ? La professeure aurait très bien pu demander à la jeune fille très calmement d'enlever son voile", a estimé auprès de l'AFP l'élève, qui retire le sien au lycée.
Le Snes-FSU Lille s'est dit "solidaire de l'ensemble des personnels du lycée Sévigné confrontés à des conditions d'exercice difficiles". Mais comme l'a déclaré Jean-François Carémel auprès de France Bleu Nord, il n'y a pas de tension particulière autour des questions de laïcité dans cet établissement scolaire.
La classe politique s'est aussitôt emparée de l'affaire
L'agression s'est invitée à l'Assemblée nationale, mardi, par la voix du député de Tourcoing et ex-ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin. L'enseignante "a été agressée verbalement puis physiquement, sans contestation possible puisque la vidéo du lycée" a permis aux policiers "de prendre non seulement la plainte, mais de qualifier les faits", a-t-il affirmé lors des questions au gouvernement. Interpellée, la ministre de l'Education nationale a répondu qu'il s'agissait "d'un acte qui défie notre école laïque, d'un acte qui défie la République". Anne Genetet se rendra jeudi matin au lycée Sévigné afin d'"apporter son soutien à l'équipe éducative de l'établissement", selon son entourage.
"Menacer un professeur, c'est menacer la République. Frapper un professeur, c'est frapper la République."
Anne Genetet, ministre de l'Education nationaleà l'Assemblée nationale
"Dans tous nos établissements, la loi de 2004 doit s'appliquer, toute la loi de 2004" interdisant le port de signes religieux à l'école, a de son côté réagi le ministre délégué en charge de la Réussite scolaire, Alexandre Portier. "L'heure n'est plus aux errements, aux hésitations, mais à une ligne claire, ferme et assumée", a-t-il ajouté. Pour le président de la Région Hauts-de-France, Xavier Bertrand, "la laïcité est un des piliers de l'école de la République, elle ne se négocie pas".
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