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"C'était un peu un choc des cultures" : confidences d'anciens élèves qui ont bénéficié des conventions ZEP à Sciences Po

Alors que l'Institut d'études politiques de Paris va supprimer son concours d'entrée et renforcer les "conventions éducation prioritaire", franceinfo a retrouvé deux anciens élèves qui ont bénéficié de ce système.

Article rédigé par Alexis Morel
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 2 min
L'entrée de Sciences Po, rue Saint Guillaume, à Paris. (VINCENT ISORE / MAXPPP)

"C'était un peu un choc des cultures, j'ai rencontré des gens d'un milieu social un peu plus aisé que le mien", confie Fatoumata Sow à franceinfo. La jeune femme a bénéficié des conventions ZEP pour rentrer à Sciences Po Paris, en 2006. Plus de 18 ans après le lancement de ce dispositif, la prestigieuse institution parisienne se réforme : elle va supprimer les épreuves écrites de son concours d'admission à partir de 2021, au profit d'une sélection sur dossier et un oral, qui va renforcer ces "conventions éducation prioritaire", lancées en 2001. L'école se fixe des objectifs chiffrés : 30% minimum de boursiers dans chaque promotion.

Je suis fière d'être une convention ZEP. Ça ne m'a pas empêchée de m'épanouir socialement à Sciences Po.

Fatoumata Sow

à franceinfo

"Moi, j'ai fait ce choix d'assumer clairement d'où je venais", raconte Fatoumata, qui dirige aujourd'hui le cabinet du maire du Pré-Saint-Gervais, près de Paris, tout en préparant sa candidature aux municipales dans sa ville natale, Colombes (Hauts-de-Seine). "En cinquième année, j'avais organisé mon dîner de conférence à Colombes. La classe est venue, on a dîné chez moi, dans ma cité, ça c'est super bien passé."

Fatoumata Sow, aujourd'hui directrice de cabinet du maire du Pré-Saint-Gervais. (ALEXIS MOREL / RADIOFRANCE)

Fatoumata Sow garde donc un excellent souvenir de sa scolarité à Sciences Po Paris. C'est en fait après l'école qu'elle a parfois déchanté. "Je me lance dans une bataille aux municipales et c'est vrai qu'on m'a souvent fait comprendre qu'une jeune femme noire et maire d'une grande ville, c'est compliqué, raconte Fatoumata Sow. Ce sont des choses dures que je n'ai jamais entendues à Sciences Po. On fait une belle scolarité, on s'en sort et personne ne nous fait ressentir ce qui peut paraître comme une différence. C'est dans l'engagement politique que je l'ai ressenti."

Phénomène d'autocensure

Des obstacles après Sciences Po, c'est aussi ce qu'a vécu Pablo Ahumada. Il est passé en une dizaine d'années de lycéen boursier en Seine-et-Marne à diplomate au quai d'Orsay. Lui aussi assure qu'il doit beaucoup aux "conventions éducation prioritaire", même si ça n'a pas tout résolu. "Quand on regarde le nombre d'étudiants entrés à Sciences Po par la convention d'éducation prioritaire et qui ont ensuite intégré le ministère des Affaires étrangères, on est deux, explique Pablo Ahumada. Le mécanisme d'autocensure est levé dans les lycées, mais il continue à Sciences Po et même après."

 Pablo Ahumada, diplomate au quai d'Orsay. (ALEXIS MOREL / RADIOFRANCE)

Le jeune diplomate raconte avoir hésité pendant très longtemps avant de passer le concours du ministère des Affaires étrangères : "J'ai longtemps pensé que ce n'était pas fait pour moi et que je n'aurais jamais le niveau." C'est pour cela que Pablo Ahumada, tout comme Fatoumata Sow, retourne régulièrement dans son lycée d'origine pour montrer que son parcours est possible.

"C'était un peu un choc des cultures" - Reportage d'Alexis Morel

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