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"Le classement Pisa nous interroge sur les inégalités scolaires"

La France pointe à la 25e place dans le palmarès de l'OCDE sur le niveau des élèves de 15 ans, publié mardi. Quelles leçons doit-on en tirer ? Réponse avec une spécialiste des sciences de l'éducation.

Article rédigé par Anne Brigaudeau - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Les élèves français sont plus anxieux et doutent plus de leurs compétences en maths que la moyenne de l'OCDE, selon le classement Pisa publié le 3 décembre 2013. (AMELIE BENOIST / BSIP / AFP)

Les élèves français sont-ils si mauvais ? L'OCDE rend public, mardi 3 décembre, son classement Pisa, qui évalue les compétences scolaires des adolescents de 15 ans dans 65 pays et zones économiques. Dans l'édition 2012 du palmarès, les élèves français pointent à la 25e place en maths, à la 21e place en compréhension écrite et à la 26e place en sciences.

Quelle importance accorder à ce classement ? Francetv info a posé la question à Nathalie Mons, professeure de sociologie à Cergy-Pontoise et spécialiste des politiques scolaires.

Francetv info : Comment analysez-vous cette nouvelle chute de la France, qui passe à la 25e place dans le classement Pisa ?

Nathalie Mons : C'est un peu plus compliqué qu'une simple dégringolade. Depuis 2006, la France se trouvait déjà dans les pays moyens en maths. Elle a régressé dans ce domaine depuis le début de Pisa en 2000 [la France enregistre un score de 495 points en 2012, en baisse de 16 points par rapport à 2003].

Ce qui est marquant dans cette édition, c'est l'accroissement des inégalités entre les élèves. Nous sommes dans une école bipolarisée : les élites progressent de leur côté sur l'écrit, le nombre d'élèves en difficulté augmente de l'autre. Il faut réfléchir à rendre notre école moins inégalitaire. Les élèves en difficulté se recrutent dans les milieux défavorisés et l'élite scolaire colle à l'élite sociale.

Faut-il s'inquiéter de ce classement ou le remettre en cause ?

Bien sûr qu'il faut s'en inquiéter ! Le classement Pisa nous interroge sur le niveau des inégalités scolaires qui se sont développées au cours des dernières années. Il nous interroge d'autant plus que les nombreuses évaluations nationales réalisées en France vont dans le même sens. Il y a des évaluations comme le cycle d'évaluations disciplinaires réalisées sur échantillons (CEDRE, présenté sur le site de l'Education nationale) qui montrent les mêmes résultats.

Ce qui est également important dans le classement Pisa, c'est le ressenti des élèves. Par rapport aux mathématiques, ils sont extrêmement anxieux et ils doutent de leurs compétences plus que la moyenne des pays de l'OCDE. On retrouve ça dans d'autres études comme l'enquête Health Behaviour in school-age children. En France, un élève sur deux seulement considère que ses résultats sont bons ou très bons. Il y a un problème de confiance en soi, amplifié pour les élèves défavorisés.

Quels enseignements peut-on tirer de cette évaluation ?

Les enseignements de Pisa, mais aussi des autres classements, c'est qu'il y a de plus en plus d'inégalités, d'élèves anxieux, mais aussi que les enfants se sentent plus étrangers, mal à l'aise à l'école en France que dans les autres pays.

Si l'on affine, on voit que les familles favorisées ont un bon sentiment d'appartenance à l'école, leurs enfants sont dans la moyenne de l'OCDE, mais les autres se sentent bien moins à leur aise. C'est un facteur particulièrement lié à la difficulté sociale.

Ce qu'il faut faire ? Développer davantage de prévention. En France, on attend que les gens soient en difficulté pour agir. Les pays qui réussissent sont ceux qui organisent un système de prévention avec suivi personnalisé. Le dispositif "plus de maîtres que de classes" lancé par le ministre de l'Education, Vincent Peillon, vise cet objectif de prévention.

Mais ce n'est pas tout. On connaît aussi l'importance de la formation initiale puis continue des maîtres : un pays comme Singapour est très avancé dans ce domaine, la Finlande aussi, qui a également beaucoup d'avance sur le dispositif d’enseignement individualisé. On sait aussi que les pays qui réussissent bien, comme le Japon et toujours la Finlande, ne font pas redoubler leurs élèves. Enfin, l’évaluation et la notation créent beaucoup d’anxiété. Il faut revoir notre modèle.

En revanche, la France a des atouts. La préscolarisation est un facteur important pour la réussite. Et nous sommes, pour le coup, un pays modèle avec nos maternelles.

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