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"Pas le temps de réviser !" : de nombreux candidats enseignants renoncent in extremis aux concours de recrutement de professeurs

Les inscriptions aux concours de recrutement de professeurs des écoles, collèges et lycées de la session 2023 se terminent vendredi. Et cette année encore, malgré la prolongation de deux semaines du délai d'inscription, il manque des candidats. 

Article rédigé par franceinfo - Thomas Giraudeau
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Temps de lecture : 4 min
Rentrée de l'Inspé à Aurillac, le 25 août 2020.  (AGENCE AURILLAC / MAXPPP)

À Lyon, Jeanne a commencé la procédure d'inscription au concours du Capes (certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré), pour devenir professeure de sciences économiques et sociales (SES). Mais, elle s'est arrêtée en cours de route. "Je n'ai pas encore validé mon inscription, parce que je sais que si j'y vais, c'est voué à l'échec, affirme-t-elle, Je n'ai pas le temps de m'y préparer correctement."

Le dernier jour pour s'inscrire aux concours pour devenir enseignant, c'est vendredi 2 décembre. Malgré les annonces du ministre de l'Education sur les hausses de salaire en début de carrière, signe que la campagne ne fait pas le plein, la période d'inscription a été rallongée de deux semaines, faute de candidats. Même dans les Instituts supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé), voie naturelle vers les concours de l'enseignement, des étudiants décident de renoncer et de ne pas les passer. 

Jeanne, 22 ans, est en deuxième année de master métiers de l'enseignement, de l'éducation et de la formation (Meef), dans un Inspé. Elle doit jongler entre sa formation et les cours qu'elle donne à ses élèves. "Le lundi, j'ai trois à quatre heures face à des élèves, souligne-t-elle. Les mardis, mercredis et jeudis, de 8 à 17 heures, on est à la fac, à l'Inspé. Et le vendredi, retour à l'établissement où j'ai de nouveau trois à quatre heures de cours devant des élèves." Étudiante en master 2 sous statut d'alternante, elle est payée 740 euros par mois pour ses six heures d'enseignement par semaine. Insuffisant pour financer ses études, alors elle travaille certains soirs. Entre les cours, les travaux à rendre à l'Inspé, un mémoire à écrire pour valider son master, et puis ces heures d'enseignement dans une classe, il est difficile de trouver un créneau pour réviser les épreuves. "Certains de mes camarades n'imaginaient pas à quel point ça allait être lourd, ils sont partis depuis le début de l’année universitaire", ajoute Jeanne.

Marie, elle, est en master Meef à Nantes. Elle ne passera pas le Capes d'anglais, au printemps prochain. "Préparer les cours en classe demande énormément de temps, explique-t-elle. On a un tuteur enseignant au fond de la salle, qui nous encadre. Mais c'est nous qui donnons le cours. Nous préparons entièrement les séquences." 

"C'est un travail faramineux qui demande beaucoup de recherches personnelles. Il faut passer parfois cinq heures pour préparer une heure de cours ! Ça ne laisse pas le temps de réviser le concours."

Marie, étudiante

à franceinfo

De plus, l'obtention du master 2 est indispensable pour devenir enseignant titulaire. Un étudiant qui obtient le concours mais pas son master ne peut pas entrer dans la fonction publique et être enseignant. "Mes camarades préfèrent donc d'abord se concentrer sur la fin de leurs études", explique Marie. 

Des stages présentés comme un avantage     

Certains de leurs examens ressemblent de près ou de loin aux épreuves écrites, la première phase du concours, reconnaissent les étudiantes. Leur formation à l'Inspé est donc un plus. D'ailleurs, les quelques 50 000 étudiants de ces écoles réussissent un peu mieux que les autres candidats. Un sur trois environ a obtenu un concours enseignant selon les derniers chiffres disponibles, en 2021. "Le concours évalue aujourd'hui davantage l'ensemble des compétences professionnelles, assure Alain Frugière président du réseau Inspé. Notamment le fait d'avoir une expérience de terrain, avoir été devant les élèves, connaître les élèves, avoir fait classe. Ces stages qui peuvent être perçus comme une lourdeur tout au long de l'année, peuvent présenter et présentent dans la majorité des cas un avantage lors des épreuves du concours."

Un argument qui ne convainc pas Amélie, en master Meef professeur des écoles, en Lorraine. Elle s'est inscrite au concours mais ne le passera pas. "J'aimerais d'abord valider mon master, et me donner un an pour le préparer sérieusement, longuement, avant de le passer l'année d'après." Comme Amélie, selon les derniers chiffres du ministère en 2021, 40% des inscrits aux concours enseignants ne s'y sont finalement pas présentés. Les étudiants en Inspé sont cependant beaucoup plus assidus, puisqu'un sur dix seulement ne s'est pas présenté au concours après s'y être inscrit.

"Un an de travail monstrueux"

D'autres étudiants, contactés par franceinfo, se demandent, eux, s'ils veulent toujours devenir enseignants."Si j'obtiens le concours, je ne sais pas que ce que je fais, avoue Marie. Mes expériences en classe, durant mes stages de master, m'ont fait réaliser ce qu'est le métier. C'est assez démoralisant !" 

"J'imaginais que l'on pouvait innover, avoir une liberté pédagogique. Et finalement, j'ai l'impression qu'on a peu de marges de manœuvre."

Marie, étudiante

à franceinfo


Marie réfléchit à travailler plutôt dans des associations, en restant dans le monde de l'éducation. Alexis, lui, pourrait s’engager dans l'armée de terre, et devenir officier. "J'ai voulu devenir professeur de sport, dès le CM2, confie-t-il. Mais ce master en Inspé m'a un peu dégoûté." Il décrit "un an de travail monstrueux, entre les stages, la soutenance du mémoire, les cours", en plus de son job étudiant. "Je pense que si je rate une fois le concours, je ne le retenterai pas." 

Manque de candidat aux concours de l'enseignement : le reportage de Thomas de Giraudeau

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