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Pourquoi les épreuves de contrôle continu du nouveau bac sont-elles menacées ?

Pour protester contre la réforme du baccalauréat et ces nouvelles épreuves qu'ils jugent mal préparées, des professeurs menacent de ne pas surveiller les candidats ou de ne pas corriger les copies.

Article rédigé par franceinfo
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Des enseignants manifestent contre la réforme du bac et les épreuves appelées E3C, à Toulouse (Haute-Garonne), le 15 janvier 2020. (ALAIN PITTON / NURPHOTO / AFP)

La réforme du bac va-t-elle se prendre les pieds dans le tapis ? La première session des épreuves du contrôle continu du nouveau baccalauréat doit débuter lundi 20 janvier et s'étaler sur un mois et demi. Au programme de ces épreuves appelées "E3C" (pour épreuves communes de contrôle continu) : de l'histoire-géographie et des langues vivantes, pour la série générale. Dans les séries technologiques, les lycéens plancheront en plus sur les mathématiques.

Certaines de ces nouvelles épreuves sont déjà perturbées localement et pourraient l'être à l'échelle nationale.

Parce que des enseignants et des parents d'élèves sont opposés à cette réforme du bac

Dans une tribune publiée le 14 janvier par Libération, un collectif de professeurs de lycée, universitaires et parents d'élèves juge que la réforme du baccalauréat contrevient "aux principes, au bon fonctionnement et à la mission de l'Education nationale".

Avec le "bac Blanquer", l'élève ne fait que réviser. Il n'y a plus de temps pour l'acquisition et surtout l'examen critique des savoirs émancipateurs, pour développer la réflexion, ni même pour permettre la patiente progression des élèves.

Un collectif de professeurs de lycée, universitaires et parents d'élèves

dans "Libération"

Pour ce collectif, la réforme du bac "impose aux enseignants de noter, noter, hiérarchiser, sélectionner le plus tôt possible". Et d'asséner : "Ce n'est pas la progression continue de l'élève qu'évalue l'enseignant avec les E3C, mais son classement par rapport à tous ceux qui, comme lui, postuleront dans Parcoursup dans l'espoir d'être acceptés dans le supérieur."

Plusieurs syndicats d'enseignants sont aussi opposés à cette réforme. Certains estiment qu'elle met en place un "bac sans valeur".

Des syndicats de Créteil (Val-de-Marne), la CGT-Education, SUD-Education et Snes-FSU réclament un "véritable bac national".

La Fédération des parents d'élèves de l'enseignement public (PEEP), ne voit pas la réforme du même œil. "L'enjeu n'est pas aussi important qu'on veut bien le dire sur les E3C", assure à franceinfo Hubert Salaün, porte-parole de la fédération. "Avec les E3C, les élèves vont être évalués trois fois en histoire-géo entre la première et la terminale : deux fois en première et une fois en terminale. Le coefficient est de 5 sur un total de 100", détaille-t-il. "Cela signifie que chaque épreuve va compter pour 0,033 point de la moyenne du baccalauréat. Donc, c'est vraiment peu de chose. Il ne faut pas dramatiser ça."

Parce que des professeurs menacent de ne pas participer aux épreuves

"En assemblée générale, on a voté une motion disant que les professeurs concernés par les E3C ne choisiraient pas de sujet. Nous n'avons choisi aucun sujet dans les délais impartis", a expliqué à franceinfo Rémi, professeur d'histoire dans un lycée parisien.

Si les professeurs ne donnent pas de sujet, ne surveillent pas, ne corrigent pas, il n'y aura rien.

Rémi, professeur d'histoire dans un lycée parisien

à franceinfo

Un compte Twitter intitulé "Stop Bac Blanquer - Stop E3C" recense sur une carte les établissements où des actions sont prévues. Lycée par lycée, les modes d'actions envisagés sont indiqués. Certains envisagent une "grève des corrections", "une action sur les notes", "une absence de choix de sujets", "une grève des surveillances", ou encore un mélange de plusieurs actions.

Des sanctions sont-elles prévues pour les enseignants mobilisés ? "Je ne suis pas sur un terrain de ce type, sauf lorsque l'on viole le droit, bien entendu", a répondu le ministre de l'Education, Jean-Michel Blanquer, sur RTL, jeudi 16 janvier. "Quelqu'un qui ne corrige pas, se met en grève donc, a un retrait de salaire. Ça, c'est évident", a-t-il précisé.

Parce que des lycées risquent d'être bloqués

Des actions ont déjà commencé un peu partout en France. Des élèves de première n'ont pas pu passer l'épreuve d'anglais, le 13 janvier, au lycée Alphonse Daudet, à Nîmes (Gard). France 3 Occitanie rapporte que des enseignants ont refusé de distribuer les feuilles d'examen. Leur geste était destiné à protester contre l'intervention des forces de l'ordre, le matin, pour évacuer la tentative de blocage de l'établissement. "On était installés dans les classes, et au dernier moment, le profs ont décidé de ne pas distribuer les énoncés des épreuves", témoigne une élève.

Deux lycées parisiens du 12e arrondissement ont aussi été bloqués, le 14 janvier, ainsi que le lycée Nelson Mandela à Poitiers (Vienne), le lendemain.

Le 16 janvier, le lycée Newton de Clichy (Hauts-de-Seine), est bloqué contre la réforme du bac et la réforme des retraites.

Parce que c'est "vraiment flou" (pour les lycéens et les profs)

"Les mots qui reviennent toujours quand on parle de bac avec les professeurs, c'est 'apparemment', 'je crois'...", raconte à l'AFP Stéphanie, scolarisée dans le 12e arrondissement de Paris. "Tout est vraiment flou, ce qui ne motive pas à réviser", ajoute-t-elle. Haby, dans le même lycée, a appris "il y a seulement trois jours", la date des premières épreuves.

Personne n'est prêt, ni les élèves, ni les profs. Et le ministère, c'est pire. Pourquoi ne pas avoir attendu une année de plus avant de mettre la réforme en place ?

Haby, élève dans un lycée du 12e arrondissement de Paris

à l'AFP

"Je n'ai pas du tout commencé à réviser", confie aussi Cerise, lycéenne dans le 4e arrondissement de la capitale. "Le problème, comme on est les premiers, est qu'on ne sait pas comment ça va se passer. On est un peu les cobayes", commente Melvin.

"On navigue à vue, on bricole. Nous n'avons aucun mode d'emploi", soupire auprès du quotidien régional Ouest-France un professeur du lycée Joliot-Curie, à Rennes (Ille-et-Vilaine). Caroline Quiniou, enseignante à Ivry (Val-de-Marne), et syndiquée au Snes, a fait part de son alarmisme auprès de franceinfo.

C'est l'impréparation la plus totale.

Caroline Quiniou, enseignante à Ivry (Val-de-Marne)

à franceinfo

La banque de sujets a été ouverte le lundi 9 décembre, rapporte l'enseignante. "Cela veut dire que l'on a fait trois mois complet de cours sans avoir aucune idée des différents types de sujet que l'on allait avoir au mois de janvier." 

Plusieurs syndicats ont demandé, le 10 janvier, au ministre de l'Education nationale, "de renoncer à la 1ère session des E3C""A moins d'un mois de la tenue des épreuves, rien n'est prêt, ce qui contribue au stress grandissant des élèves", écrivent-ils dans un communiqué commun. Ils pointent "problèmes d'organisation, lourdeur de la procédure, inégalités de conditions de passage et de traitement entre établissements et donc entre élèves".

De son côté, le ministre de l'Education nationale, Jean-Michel Blanquer, s'est voulu rassurant sur LCI, le 12 janvier : "D'un point de vue pratique, les choses sont complètement assurées."

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