: Reportage "C'est une forme de politique d'aménagement du territoire" : face au déficit, l'avenir des campus délocalisés en question
Ensemble, ils dénoncent la "situation désastreuse de l'enseignement supérieur et de la recherche". Enseignants et étudiants, réunis en intersyndicale, organisent une journée de mobilisation dans les universités françaises. Quatre sur cinq risquent de finir l'année en déficit, a estimé France Université, l'instance nationale qui les représente. Il faut donc trouver des pistes d'économies. Alors que le ministre de l'Enseignement supérieur présente mardi 19 novembre sa "feuille de route", certains présidents de campus mettent en avant le risque de suppression, par exemple, d'antennes des universités installées dans les petites villes.
L'université d'Angers est la moins bien dotée de sa catégorie. Elle regroupe 27 000 étudiants et compte trois sites délocalisés : Cholet, Les Sables d'Olonnes et Saumur, où 400 jeunes sont inscrits. C'est parfois une solution pour trouver une formation proche de sa famille. "Je vis chez mes parents, ça fait des économies, c'est très pratique", explique une étudiante. Proposer un lieu d'études supérieures accessible, c'est le fondement même de ces petits campus, qui proposent souvent des formations en lien avec les territoires.
En 2024, l'université d'Angers bouclera pour la troisième année consécutive un budget en déficit et risque donc une mise sous tutelle. Si la gestion est déléguée au rectorat et au ministère de l'Enseignement supérieur, Benjamin Brillant-Boucher, élu du syndicat étudiant Unef au conseil d'administration, craint que ces sites délocalisés soient les premiers touchés. "Tant que l'université d'Angers est gestionnaire de son budget, il n'y a pas un risque immédiat. À partir du moment où elle passera sous tutelle, et ça arrivera bientôt qu'on le veuille ou non, il y a un vrai risque de supprimer ces pôles-là."
Une mission de service public
Autre son de cloche chez le directeur de la formation de tourisme, présente notamment à Saumur. Certes ces campus représentent des coûts de chauffage, de matériel pédagogique spécifique, de mobilité des enseignants pour les faire venir sur place, reconnaît Jean-René Morice, mais ils ne sont pas en danger pour autant.
"Ça ne fait pas partie des questions d'actualité", assure-t-il. Il rappelle même l'importance de ces sites délocalisés pour les territoires qui les accueillent et les financent. "C'est une forme de politique d'aménagement du territoire", argumente Jean-René Morice. Sans compter l'enjeu économique, parce que "les étudiants se logent et consomment sur place, que des familles viennnent les voir", ajoute-t-il.
"L'impact de la fermeture d'un de ces sites n'est pas neutre, c'est fermer des formations, réduire l'accès à l'enseignement supérieur en France"
Jean-René Morice, directeur de la formation de tourisme à Saumurà franceinfo
Dans le bâtiment d'à côté, sur le bureau de la présidente, les courbes des documents financiers parlent d'elles-mêmes. "L'université est en déficit de près d'un million d'euros en 2022, 4,6 millions en 2023, et on prévoit 8,6 millions en 2024" sur un budget de près de 200 millions d'euros, montre Françoise Grolleau.
Pour autant, elle non plus ne souhaite pas fermer les campus délocalisés. Accueillir aussi les jeunes éloignés des grandes villes fait partie, selon elle, de sa mission de service public. Encore faut-il trouver de l'argent quelque part. Elle vient de solliciter de manière exceptionnelle les élus locaux, qui vont défendre auprès du gouvernement l'université publique angevine. "On a la chance d'avoir des élus qui se sont mobilisés collectivement pour écrire un courrier à notre ministre de l'Enseignement supérieur pour faire état de notre situation et pour rappeler l'engagement à soutenir l'université publique au nom du territoire", souligne Françoise Grolleau.
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