Reportage "Ouvrir leur secteur géographique" : en habituant les jeunes aux transports, les Apprentis d'Auteuil luttent contre l'exclusion professionnelle

Pour que la mobilité ne soit plus un frein à l'insertion professionnelle, les Apprentis d'Auteuil organisent des ateliers à destination des jeunes. C'est le cas, à Douai, dans le Nord.
Article rédigé par Noémie Bonnin
Radio France
Publié
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La fondation Apprentis d'Auteuil organise des ateliers, à Douai, pour aider les jeunes à se sentir à l'aise dans les transports en commun. (NOEMIE BONNIN / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Les trois quarts des jeunes ont déjà renoncé à un emploi ou une formation à cause de problèmes liés à la mobilité. C'est la conclusion du 5e baromètre des Apprentis d'Auteuil, que franceinfo révèle en exclusivité, jeudi 14 novembre. La fondation accompagne les personnes en difficulté. Pour les adolescents éloignés du monde du travail, qui ont arrêté l'école tôt, la problématique est encore plus aiguë. Huit sur dix ont renoncé à une opportunité par manque de solutions pour s’y rendre, ce qui renforce leur exclusion professionnelle et sociale. Des dispositifs existent pour justement reconnecter ces jeunes à la mobilité.

À Douai, dans le Nord, la scène paraît banale : un groupe de jeunes prend le bus, pour une sortie patinoire. Sauf qu'elle n'a, en réalité, rien d'anodin. Pour ces adolescents, c'est quasiment un cours pratique de mobilité. C'est le dispositif "Boost Insertion", de la fondation Apprentis d’Auteuil.

"On gagne confiance en nous"

Une trentaine de jeunes sont accompagnés pour élargir leurs horizons. À la base, ces jeunes femmes ne sortaient presque jamais de leur quartier. "Ce que je n'aime pas, c'est être avec beaucoup de monde, être oppressée...", témoigne l'une d'elles. Il y a souvent eu, dans le passé, des situations de harcèlement, de phobie scolaire ou d'expériences traumatisantes d'attouchements dans les transports. Il a fallu travailler sur ces angoisses, ces vécus, pour oser de nouveau : "Maintenant que je suis avec des copines, ça va mieux parce que je suis moins angoissée", raconte l'une. "On gagne confiance en nous. Notre timidité part un peu, on arrive à parler avec les autres", ajoute une autre

Dans ce dispositif, les animateurs identifient les obstacles qui empêchent ces jeunes de bouger, eux qui ont souvent arrêté l'école vers 15 ou 16 ans, sans diplôme et sans travail. Il y a bien sûr des freins matériels : pas assez de transports en commun dans ces petites villes, pas d'argent pour passer le permis de conduire, mais aussi des freins psychologiques. "On essaye d'ouvrir leur secteur géographique, qu'ils se rendent compte qu'ils sont capables d'aller plus loin que leur quartier. Forcément, il y a plus d'opportunités au niveau de l'emploi", assure Thibault, l'un des chargés d'accompagnement.

"Ma famille ne me laisse pas aller plus loin que Douai"

Il reprend, avec ces jeunes, tout depuis le début. Apprendre à lire des horaires de bus, utiliser une application de transport sur leur téléphone, qui n'a rien d'évident : "Ils sont très à l'aise avec les applications comme Instagram, TikTok, etc... Mais dès qu'on sort de ça, c'est compliqué."

Le petit groupe arrive à la patinoire et là aussi, toute situation est propice aux apprentissages, au travail sur l'estime de soi. Pour ces jeunes, qui peinent à trouver leur place dans la société, le travail est encore long. "Ma famille ne me laisse pas aller plus loin que Douai. Ils ont trop peur qu'il se passe quelque chose", explique Coralie, qui cherche une formation dans la petite enfance, après un CAP cuisine dans lequel elle a atterri par défaut, comme pour les autres. Les frontières mentales devraient, peu à peu, s'éloigner.

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