Retour des mathématiques en première : "Il ne faut pas réformer les réformes toutes les cinq minutes", réagit le chargé de mission sur la réforme du Bac
Le directeur de Sciences Po Lille, Pierre Mathiot, reconnaît que les élèves doués en mathématiques ne sont pas assez nombreux et que les filles ne sont pas assez représentées.
"Il ne faut pas réformer les réformes toutes les cinq minutes", estime lundi 14 novembre sur franceinfo le directeur de Sciences Po Lille, Pierre Mathiot, inspirateur du nouveau bac qui avait remis son rapport sur la réforme du baccalauréat en janvier 2018. Finalement, le successeur de Jean-Michel Blanquer à l'Éducation nationale, Pap Ndiaye, a annoncé dimanche 13 novembre le retour des mathématiques obligatoires en première.
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"Il s'agit de ce que j'appelle les 'maths pour tous'", précise Pierre Mathiot. S'il considère que la réforme "permet" aux bons élèves en mathématiques d'aller très loin dans leur apprentissage des sciences, il reconnaît qu'"ils ne sont pas assez nombreux". "J'ai la faiblesse de penser que les choses se jouent dès l'entrée des enfants en maternelle."
franceinfo : La réforme du baccalauréat, dont vous aviez dirigé la mission, ne répondait-elle donc pas suffisamment aux attentes puisqu'il y a une marche arrière ?
Pierre Mathiot : La question qui est posée là, c'est celle des mathématiques pour les élèves qui n'ont pas une appétence très forte pour les matières scientifiques et qui, en effet, dans la mise en place de la réforme, avaient la possibilité de cesser de suivre les mathématiques à partir de la fin de la classe de seconde. Là, ce qui est décidé, c'est de leur demander de suivre une heure et demie de mathématiques en classe de première. Pas des mathématiques de haute volée pour des jeunes qui ensuite feraient des études scientifiques pour ensuite aller occuper des métiers scientifiques. C'est ce que j'appelle les "maths pour tous". C'est de cela dont il s'agit dans les annonces du ministre.
Est-ce mission impossible de réussir à la fois à permettre aux bons élèves en maths d'aller très loin, mais aussi de donner une culture mathématique à tout le monde ?
Pour ceux qui aiment les mathématiques, je pense que la réforme le permet. Les programmes sont exigeants et le volume horaire est conséquent. Il y a néanmoins deux problèmes pour les bons en maths. Pour résumer, ils ne sont pas assez nombreux et surtout il n'y a pas assez de filles. Là-dessus, il y a des choses qui se préparent et que le ministre annoncera probablement très rapidement. De l'autre côté, pour ceux qui n'aiment pas les mathématiques, il y a effectivement un autre enjeu. Il faut que les élèves maîtrisent une culture mathématique, calculatoire, à la sortie du lycée.
Le problème avec les maths survient-il dès le plus jeune âge ?
J'ai effectivement la faiblesse de penser que pour les mathématiques, mais aussi pour d'autres disciplines, les choses se jouent dès l'entrée des enfants en maternelle. Depuis pas mal d'années en France, les mathématiques sont devenues l'alpha et l'oméga du classement des élèves. Des travaux montrent que dès le début de l'école primaire, une partie des enfants, et en particulier des filles, se méfient des mathématiques. Ça renvoie au fait que les professeurs des écoles ont suivi une formation plutôt littéraire. Il y a aussi un enjeu, probablement sur les méthodes d'enseignement. On a longtemps été focalisés sur la formation des meilleurs. Il faut qu'on reprenne les choses, ça prend du temps. Il faut aussi laisser le temps à la réforme de se déployer, le temps d'avoir des effets. Il ne faut pas réformer les réformes toutes les cinq minutes.
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