Témoignages "Les ministres passent et chacun ajoute sa pierre à la bêtise" : "pas sereins" face à l'avenir, ces profs expliquent pourquoi ils font grève ce jeudi

Article rédigé par Noémie Bonnin
Radio France
Publié Mis à jour
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Une élève lève la main pour répondre a une question dans une classe d'école primaire. Photo d'illustration. (FREDERIC PETRY / HANS LUCAS / VIA AFP)
Les enseignants sont appelés à la grève et à manifester partout en France jeudi pour "lancer un avertissement" au gouvernement sur les conditions de travail, les salaires et l'école publique.

"Démotivés" : les enseignants sont appelés à la grève et à manifester partout en France jeudi 1er février pour "lancer un avertissement" au gouvernement sur les conditions de travail, les salaires et l'école publique, une "colère" attisée par les récentes déclarations de leur ministre Amélie Oudéa-Castéra - et les révélations autour de la scolarisation de ces enfants qui ont suivi. Le mouvement doit être relativement suivi dans les écoles : le principal syndicat, le SNUipp, prévoit un taux de grévistes de 40% en moyenne. Jusqu'à 65% à Paris et plus de 50% dans le Val-de-Marne, la Drôme, l'Ardèche ou encore dans les Pyrénées-Atlantiques. 

Quand il a appris l'organisation de cette journée de grève, Christophe, professeur d'anglais dans un collège de Grand-Quevilly, près de Rouen, n'a pas hésité : "Ma première réaction ça a été, enfin !" Ce qui le met le plus en colère, c'est l'impact de l'organisation des groupes de niveaux au collège à la rentrée prochaine. Les élèves de 6e et 5e seront répartis suivant leurs compétences, pour toutes les heures de maths et français : "Quand on entre dans les simulations concrètes, on s'aperçoit qu'il va falloir déshabiller Pierre pour habiller Paul ou Jacques. C'est inacceptable."

Les absences non remplacées cristallisent les colères

Dans l'école de Rachel, en éducation prioritaire, à Angers, sur quinze enseignants, douze sont annoncés en grève. Ce sont les absences non remplacées, qui cristallisent les colères. C'est le cas ici pour trois professeurs en arrêt maladie, dont l'une depuis plus de 15 jours : "Quand un collègue n'est pas remplacé, qu'est-ce qui se passe pour les élèves ? Il n'y a plus de suivi pour eux, ils se démotivent. Ces enfants-là, ils ne sont pas pris en charge et nous, on trinque aussi parce qu'on a déjà des classes difficiles, parfois surchargées. On se retrouve avec des groupes de 29-30, on n'est pas sereins." Et ce n'est pas l'uniforme qui va régler les problèmes, lance l'enseignante.

Benoît, lui, enseigne la technologie dans l'Aveyron, dans trois établissements différents : "Plus on avance dans le temps et plus il y a de points de crispation. Que ce soit les effectifs de classe, la revalorisation salariale, la retraite… Les ministres passent et chacun ajoute sa pierre à la bêtise", conclut-il.

"Point de rupture"

"On a une école qui va mal, qui est au point de rupture", alerte Guislaine David. "Les conditions de travail seront au cœur de notre mobilisation et de nos revendications parce qu'elles se sont dégradées depuis plusieurs années", rappelle la co-secrétaire générale et porte-parole du syndicat d’enseignants SNUipp-FSU sur franceinfo. Selon elle, les enseignants sont actuellement "dans un point de rupture où ils ne peuvent plus exercer leur métier. Ils ont vraiment perdu le sens du métier". La représentante du SNUipp-FSU évoque le pouvoir d'achat des enseignants qui a "baissé ces 20 dernières années. On a une dégradation des salaires". Elle juge que les mesures prises par le gouvernement "n'ont pas suffi, notamment pour les milieux de carrière".

Guislaine David fait part également d'un autre point de "crispation" des enseignants qui concerne les propos d'Amélie Oudéa-Castéra, la ministre de l'Education nationale, de la Jeunesse, des Sports et des jeux Olympiques. La ministre "s'est attaquée dès son arrivée l'école publique et s'est attaquée aux enseignants directement", rappelle la syndicaliste. 

"On voit tous les jours de nouvelles affaires qui grossissent le dossier d'Amélie Oudéa-Castéra. Elle n'est pas légitime pour la plupart des enseignants et on voit bien qu'il y a une crispation sur la personne même de la ministre. Pour nous, elle ne représente pas l'Education nationale."

Guislaine David

à franceinfo

Guislaine David reproche à Amélie Oudéa-Castéra de ne pas être "reconnue par la profession" en raison notamment de "ses mensonges et tout ce qu'il s'est passé suite à ses premières déclarations" et d'être "une ministre à temps partiel" en raison des multiples portefeuilles qu'elle a à gérer. "C'est une forme de mépris pour les personnels et ils le diront dans la rue et en grève.

Tous ces professeurs affirment être prêts à suivre d'autres journées de grève dans les prochaines semaines. À Paris, une manifestation partira à 14h du Jardin du Luxembourg en direction du ministère de l'Éducation nationale. Des manifestations sont annoncées dans de nombreuses autres villes.

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