Cet article date de plus de quatre ans.

"Zéro pointé", "pas sérieux", "pas la grande révolution" : les associations déçues par les mesures du Grenelle sur les violences conjugales

Si certaines associations reconnaissent que la direction est la bonne, elles regrettent le manque d'ampleur des mesures annoncées.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
Le gouvernement présente les conclusions du "Grenelle contre les violences conjugales", lundi 25 novembre. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Le Premier ministre Edouard Philippe a clos lundi 25 novembre le Grenelle sur les violences conjugales en présentant une cinquantaine de mesures visant à améliorer la réponse apportée aux violences faites aux femmes. Des mesures jugées insuffisantes et un budget qui n'est pas à la hauteur des attentes, selon les associations.

"Une déception aussi immense que les attentes" pour #Noustoutes

Le collectif féministe #Noustoutes évoque "une déception aussi immense que les attentes", dans un communiqué publié sur Twitter. Edouard Philippe "n'a pas eu un mot pour les dizaines de milliers de manifestant.e.s qui sont descendu.e.s dans la rue partout en France samedi", déplore le collectif.

Le contenu du plan du gouvernement laisse le collectif sceptique. "De nombreuses mesures annoncées existent déjà." #Noustoute attribue un "zéro pointé" au gouvernement à cause de l'absence de certaines mesures réclamées : "On attendait des mesures de prévention à l'école, des mesures de formations, des places d'hébergement dédiées et financées. On attendait des moyens financiers qui marquent un changement d'échelle." Le collectif pointe aussi du doigt des mesures chiffrées à 360 millions d'euros, soit d'après #Noustoutes la même enveloppe que cette année.

Si les représentantes du collectif féministes se disent "déçues", elles s'affirment néanmoins "déterminées". "Nous ne lâcherons rien, écrivent-elle. A chaque fois que vous banaliserez les violences, que vous blâmerez les victimes, que vous mettrez en doute la réalité de ce que nous vivons, à chaque fois vous nous trouverez sur votre chemin". Et de conclure : "Nous sommes un mouvement que rien ne pourra arrêter."

#NousToutes appelle au rassemblement lundi soir, à 18h, à Paris. Le rendez-vous est fixé à l'arrêt de métro Varenne et le collectif souhaite exprimer sa "colère" et sa "déception".

Caroline De Haas "dégoûtée"

La militante Caroline De Haas se dit "dégoûtée" après des annonces en deçà des attentes. "Le Premier ministre annonce qu'il reconduit quasiment à l'identique pour 2020 le budget alloué aux violences en 2019. Ils ne changent pas les politiques publiques. Les chiffres des violences ne baisseront pas." Elle relève une phrase d'Edouard Philippe, qui a déclaré : "Le défi, c’est la constance". "Non, justement. On veut du changement", lui oppose Caroline De Haas, qui s'insurge contre des mesures déjà connues. "La levée du secret médical existe déjà en cas de danger de mort, écrit-elle notamment sur Twitter. Encore une 'annonce' qui n'en n'est pas une. Sincèrement, ce n'est pas sérieux."

"Une mobilisation", mais des doutes sur les moyens, pour FIT-Une femme un toit 

"Il ne suffit pas de faire des annonces, il faut dire quels moyens on met pour que ce soit efficace", estime Marie Cervetti, directrice du centre d'hébergement et de réinsertion sociale de l'association FIT - Une femme un toit.

Marie Cervetti reconnaît que "le gouvernement est mobilisé dans pratiquement chacun des ministères". Elle salue également "le travail de Marlène Schiappa, [secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes], qui a réussi à convaincre qu'il fallait que tout le monde se mette à travailler sur cette question". C'est selon elle la nouveauté principale dans cette série de mesures : il y a "une mobilisation de l'ensemble du gouvernement pour marteler que les violences ne sont pas acceptables".

Cependant, Marie Cervetti estime que ce plan ne va pas assez loin. "Ce qui manque, c'est un cap beaucoup plus ambitieux", juge-t-elle. Elle évoque notamment la question des financements. Ainsi, l'annonce de la création de lieux d'accueil pour les agresseurs, à raison de deux par région, la laisse dubitative. "J'interroge le financement de ces lieux, financés à 50% par l'Etat. Il faudra trouver les autres 50%". Elle estime que ce type de mission relève de la compétence première de l'Etat et devrait donc "s'inscrire sur le long terme. Or, s'il y a 50% de financements qui ne viennent pas de l'Etat, ils ne sont pas forcément pérennes".

Pas encore "cette grande révolution que l'on souhaitait", regrette la Fondation des femmes

Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes, estime sur franceinfo que "nous n'avons pas encore réussi à tout gagner […] mais on a commencé à enclencher une autre manière de voir ce problème". Parmi les mesures annoncées par le Premier ministre, une était très attendue : la possibilité pour les médecins de "déroger" au secret médical en cas "d'urgence absolue" pour la victime. Une annonce qui réjouit Anne-Cécile Mailfert pour qui "la direction qui est en train de prendre le gouvernement paraît être la bonne, à la fois pour protéger les femmes, mais aussi sécuriser les médecins."

La présidente de la Fondation des femmes a cependant demandé davantage d’efforts, sur les places d’hébergement d’urgence, alors que 1 000 créations ont été annoncées par le gouvernement. "Les associations demandent la création d'un minimum de 2 000 places d’hébergement spécialisé supplémentaires créées, rappelle Anne-Cécile Mailfert. Parce que, tous les ans, 2 000 femmes n’ont pas de solution pour partir de chez leur conjoint violent. Et cela ne nous a pas été accordé."

Anne-Cécile Mailfert souhaite aussi davantage de changements au niveau judiciaire. Sur ce plan, selon elle "on n'est toujours pas dans cette grande révolution que l'on souhaitait." La présidente de la Fondation des femmes demande des "magistrats spécialisés", une "accélération des procédures", et un changement d’organisation pour que "les choses puissent être jugés en même temps dans un même lieu", prenant l’exemple de l’Espagne. Concernant les "problématiques de garde d'enfants, de divorce et de violence" elle a déploré "qu'en France, on a trois procédures différentes trois juges différents, trois thèmes différents, trois avis différents" qui mènent à "des aberrations totales."

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.