L'infectiologue Karine Lacombe accuse l'urgentiste Patrick Pelloux de "harcèlement sexuel et moral"
Vers un #MeToo à l'hôpital ? L'infectiologue Karine Lacombe accuse, mercredi 10 avril dans Paris Match, l'urgentiste Patrick Pelloux de "harcèlement sexuel et moral". Le magazine, qui a enquêté sur les violences sexistes et sexuelles dans le milieu hospitalier, a obtenu confirmation auprès de cette dernière de l'identité du "prédateur sexuel" qu'elle assure avoir côtoyé professionnellement.
Elle avait déjà évoqué son existence à plusieurs reprises avec des journalistes et dans un livre, mais sans jamais le nommer. "Je ne dénonce pas une personne en particulier, je rapporte des faits qui illustrent le côté systémique du harcèlement sexuel à l'hôpital", justifie Karine Lacombe, contactée par franceinfo. Patrick Pelloux, qui réfute toutes les accusations portées par sa consœur auprès du journal, n'avait pas réagi auprès de franceinfo au moment de la publication de cet article.
"Tu fais la gueule, tu as été mal baisée hier soir ?"
Auprès de Paris Match, Karine Lacombe décrit un "harceleur paré de toutes les marques de virilité, hâbleur, débordant d'assurance grâce à son poste à responsabilités, au contact permanent de femmes" et au "comportement empreint de domination sexuelle". Elle assure qu'en 2003, alors qu'elle était interne à l'hôpital parisien Saint-Antoine, où Patrick Pelloux travaillait également, les femmes internes changeaient de planning de garde pour ne pas travailler avec lui la nuit. Elle décrit des remarques grivoises et sexistes récurrentes : "Tu fais la gueule, tu as été mal baisée hier soir ?", "Alors, les poulettes, ça piaille pas beaucoup dans ce poulailler !". Ces dernières pourraient notamment être constitutives, selon la loi, de harcèlement sexuel et de harcèlement moral.
Elle évoque également des "épisodes d'humiliation" dont elle estime avoir été la victime, après avoir éconduit son confrère, âgé de sept ans de plus qu'elle. Le magazine rapporte enfin un fait qui pourrait relever d'une agression sexuelle, dont Karine Lacombe assure avoir été témoin. "Un jour, une interne est de dos, il la saisit par le cou et frotte son bas-ventre contre elle, 'Mmm, te mets pas comme ça, c'est trop tentant, putain ce qu'il fait chaud !' La collègue sourit, gênée, et le repousse", écrit Paris Match, en citant l'infectiologue.
L'urgentiste admet un comportement "grivois"
Deux ex-ministres de la Santé, Roselyne Bachelot et Agnès Buzyn, confirment avoir eu vent de comportements inappropriés de l'urgentiste envers des femmes. Interrogé sur le départ de Patrick Pelloux de Saint-Antoine, en 2008, l'entourage de Roselyne Bachelot assure que l'ex-ministre avait choisi d'"exfiltrer" l'urgentiste au Samu de Paris, où il exerce toujours. En cause : des "accusations répétées de violences verbales et sexuelles". Contactée par franceinfo, l'ancienne ministre assure qu'elle avait reçu des témoignages faisant état d'un "management harcelant et humiliant" de Patrick Pelloux, mais pas de récit de "violences sexuelles".
L'intéressé, qui a fondé l'Association des médecins urgentistes de France, avait estimé à l'époque dans Paris Match être victime de discrimination syndicale. De son côté, Agnès Buzyn assure au magazine avoir appris, alors qu'elle était ministre de la Santé, que "[Patrick] Pelloux était loin d'avoir eu un comportement exemplaire avec la gent féminine", et confirme son "exfiltration" pour ce motif.
"C'était pour rigoler, moi j'ai toujours été fidèle, j'ai plutôt été le mec qui a protégé les filles", aurait ensuite assuré Patrick Pelloux à Karine Lacombe, durant la pandémie de Covid-19. En ajoutant, selon elle : "Avec #MeToo, on ne peut plus rien faire, de toute façon." Auprès du magazine, l'urgentiste admet un comportement "grivois", mais dément l'ensemble des accusations portées à son encontre. "Je n'ai jamais agressé personne", se défend-il. "Ce que nous disions et ce que nous faisions est infaisable aujourd'hui, c'est sûr. Mais on rigolait bien", poursuit-il. "Qui s'amusait en fait, en dehors de celui qui agressait ?", rétorque l'infectiologue auprès de franceinfo.
Alors que Patrick Pelloux menace de "coller un procès" à Karine Lacombe, celle-ci assure à franceinfo n'avoir à ce jour pas eu vent d'une procédure judiciaire la concernant, et se dit "sereine" et "soutenue par [s]on environnement professionnel et familial".
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