Reportage "Le plus dur, c'est de savoir à qui s'adresser" : ces employeurs font appel à des agences spécialisées pour régulariser leurs salariés sans-papiers

Face aux lourdeurs administratives, des employeurs de plus en plus nombreux s'adressent à des sociétés spécialisées.
Article rédigé par Sandrine Etoa-Andegue
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3 min
Une carte de séjour française. (photo d'illustration) (STEPHANE FERRER / HANS LUCAS)

Le projet de loi Asile et immigration arrive en débat à l'Assemblée à partir de lundi 11 décembre. Parmi les propositions phares, celle qui concerne la pénurie de main-d’œuvre dans certains secteurs, comme la restauration, les services à la personne ou le bâtiment. L'article 3 propose ainsi de créer une carte de séjour d'un an "travail dans des métiers en tension" sous certaines conditions dont une ancienneté d'au moins trois ans sur le territoire français.

La nouveauté, c'est que ce ne seront plus les employeurs qui devront faire les démarches pour leurs salariés en situation irrégulière, la carte valant autorisation de travail. Car pour beaucoup, cela représente un vrai casse-tête : les multiples justificatifs à fournir, les formulaires à remplir et les rendez-vous en préfecture à obtenir... Julien Kabouche, patron d'une petite entreprise de maçonnerie à Houldizy, près de Charleville-Mézières (Ardennes), s'est mobilisé pour garder Fodé, aujourd'hui en CDI, visé en août 2022 par une obligation de quitter le territoire. "Les procédures sont complexes. Le plus dur, c'est de savoir à qui s'adresser", glisse-t-il à franceinfo.

Parmi les clients, de grands noms de la restauration

Également figurant dans le film Tirailleurs avec Omar Sy, Fodé a bénéficié de la mobilisation d'associations et obtenu un titre de séjour après six mois de bataille administrative. "On est en difficulté avec le travail qu'on a derrière, j'ai dû me déplacer à plusieurs reprises, détaille Julien Kabouche. Il nous ramenait un papier, on a essayé de l'aiguiller tant bien que mal, mais sans les avocats ni certains organismes, on ne sait pas où on va."

Ces patrons et salariés en situation irrégulière perdus face aux méandres de l'administration, Banco Camara les accompagne avec sa société, Ici Admin, créée il y a cinq ans. Du dépôt du dossier en préfecture jusqu'à l'obtention du document officiel espéré, elle s'occupe de tout. Parmi ses clients, de grandes entreprises de la restauration ou du nettoyage.

C'est face à la complexité de ces démarches que des employeurs nous appellent, et aussi parce que plusieurs lois ont été votées, donc ils n'y comprennent plus rien.

Banco Camara, de la société Ici Admin

à franceinfo

"Savoir ce qui existe, ce qui n'existe plus, etc., précise-t-elle. On propose l'accompagnement sous forme de forfait, avec la préparation, le dépôt, la prise de rendez-vous et l'accompagnement physique en préfecture. Tout cela pour la somme de 990 euros. Mais pour la plupart de nos clients, la facture est due aux entreprises, qui absorbent l'accompagnement de leurs salariés."

Banco Camara, de la société Ici Admin. (SANDRINE ETOA-ANDEGUE / FRANCEINFO / RADIO FRANCE)

Avec la proposition gouvernementale, plus de démarches donc à effectuer pour les employeurs. Ce serait au salarié lui-même et sans son aval de déposer sa demande de régularisation. "Ce serait déjà un premier pas", estime Patricia Hyvernat, qui préside l'association Patron et patronnes solidaires, sollicitée tous les jours et gratuitement par des entreprises qui veulent embaucher des personnes sans-papiers. "Les jeunes, je peux vous assurer qu'ils sont complètement armés pour s'occuper au mieux de leur dossier, ils savent exactement ce que l'administration attend d'eux, et ne loupent rien. Ils auront là encore le courage et la ténacité d'aller au bout des choses", estime Patricia Hyvernat.  Et ce, malgré, d'après elle, la lenteur et la lourdeur de l'administration.

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