Projet de loi immigration : aide médicale d'Etat, métiers en tension... Ce que contient le texte adopté en commission à l'Assemblée
Premier feu vert à l'Assemblée. Les députés de la commission des Lois ont voté, dans la nuit de vendredi 1er au samedi 2 décembre, une version remaniée du projet de loi immigration du gouvernement. Ils sont revenus sur les mesures les plus dures ajoutées au texte lors de son examen au Sénat, en rétablissant notamment l'aide médicale d'Etat (AME), supprimée par la chambre haute.
Après une semaine d'examen en commission, le texte a été adopté grâce aux voix du camp présidentiel et de députés Liot, malgré l'opposition de la gauche et du RN. Au total, 35 voix se sont prononcées pour, et 16 voix contre, précise LCP. "C'est une grande satisfaction. Le gouvernement continuera d'être à l'écoute pour convaincre", a immédiatement réagi le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, sur X. Le texte sera ensuite examiné à partir du 11 décembre en séance publique à l'Assemblée nationale. Voici ce que contient la dernière version du projet.
Le rétablissement de l'aide médicale d'Etat
Sans surprise, les députés ont rétabli l'aide médicale d'Etat, qui permet l'accès aux soins pour les sans-papiers étant en France depuis plus de trois mois. Ce dispositif, qui existe depuis 2000, permet aux étrangers en situation irrégulière de bénéficier d'une prise en charge à 100% des soins médicaux et hospitaliers, financée par l'Etat, "dans la limite des tarifs de la Sécurité sociale", précise le site officiel de l'administration française.
Lors de son examen en novembre, le Sénat avait voté un amendement supprimant l'AME, pour la remplacer par une aide médicale d'urgence. Cette réforme aurait réduit l'éventail des soins remboursés, pour les limiter aux maladies graves, aux soins liés à la grossesse, aux vaccinations et aux examens de médecine préventive.
Un "compromis" sur les régularisations dans les métiers en tension
Il s'agit du volet le plus emblématique du projet défendu par le gouvernement. L'article 3 du texte initial présenté par le gouvernement prévoyait que les personnes sans-papiers exerçant certains métiers "en tension" puissent obtenir un titre de séjour d'une validité d'un an, renouvelable, si elles justifiaient de trois ans de présence en France et de huit fiches de paie. Mais la droite avait obtenu la suppression de l'article lors de son examen au Sénat, où elle est majoritaire.
A la place, la majorité sénatoriale de droite et du centre s'était accordée sur un nouvel article 4 bis, prévoyant un titre de séjour "exceptionnel" pour les travailleurs des secteurs en pénurie de main d'œuvre. Il doit pouvoir être demandé par le travailleur, sans l'accord ou l'aval de l'employeur, et délivrée par le préfet.
En commission, les députés ont adopté une autre version, présentée comme un nouveau "compromis" en encadrant le pouvoir du préfet. Il pourrait toujours s'opposer à la délivrance du titre de séjour en cas de menace à l'ordre public, non-respect des valeurs de la République ou de polygamie. Une phase d'expérimentation de la mesure se terminerait fin 2028, et non plus fin 2026.
La suppression d'un fichier des mineurs non accompagnés délinquants
La commission a également supprimé l'article 11 ter, qui créait un fichier national des mineurs non accompagnés délinquants, rapporte LCP. Initialement, le texte modifié par le Sénat prévoyait qu'afin de "faciliter l'identification des mineurs" soupçonnés d'avoir participé "comme auteurs ou complices" à des infractions, "les empreintes digitales ainsi qu'une photographie" de ces derniers puissent être relevées.
"On ne parle pas du tout de discrimination, ni de surveillance généralisée", a défendu en commission la députée RN Edwige Diaz. "On parle surtout de protection des Français." "Un tel fichier ne paraît pas opportun", a rétorqué le rapporteur et député Horizons Philippe Pradal. "Le fichier AEM [mineurs étrangers non accompagnés] contient déjà les informations sur les mineurs non accompagnés, et le TAJ [traitement d'antécédents judiciaires] ne prévoit pas de limites d'âge dans l'inscription de personnes, donc ce fichier serait inutile."
L'interdiction du placement en rétention des mineurs
Les députés ont voté l'interdiction du placement en centre de rétention administrative de tous les mineurs. Le projet de loi déposé par le gouvernement limitait initialement cette interdiction aux mineurs de moins de 16 ans. L'amendement a été adopté avec l'avis favorable du ministre de l'Intérieur. Gérald Darmanin, qui a défendu une "mesure humaine". "C'est une avancée très forte pour les droits des enfants dans ce pays", s'est félicité le député MoDem Erwan Balanant.
La facilitation de l'expulsion des étrangers condamnés ou sous OQTF
La situation des étrangers considérés comme dangereux est revenue au cœur des débats avec l'attentat d'Arras, dont le suspect bénéficiait d'un régime de protection contre l'expulsion. Lors de l'examen du texte en commission, les députés ont validé la facilitation de l'expulsion d'étrangers en situation régulière condamnés pour certains crimes et délits, ainsi que les étrangers en situation irrégulière faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français (OQTF), souligne LCP.
Le texte initial prévoyait de supprimer la plupart des protections contre l'expulsion pour certains immigrés, notamment les personnes arrivées en France avant l'âge de 13 ans ou présentes sur le territoire depuis plus de vingt ans. Lors de son examen au Sénat, ces dispositions avaient été durcies. Un amendement, déposé par le gouvernement, avait ainsi ajouté dans ces dispositions les auteurs d'une "violation délibérée et d’une particulière gravité des principes de la République".
La restauration de l'hébergement d'urgence pour les sans-papiers
Les députés ont rétabli l'accès à l'hébergement d'urgence pour les étrangers en situation irrégulière, que le Sénat souhaitait cantonner aux "circonstances exceptionnelles". Un article précisant que les déboutés du droit d'asile doivent en sortir est en revanche maintenu.
"On est encore sur un article qu'on pourrait qualifier de scélérat et mesquin", a dénoncé le député écologiste Benjamin Lucas avant le vote. "Vous avez quelqu'un qui dort dehors, on le met à l'abri. Point" a également défendu la communiste Elsa Faucillon.
L'accès au travail facilité de certains demandeurs d'asile
Comme le prévoyait le texte du gouvernement, les demandeurs dont la nationalité augure de fortes chances d'obtenir l'asile (Afghans, Syriens, Érythréens...) pourront accéder au marché du travail sans attendre le délai de six mois aujourd'hui en vigueur. Une mesure supprimée par le Sénat et réintroduite par les députés.
Une carte de séjour d'un an, au lieu de six mois, sera délivrée aux personnes, essentiellement des femmes, qui cessent une activité de prostitution et s'engagent dans un parcours d'insertion sociale et professionnelle.
Une réforme de la Cour nationale du droit d'asile
Les députés ont aussi adopté une large réforme de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Le texte vise à sa déconcentration grâce à des chambres territoriales. Au grand dam de la gauche, il pose aussi le principe de décisions par juge unique, la collégialité étant plutôt réservée aux cas jugés complexes, sauf pour les mineurs.
La réécriture de l'article sur les "quotas" d'immigration
Les députés ont largement remanié un article qui prévoyait que le Parlement fixe chaque année des quotas d'immigration. Malgré l'opposition de la droite, il a été transformé en une obligation pour le gouvernement de présenter et justifier chaque année au Parlement des "objectifs chiffrés" pour les trois ans à venir. La gauche a tout de même dénoncé un pas vers une politique stricte de quotas.
Le durcissement du droit du sol à Mayotte
Un enfant né à Mayotte sera français si ses deux parents sont en situation régulière depuis au moins un an au moment de sa naissance, prévoit un amendement adopté en commission à l'Assemblée. Le regroupement familial sur l'archipel sera également limité à la famille nucléaire. La députée de Mayotte (Liot) Estelle Youssouffa a défendu cette mesure : "Nous sommes à Mayotte face à une pression migratoire qui est organisée par un pays voisin [les Comores], qui utilise et instrumentalise sa population, et utilise nos propres lois contre nous", a-t-elle estimé.
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