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Reportage Titre de séjour "métiers en tension" : "On a des jeunes formés dans nos lycées hôteliers et dès qu’ils deviennent majeurs, impossible de les régulariser", souligne un chef

L'exécutif veut créer un titre de séjour spécifique pour les "métiers en tension", valable un an, selon Gérald Darmanin. Ce sera une des mesures phares du futur projet de loi sur l'immigration, qui doit être examiné au début de l'année prochaine. Un espoir pour les restaurateurs en mal de main d’œuvre.

Article rédigé par franceinfo - Thomas Giraudeau
Radio France
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Temps de lecture : 3 min
Alain Fontaine, le patron du restaurant Le Mesturet à Paris, accompagne un de ses cuisiniers originaire du Mali, pour qu'il soit régularisé.  (THOMAS GIRAUDEAU / RADIO FRANCE)

Toque sur la tête, Burahima finalise une assiette : civet de chevreuil, et gâteau de butternut. Le jeune homme maîtrise la cuisson et le dressage. Originaire du Mali, il a obtenu son CAP de cuisine en France, demandé un titre de séjour, et l'attend toujours. "J’ai fait les démarches depuis huit mois maintenant et je n’ai toujours pas eu de réponses, s’indigne-t-il. Je ne peux ni faire de demandes de logement, ni voyager. Il y a plein de choses que je ne peux pas faire".

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En attendant, Burahima vit avec son frère, qui, lui, a un titre de séjour. Une situation précaire, loin d'être isolée. En 37 ans de cuisine, son chef, Régis Fève, a vu passer de nombreux jeunes comme lui. "Il y a des jeunes qui sont complètement découragés par les lenteurs administratives, raconte-t-il. Ils ont un peu le moral dans les baskets. C'est vrai que quand je vois des jeunes aussi intégrés, je trouve dommage que le couperet leur tombe dessus et de les voir repartir chez eux".  

Le couperet, c'est l'OQTF, l'obligation de quitter le territoire français. Elle n'est jamais tombée sur un employé d'Alain Fontaine, patron du restaurant Le Mesturet à Paris mais le chef raconte combien il faut s’armer de patience face aux lenteurs du traitement des demandes de séjour par les préfectures, "un parcours du combattant", dit-il. "Ça dure entre 6 mois et un an. Et durant cette période-là, on est tous borderline. L'employé et l'employeur !" Alain Fontaine compte donc sur le futur titre de séjour "métiers en tension", un moyen, selon lui, de lutter contre le manque de main d'œuvre.

"Si on a pas les gens pour produire, on est obligé de fermer. J'ai des confrères qui ferment deux jours par semaine, d'autres ont réduit leur fréquentation".

Alain Fontaine, patron du restaurant Le Mesturet à Paris

à franceinfo

Alain Fontaine insiste sur l’absurdité de la situation. "On a un réel besoin et on a sur notre territoire, des jeunes en situation irrégulière, formés dans nos écoles et nos lycées hôteliers. Tant qu’ils sont mineurs, ils sont sous protection mais dès qu’ils deviennent majeurs, impossible de les régulariser."  

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Une situation aberrante également pour Vincent Sitz, restaurateur et membre du Groupement National des Indépendants. Il salue l'annonce de ce titre de séjour spécifique. "On se retrouve aujourd’hui avec 350 000 postes vacants dans notre secteur d’activité. Ça faisait partie de nos propositions au gouvernement. Ils l'ont reprise sous cette forme. On se réjouit de pouvoir la mettre en place si toutefois ça se fait".

Vincent Sitz, restaurateur et membre du GNI (Groupement National des Indépendants), précise qu'en étant régularisé, les travailleurs cotisent, sont assurés, ont accès à la formation professionnelle.  (THOMAS GIRAUDEAU / RADIO FRANCE)

Vincent Stiz salue aussi les propos d'Olivier Dussopt, le ministre du Travail, qui a annoncé dans une interview au Monde qu'il souhaite permettre aux demandeurs d'asile de "travailler dès qu'ils arrivent sur le sol français". Aujourd'hui, ils doivent attendre, sauf exception, un délai de six mois. "Durant cette période, ils disparaissent des radars. Certains vont travailler au noir, parce qu'ils n'ont pas le choix. Il faut lutter contre cela", souligne Vincent Sitz qui rappelle qu'en étant régularisés, les travailleurs cotisent, sont assurés et ont accès à la formation professionnelle.

Hôtellerie-restauration, BTP, services à la personne... Autant de secteurs en manque de main d'œuvre dans lesquels travaillent aujourd'hui la majorité des personnes immigrées, selon le ministère du Travail. L'année dernière, un peu plus de 8 000 personnes ont obtenu un permis de séjour, au titre de leur travail.

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