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Témoignages Loi immigration : dans les Ardennes, des artisans privés de leurs apprentis sans-papiers tentent de faire annuler des procédures d'expulsion

Le projet de loi du gouvernement présenté ce mardi en conseil des ministres prévoit notamment la régularisation des étrangers exerçant un métier dans un secteur en tension. Exemple près de Charleville-Mézières où de petites entreprises doivent renoncer à une main d'œuvre motivée et qualifiée.
Article rédigé par Alain Gastal
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4min
Les métiers du bâtiment comme la menuiserie font partie des secteurs en tension. Photo d'illustration. (THOMAS PADILLA / MAXPPP)

Bernard Clot est plutôt fier de sa petite entreprise de menuiserie métallique : des chantiers dans toute la région Grand-Est, dont les plus prestigieux à Paris et un carnet de commandes bien garni. Son seul problème : l'artisan ardennais vient malgré lui de mettre un terme au contrat de son dernier employé embauché. "Au bout d'un mois, il a eu une OQTF [obligation de quitter le territoire français]. On a arrêté le contrat parce qu'on ne pouvait pas le garder sans papiers. Et depuis ce jour-là, ce pauvre gamin erre dans les rues de Charleville. On a fait une lettre au préfet pour lui expliquer le cas en lui demandant de le réintégrer dans l'entreprise. Malheureusement, je n'ai pas eu de réponse."

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Le projet de loi immigration présenté mercredi 1er février en conseil des ministres pourrait faire évoluer la législation dans ce secteur où, comme dans tous les métiers de la construction, la main d'œuvre se fait rare. Ce texte, qui vise à faciliter les expulsions, prévoit notamment l'octroi d'un titre de séjour provisoire pour les sans-papiers qui travaillent dans un secteur en tension. Réservé aux étrangers pouvant justifier de trois ans de présence sur le territoire national dont huit mois minimum en emploi, ce titre ne sera toutefois valable qu'un an.

"Du jour au lendemain, il dégage"

Julien Kabbouche et sa petite maçonnerie ont eux aussi perdu leur unique apprenti, "un gamin impeccable", selon lui. "Tout le monde a misé sur lui. Il a été à l'école, on l'a scolarisé, il a fait le collège jusqu'à son apprentissage, raconte le patron. Nous, on a signé un contrat de deux ans en apprentissage. Ça faisait un an qu'il était là et du jour au lendemain, il dégage. Ce n'est pas possible, comme on va faire, nous ?" L'apprenti a finalement obtenu un titre provisoire, mais ils sont une vingtaine de jeunes dans le même cas dans les Ardennes. Formés, diplômés, employés dans des métiers où la main d’œuvre manque, puis menacés d'expulsion en raison d'une OQTF.

C'est aussi le parcours d'Issam, un migrant arrivé dans le département à l'âge de 16 ans. "J'ai eu vraiment mal au cœur, confie-t-il au sujet de l'obligation de quitter le territoire français qu'il a reçue, parce que je n'ai jamais eu de problèmes ici depuis que je suis en France. Je ne comprends pas pourquoi on m'a envoyé ça." Son patron a également écrit au préfet pour demander sa régularisation et s’est engagé à le réembaucher.

Des jeunes qui rêvent "d'une promotion sociale"

Ces jeunes migrants sont indispensables à l'économie locale, car ils fournissent une grande partie des effectifs dans certaines filières, pointe Fabien, enseignant dans un lycée professionnel de la région : "Quand on entre à 15 ans en CAP et qu'on a son diplôme à 17 ans, qu'on voit les copains qui poursuivent des études, on n'est pas forcément tout de suite prêt à entrer sur le marché du travail. Et un jeune Africain, lui en général, quand il obtient son CAP, il vit ça comme une promotion sociale. Et il est prêt à faire sa vie."

Des projets de vie parfois brisés par les OQTF. Le tribunal administratif examine justement ces jours-ci la plupart des recours déposés par de jeunes migrants des Ardennes visés par cette procédure d'expulsion.

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