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Info franceinfo Assurances, mutuelles... Une étude de SOS Racisme révèle l'ampleur des discriminations en France

L'association antiraciste, en partenariat avec le CNRS, publie jeudi une étude inédite sur les discriminations en France, qu'elles soient liées à l'âge, au lieu de résidence, au sexe ou à l'origine ethnique. 

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Un forum de l'emploi de la SCNF à Lyon, le 7 octobre 2016. (MAXPPP)

Il faut "traquer les employeurs qui ne respectent pas ce qui est dans la loi qui interdit la discrimination à l'embauche comme à la promotion" et "pénaliser les entreprises qui ont recours à ces pratiques". Voilà ce que déclarait Emmanuel Macron, le 14 novembre à Tourcoing (Nord), lors de son grand discours sur la politique de la ville. Le président de la République a promis d'intensifier les campagnes de "testing" lancées par le ministère du Travail sous le quinquennat précédent. 

C'est justement la méthode utilisée par SOS Racisme, en partenariat avec le CNRS, dans une étude inédite sur les discriminations en France publiée jeudi 23 novembre. Près de 15 000 demandes ont été envoyées à des opérateurs dans sept secteurs "encore pas ou peu testés" : l'achat de voitures d'occasion, la formation pour adultes, le rachat de fonds de commerce, l'hébergement de loisir, le crédit à la consommation, l'assurance automobile et la complémentaire santé.

Pour réaliser cette étude, les chercheurs ont créé six profils : un homme de 22 ans "d'origine française", une femme de 22 ans d'origine française, un homme de 22 ans "d'origine africaine"une femme de 22 ans d'origine africaine, un homme de 22 ans d'origine française résidant dans un "quartier politique de la ville" et un homme de 42 ans d'origine française. En dehors de ces éléments d'identité, les six individus ont présenté les mêmes dossiers aux organismes testés. 

"Et on ne s'attendait pas à trouver autant d'inégalités de traitement entre les candidats. Ça signifie globalement qu'il y a des pratiques commerciales qui s'éloignent du principe d'égalité de traitement des clients potentiels", commente Yannick L'Horty, l'un des auteurs de l'étude. Franceinfo vous dévoile en exclusivité les résultats pour les secteurs de la banque et de l'assurance. 

1Le jeune homme des quartiers a moins de chances d'obtenir une assurance automobile

Ce que montre l'étude. Quelque 38 sociétés d'assurance automobile ont été testées. Chacune a reçu une demande de devis de la part des six individus fictifs, soit 228 demandes envoyées. Si le jeune homme d'origine africaine a reçu le plus d'accords de principe (86,8% de réponses positives), les autres profils obtiennent sensiblement le même résultat. Une exception cependant : le jeune homme qui réside dans "un quartier politique de la ville", celui des quartiers populaires donc. "Celui-ci a significativement moins de chances d'obtenir une réponse positive de la part d'une compagnie d'assurances", écrit l'étude : il n'a reçu que 78,9% de réponses positives. 

Autre enseignement : cette discrimination se retrouve aussi dans les tarifs proposés aux clients pour assurer leur voiture. Le jeune homme originaire des quartiers se voit offrir un tarif annuel moyen de 681,40 euros contre 621,20 euros pour un jeune homme du même âge qui réside ailleurs. Un homme de 42 ans d'origine française aura, lui, le droit à une assurance encore moins chère : 586,40 euros par an.  

Comment l'analyser. Que faut-il en retenir ? "Il y a une double différence de traitement. D'une part, [le jeune homme des quartiers] a un moindre accès à l'assurance et, d'autre part, quand il parvient à avoir un accès, il va le payer plus cher, explique Yannick L'Horty. Cela signifie que les vendeurs d'assurance considèrent que ce client est sans doute un plus mauvais payeur ou un plus mauvais assuré qu'un autre, donc ils le sanctionnent par un moindre accès et un prix plus élevé." 

Les résultats de l'étude de SOS Racisme et du CNRS concernant les discriminations liées à l'accès au marché de l'assurance automobile.  (SOS RACISME)

2La jeune femme d'origine africaine et l'homme plus âgé pénalisés pour la complémentaire santé

Ce que montre l'étude. Concernant le cas des complémentaires santé, ce sont 52 établissements qui ont été testés, avec 312 demandes envoyées. Si les taux de réponses positives sont élevés, la jeune femme de 22 ans d'origine africaine reçoit le moins de réponses (86,5% contre 88,5% pour son homologue d'origine française).

Mais les résultats les plus significatifs concernent les tarifs proposés. Une discrimination liée à l'âge apparaît ici clairement. "L'individu de 42 ans se voit proposer un tarif de l'ordre de 50% plus élevé que les individus de 22 ans à niveau de garantie comparable", décrit l'étude. Concrètement, pour un bas niveau de garantie, le tarif annuel moyen demandé à un homme de 42 ans atteint 460 euros contre 290 euros pour un homme ou une femme âgés de 22 ans. Pour un haut niveau de garantie, il devra payer 1 070,70 euros quand l'homme de 22 ans n'aura que 682,20 euros à débourser.

Comment l'analyser. Pour Yannick L'Horty, cette discrimination par le prix "peut correspondre à l'estimation monétaire d'un risque plus élevé compte tenu de l'âge du candidat"

Quid de la jeune femme d'origine africaine ? "Là, de notre point de vue, il n'y a pas de raison médicale qui justifierait ce type de différence de traitement. Donc il s'agit sans doute d'une discrimination statistique par les assureurs", décrypte le chercheur. 

Les résultats de l'étude de SOS Racisme et du CNRS concernant les discriminations liées à l'accès à une complémentaire santé.  (SOS RACISME)

3Les jeunes ont plus de mal à accéder à un crédit à la consommation

Ce que montre l'étude. Acheter une voiture d'occasion via un crédit à la consommation : rien de très original, mais là aussi, des discriminations apparaissent. Quelque 20 établissements financiers ont ici été testés. C'est l'individu le plus âgé qui, cette fois, s'en sort le mieux. Il obtient un taux de 65% de réponses positives, contre 30 à 40% pour des personnes plus jeunes.

En revanche, "si l'individu de 42 ans reçoit plus fréquemment un accord de principe pour un crédit à la consommation, c'est en moyenne à un coût plus élevé que pour les individus fictifs plus jeunes", indique l'étude. Ainsi, le TAEG (taux annuel effectif global) moyen proposé est de 8,73% pour l'homme de 42 ans contre 7,19% à 7,83% pour les autres individus. 

Comment l'analyser. "La seule discrimination est une discrimination, disons, positive au profil du candidat âgé. En revanche, une fois qu'il a accédé au crédit, il est confronté à une discrimination négative selon le coût du crédit, analyse Yannick L'Horty. Il a plus de chances d'accéder au crédit, mais il va le payer plus cher." Qu'en est-il des autres candidats ? "Ils vont être défavorisés dans leur accès au crédit. Il y a ici plus de risques de défaut de l'emprunteur, les revenus sont en moyenne plus faibles, plus fragiles et plus instables." 

Les résultats de l'étude de SOS Racisme et du CNRS concernant les discriminations liées à l'accès au crédit à la consommation.  (SOS RACISME)

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