En Pologne, le retour du débat sur le droit à l'IVG

Le Premier ministre l’a promis lors de son élection en décembre et le débat est donc de nouveau sur la table au Parlement. Mais même au sein de la coalition au pouvoir, de sévères divergences existent.
Article rédigé par franceinfo - Martin Chabal
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"Mon corps, mon choix", brandissent des manifestantes polonaises pour défendre le droit à l'avortement, le 15 juin 2023. (WOJTEK RADWANSKI / AFP)

S’il est un sujet qui divise en Pologne, pays majoritairement catholique, c’est bien le droit à l’interruption volontaire de grossesse (IVG). Et c’est l'aile gauche de la coalition au pouvoir qui remet le débat sur le tapis au Parlement depuis le 11 avril. Elle espère rendre l'avortement légal jusqu'à la douzième semaine de grossesse.

Les droits des femmes ont connu un important recul pendant les huit années au gouvernement des nationalistes conservateurs. À son arrivée au pouvoir, en décembre 2023, le Premier ministre Donald Tusk avait promis de rendre l'IVG légale.

Aujourd’hui, l’avortement n’est légal que si la grossesse résulte d'un viol ou d'un inceste ou si elle menace directement la vie ou la santé de la mère. Mais dans les faits, la loi est tellement restrictive que les médecins (qui encourent une peine de trois ans de prison ferme en cas d'avortement en-dehors des situations prévues par la loi) ne prennent aucun risque : plusieurs femmes sont mortes à l'hôpital après que l'équipe médicale eut estimé que la vie de la mère n'était pas en danger immédiat.

"Vous n'avez jamais été enceinte et vous ne savez pas ce que signifie porter un enfant et avoir peur."

Monika Rosa, députée de gauche

devant le Parlement polonais

"Qu'importe vos commentaires sur l'éthique ou la morale, a lancé jeudi la députée de gauche Monika Rosa aux députés de la droite populiste qui défendent la législation actuelle. Vous ne saurez jamais ce que signifie avoir peur d'être enceinte en Pologne". La députée Anna Maria Żukowska porte, de son côté, un projet de dépénalisation de l'aide à l'avortement. "Aujourd'hui en Pologne, aider quelqu'un à avorter est puni de trois ans de prison, expose-t-elle. Trois ans ! C'est un scandale et c'est inacceptable".

Dissensions internes et promesse de veto présidentiel

Mais ces débats sont un vrai test pour la majorité parlementaire et révèlent la fragilité de la coalition qui détient 248 des 460 sièges à la chambre basse. La majorité requise pour faire adopter les projets est de 231 voix et tous ne sont pas d'accord sur la libéralisation de l'avortement. Dans le même camp, certains veulent garder la loi en l’état, comme le parti paysan conservateur PSL qui détient 32 sièges.

De plus, le président, Andrzej Duda, allié des populistes de Droit et Justice, a déjà menacé d'imposer son veto à tout changement sur l'avortement, comme il l’a fait le mois dernier sur la contraception d'urgence. Le gouvernement a annoncé qu’il contournerait ce veto en autorisant les pharmaciens à prescrire eux-mêmes la pilule du lendemain. Mais la coalition au pouvoir risque de devoir attendre l'élection présidentielle de l'année prochaine, dans l'espoir d'un remplacement d’Andrzej Duda par un libéral, car elle ne dispose pas de la majorité des trois cinquièmes, requise pour passer outre à un veto présidentiel.

Selon un sondage de l'institut Ipsos, publié jeudi, 35% des Polonais soutiennent le droit à l'avortement jusqu'à la 12e semaine de grossesse. Un rétablissement de ce droit en cas de malformation du fœtus, aboli par le pouvoir nationaliste, est souhaité par 21% des personnes interrogées, alors que, pour 14% d'entre elles, l'état actuel de la législation est satisfaisant. 23% des Polonais souhaitent un référendum national sur la question.

IVG : le débat relancé en Pologne - Reportage de Martin Chabal

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