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Quatre questions sur le projet d'interdiction de l'IVG en Pologne

Le Parlement polonais a examiné jeudi une proposition de loi visant à interdire l'IVG, sauf en cas de danger immédiat pour la vie de la femme. 

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Des personnes manifestent pour le droit à l'avortement devant le Parlement polonais, le 18 septembre 2016 à Varsovie (Pologne). (JAN A. NICOLAS / DPA)

La bataille de l'avortement a repris en Pologne, avec une offensive des partisans de son interdiction totale. Le Parlement, dominé par les conservateurs catholiques, s'est penché, jeudi 22 septembre, sur une proposition de loi visant à interdire l'avortement. Le texte prévoit jusqu'à cinq ans de réclusion pour les personnes qui pratiquent l'IVG et aussi pour les patientes, tout en laissant au juge la possibilité de renoncer à punir ces dernières.

Quelle est la législation actuelle ?

La loi en vigueur depuis 1993 est l'une des plus restrictives de l'Union européenne. Elle n'autorise l'IVG que dans trois cas : lorsque la vie ou la santé de la mère est menacée, en cas de pathologie grave et irréversible chez l'embryon, et en cas de grossesse résultant d'un viol ou d'un inceste. Cette loi était considérée à l'époque comme "un compromis" entre l'Eglise et l'Etat.

Moins de 2 000 avortements légaux sont pratiqués chaque année en Pologne. Le nombre des IVG clandestines ou pratiquées à l'étranger reste inconnu. Les organisations de défense des droits des femmes le situent à entre 100 000 et 150 000, des chiffres que réfutent les militants anti-avortement.

Qui est à l'initiative de cette proposition de loi ? 

Le comité Stop Avortement, qui regroupe des organisations anti-IVG ainsi que l'épiscopat polonais, est à l'initiative du texte. Comme le relate Géopolis, l’institut juridique catholique Ordo Iuris a organisé une campagne au printemps 2016 pour recueillir les 100 000 signatures nécessaires pour que la proposition de loi soit examinée au Parlement. Cette campagne a rencontré un large écho puisque près d'un demi-million de signatures ont été réunies. 

"Nous espérons que le texte sera adopté dans les plus brefs délais et qu'il entrera en vigueur avant la fin de l'année", a déclaré Sylwia Zborowska, du Centre d'initiatives pour la vie et la famille, une des organisations non gouvernementales à l'origine de la proposition. 

L'arrivée au pouvoir, en novembre 2015, du parti conservateur et proche de l'Eglise PiS (Droit et Justice) a redonné de l'espoir aux associations anti-IVG, explique LibérationLe PiS avait soutenu sans faille un projet similaire dans le Parlement précédent, dominé alors par les partis centristes, qui l'avaient rejeté en première lecture.

Quels sont les arguments des anti-IVG ? 

"Massacre d'enfants innocents, enfer des femmes, lâcheté morale des hommes", a déclaré Joanna Banasiuk, membre de l’institut juridique catholique Ordo Iuris, devant le Parlement. Selon elle, les exceptions admises par la loi de 1993 sont de plus en plus largement interprétées, faisant augmenter le nombre d'avortements.

Le comité Stop Avortement demande donc l'interdiction totale de l'IVG et une pénalisation des médecins et femmes concernés. Est également prévue l'obligation pour l'Etat et les collectivités locales de soutenir les femmes et les familles ayant en charge des enfants handicapés ou issus d'un viol ou d'un inceste.

Comment réagissent les partisans du droit à l'IVG ? 

Le comité pro-choix Sauvons les femmes a présenté une proposition de loi qui autorise l'IVG sans conditions jusqu'à la 12e semaine de grossesse. Le texte, qui avait réuni environ 215 000 signaures, a été définitivement rejeté en première lecture. Consciente du fait que ce texte n'avait aucune chance d'être accepté par le Parlement, la représentante de Sauvons les femmes, Barbara Nowacka, s'est attachée à dénoncer celui, "démentiel", des opposants à l'avortement. Si elle est adoptée, cette loi "introduira des solutions barbares, inhumaines, en vigueur dans certains pays d'Amérique latine", a-t-elle asséné, citant le Salvador.

Elle a aussi fustigé "des médecins hypocrites" qui refusent de pratiquer l'IVG dans les hôpitaux publics, mais l'acceptent dans la discrétion des cliniques privées payantes. 

La militante féministe a également critiqué la loi actuelle, fruit d'un laborieux compromis qui "ne tient pas compte de la réalité" et "a conduit à l'apparition d'un énorme réseau d'avortements clandestins".

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