Quatre questions sur le délit d'entrave à l'IVG sur internet
Après un long parcours, la proposition de loi a définitivement été adoptée, jeudi.
Cette fois, ça y est. Le Parlement a adopté définitivement, jeudi 16 février, par un dernier vote de l'Assemblée, la proposition de loi PS visant à pénaliser les sites de "désinformation" sur l'interruption volontaire de grossesse (IVG), âprement combattue par une partie de la droite et le mouvement se réclamant "pro-vie". Franceinfo revient sur ce qu'il faut savoir à ce sujet.
Que prévoit le texte ?
Ce texte, voté à main levée, prévoit d'étendre au numérique le délit d'entrave à l'interruption volontaire de grossesse, créé en 1993 et sanctionné par une peine pouvant aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement et 30 000 euros d'amende.
Conçu initialement pour les "commandos" qui venaient perturber les établissements pratiquant l'avortement ou menacer les personnels, le délit d'entrave concernera aussi avec ce texte des informations destinées "à induire intentionnellement en erreur" les femmes s'informant sur l'IVG, "dans un but dissuasif".
Dans le viseur : les sites internet diffusant de fausses informations sur l'avortement, qui se situent sur "un tout autre terrain" que les libertés d'expression et d'opinion, selon les députés signataires de la proposition de loi.
Non seulement "la multiplication de ces pratiques trompeuses est inquiétante" vu "l'importance des informations en ligne en matière de santé", mais elle entrave "l'action des pouvoirs publics qui tentent de prodiguer une information claire et accessible quant aux conditions d'accès à l'IVG", estiment-ils.
Pourquoi suscite-t-il tant d'opposition ?
Lors des premiers débats à l'Assemblée, en décembre, le chef de file des députés Les Républicains Christian Jacob avait indiqué que son groupe était "opposé" au texte au nom de "la défense de la liberté d'expression". "A partir du moment où on n'est pas dans la ligne du gouvernement ni d'un site officiel, on serait condamnés", a-t-il déploré, tout en défendant l'accès des femmes à l'IVG.
Le président de la Conférence des évêques de France, l'archevêque Georges Pontier, en avait appelé directement à François Hollande pour qu'il fasse échec à la création de ce délit d'entrave numérique à l'IVG. "Le moindre encouragement à garder son enfant peut-il être qualifié sans outrance de 'pression psychologique et morale' ?" s'est-il interrogé, dénonçant "une limitation d'autant plus grave qu'elle touche à des questions de liberté de conscience".
Que répondent les défenseurs du texte ?
"J'entends l'inquiétude, je veux y répondre de manière extrêmement calme, avait réagi la ministre de la Santé Marisol Touraine, sur France 2. Le délit d'entrave, ce n'est pas une question d'opinion. On a le droit, en France, d'être contre l'avortement et on a le droit de dire qu'on est contre l'avortement. Le délit d'entrave, c'est tromper volontairement, intentionnellement, des femmes en les amenant sur des sites dont elles pensent qu'ils vont leur donner l'information qu'elles attendent, et en réalité se servir de ces sites pour les dissuader d'avorter."
Le député socialiste Hugues Fourage avait réagi aux propos de l'archevêque Georges Pontier en jugeant "fondamental" de faire une "mise au point (...) y compris dans le débat politique actuel", en référence aux débats sur l'avortement lors de la primaire de la droite. "Nous sommes dans un Etat laïque et nous refusons que la loi soit dictée par des considérations spirituelles, qui doivent rester du domaine du personnel et de l'intime."
Pourquoi le Sénat et l'Assemblée nationale se sont-ils autant écharpés sur le texte ?
Une fois le texte adopté en première lecture à l'Assemblée, les sénateurs en avaient modifié le contenu début décembre. Exit la mention explicite à internet et aux informations "de nature à induire intentionnellement en erreur" les lecteurs : au nom de la "liberté d'expression", la chambre haute du Parlement a préféré sanctionner plus généralement les "pressions morales et psychologiques", ainsi que les "menaces à l'encontre des personnes cherchant à s'informer" sur l'IVG.
Ces changements ont été jugés inacceptables pour la commission des affaires sociales de l'Assemblée. La rapporteure du texte a déploré qu'en "gommant toute référence explicite au recours à la voie électronique", les sénateurs se soient attaqués à ce "qui constitue précisément l'objet initial, la raison d'être de la proposition de loi".
Le texte est ensuite passé par une commission mixte paritaire, qui a échoué à trouver un accord entre sénateurs et députés. "Si les députés ont enrichi leur disposition avec plusieurs apports votés au Sénat, ils ont gardé le cœur de leur proposition", relève le site NextInpact. Le Sénat a donc finalement adopté mardi en nouvelle lecture sa propre version du texte, et l'Assemblée a eu le dernier mot jeudi lors d'un vote à main levé. Tous les groupes de gauche et une majorité de l'UDI ont voté pour, alors que Les Républicains ont voté contre.
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