Agressions sexuelles : 35 femmes décrivent le "monstre" Bill Cosby
Le "New York Magazine" publie le témoignage de 35 femmes qui accusent l'acteur d'agressions sexuelles et de viols.
"Cosby : les femmes", titre sobrement le New York Magazine, lundi 27 juillet. Trente-cinq victimes d'agressions sexuelles ou de viol, qui accusent l'acteur Bill Cosby, posent en couverture du magazine américain et racontent leur expérience, la raison de leur long silence et l'incrédulité de leur entourage. Cette "communauté indésirable" de femmes pose collectivement des mots sur des faits que le comédien continue de nier.
35 women speak about being assaulted by Bill Cosby, and the culture that wouldn't listen: http://t.co/H5dss5F2F4 pic.twitter.com/RCF0BWBrxA
— New York Magazine (@NYMag) July 27, 2015
Francetv info revient sur l'affaire.
Les victimes parlent d'un "prédateur"
Il a fallu plusieurs décennies avant qu'elles ne soient entendues. Les premières accusations publiques d'agressions sexuelles remontent à 2005. C'est à la faveur d'un sketch de l'humoriste Hannibal Buress, qui attaque violemment Bill Cosby en le qualifiant de violeur, que la parole se libère, en 2015. "Une femme peut ne pas être crue pendant trente ans, mais il suffit d'un homme ?" s'étonne Victoria Valentino, qui accuse l'American Dad de faits qui remontent à 1969.
Depuis, plus de 40 femmes ont accusé le comédien d'agression sexuelle, de viol, et d'avoir, souvent, utilisé de la drogue pour parvenir à ses fins. Trente-cinq s'expriment dans le magazine. L'une d'elles, la journaliste Joan Tarshis, compare l'héritage de Bill Cosby à celui d'OJ Simpson, accusé d'avoir assassiné son ex-femme : "On ne dit pas de lui : 'oh, super joueur de football'. Pour Cosby, on ne dira pas non plus : "oh, c'est un comédien génial', mais 'oh, le violeur en série'."
Une autre accusatrice, Barbara Bowman, avait déjà raconté au Daily Mail (en anglais) avoir "été droguée et violée par cet homme", concluant : "C'est un monstre." Témoignent aussi les actrices Beverly Johnson, Lili Bernard et le top model Janice Dickinson. Chacune se souvient d'un détail : "un regard de prédateur", "le bruit de sa boucle de ceinture", "un cachet soi-disant contre le mal de tête", "son avant-bras plaqué sur ma gorge".
L'ancienne actrice Louisa Moritz, 68 ans, raconte avoir été victime de la star en 1971. Elle était invitée du "Tonight Show", quand Bill Cosby est entré dans sa loge : "Il n'a jamais frappé. Je savais que c'était monsieur Cosby. J'avais vu sa photo. Il est entré et a fermé la porte derrière lui. Ça a duré peut-être quatre ou cinq minutes. Mais ce sont les cinq minutes les plus longues que j'aie jamais vécues. Et quand ils ont appelé mon nom, il est sorti en courant."
Une chaise vide pour les victimes silencieuses
En bas, à droite de la une du magazine, reste une chaise vide, symbolisant les victimes qui ne se sont pas encore exprimées et ont peur de le faire. Les accusatrices qui ont pris la parole expliquent pourquoi, longtemps, certaines se sont tues. Seules, elles n'avaient pas le sentiment de pouvoir être entendues, encore moins crues, alors qu'elles accusaient la star du Cosby Show.
"Je me sentais prisonnière ; j'étais comme kidnappée et cachée au grand jour. J'aurais pu marcher dans n'importe quelle rue de Manhattan et dire 'Bill Cosby me drogue et me viole", mais qui m'aurait crue ? Personne. Personne"
Sur Twitter, des anonymes utilisent le hastag #TheEmptyChair (La chaise vide) pour raconter leur propre histoire d'agression, ou celle de proches qui n'osent pas prendre la parole. "Reçu dans mes messages privés", écrit le journaliste Elon James White, qui partage des captures d'écran de SMS. "La première fois, j'avais 16 ans. C'était mon petit ami. Il avait un couteau. Je ne l'ai dit qu'à ma meilleure amie. J'ai vu ce qui arrivait aux femmes qui parlaient. Je savais que personne ne croirait qu'une fille grosse avait pu être violée."
A DM sent to me: #TheEmptyChair pic.twitter.com/xFZ0h7emKY
— Elon James White (@elonjames) July 27, 2015
Bill Cosby reconnaît avoir drogué au moins une femme
Il a toujours nié les accusations de viols et d'agressions sexuelles, mais une déposition datant de 2005 change la donne. Bill Cosby y admet avoir donné du Quaalude, un puissant sédatif, à au moins une jeune femme en 1976 pour avoir des relations sexuelles avec elle.
Lors de l'interrogatoire, le comédien avoue avoir obtenu des ordonnances de Quaalude. Elles lui avaient été fournies par un gynécologue d'Hollywood qui avait perdu son droit d'exercer à New York et dans deux Etats, selon le New York Daily News (en anglais). L'avocate qui l'interroge lui demande s'il en a "donné à d'autres gens", ce à quoi Bill Cosby répond "oui". Mais la star nie les accusations de viol et se présente comme un "play-boy, que la célébrité et les drogues ont aidé" à conquérir de nombreuses femmes.
Cosby lâché par ses soutiens
Après la publication de cet aveu, Whoopi Goldberg, qui jusque-là défendait son ami bec et ongles, a dû se résigner. Dans l'émission "The View", qu'elle coprésente sur ABC, l'actrice a déclaré qu'elle ne pensait plus que Bill Cosby était "innocent jusqu'à preuve du contraire". "Toutes les informations qui sont sorties pointent vers la culpabilité", a-t-elle regretté.
Raven Symoné, qui a débuté sa carrière dans le Cosby Show, le reconnaît également. De nombreuses rumeurs ont suggéré qu'elle avait elle-même été victime de Bill Cosby, ce qu'elle a toujours démenti. La comédienne attendait, elle aussi, "des preuves". "A présent, il y a des faits. Davantage de gens peuvent parler", a-t-elle concédé.
Seule son épouse, Camille Cosby, semble rester à ses côtés, mais se fait plus discrète. En 2014, elle affirmait que les accusatrices étaient consentantes "pour la drogue et le sexe" et demandait : "Qui est vraiment la victime ?"
Pour Barack Obama, "c'est un viol"
Le président des Etats-Unis a fait fi de la présomption d'innocence. Alors que Bill Cosby n'a jamais été inculpé ni condamné pour agression sexuelle ou viol, Barack Obama a tranché, mercredi 15 juillet. "Si vous donnez à une femme, ou à un homme d'ailleurs, une drogue sans qu'il ou elle en ait connaissance, puis que vous avez une relation sexuelle avec cette personne sans son consentement, c'est un viol, a-t-il affirmé. Ce pays, aucun pays civilisé, ne doit tolérer le viol."
Bill Cosby peut-il être condamné ?
Les faits les plus récents, décrits par les accusatrices de Bill Cosby, remontent à 2004, mais les tout premiers datent de 1965, selon la chronologie établie par le Washington Post (en anglais). Dans la plupart des cas, les faits sont donc prescrits, sauf un, pour lequel une procédure civile est en cours.
Judith Huth avait 15 ans et son amie en avait 16, en 1974, quand elles ont rencontré Bill Cosby sur un tournage, à Los Angeles. Elle accuse l'acteur de l'avoir emmenée à la Playboy Mansion, la propriété du fondateur du magazine, et de l'y avoir agressée. Si cette affaire est différente, c'est que la victime était mineure et ne l'avait pas caché à l'acteur, d'après sa déposition (en anglais).
Bill Cosby a bien essayé de faire annuler les poursuites, mais la justice a rejeté tous ses recours et il pourrait être obligé de témoigner sous serment, à moins de trouver un accord avec Judith Huth. A cette occasion, l'avocate de la plaignante aura le droit de l'interroger, par exemple, sur chaque pilule de Quaalude qu'il a eu en sa possession et l'usage qu'il en a fait. "Tout ce qu'il dira sous serment au cours de la procédure civile pourrait l'incriminer et mener à une procédure pénale", explique le professeur de droit Jody David Armour à Vice (en anglais).
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