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Attentats du 13 novembre : d'autres suspects dans le viseur des juges français

Salah Abdeslam et Mohamed Abrini ne seront peut-être pas les seuls à être jugés par une cour d’assises française pour les attentats de novembre 2015. Plusieurs mandats d’arrêt européens pourraient être très prochainement délivrés par les juges antiterroristes français. Les magistrats ont dans leur viseur les membres d’un possible quatrième commando. Deux d’entre eux ont été arrêtés en Autriche.
Article rédigé par Elodie Guéguen
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
  (Une intervention policière à Toulouse, trois jours après les attentats du 13 novembre 2015  © MaxPPP)

Trois commandos, neuf assaillants, 130 morts. On connaît le triste scénario des attentats du 13 novembre 2015. Ce que l’on ne connaît pas, en revanche, c’est le plan précis et initial imaginé par les commanditaires des attentats de Paris. D’autres quartiers de la capitale devaient sans doute être frappés. En effet, au lendemain des tueries, le djihadiste français Fabien Clain évoque dans un message audio servant à Daech de revendication, un attentat dans le 18ème arrondissement de Paris. Il n’y a pas eu d’attaque dans ce secteur de Paris, mais c’est là que Salah Abdeslam – le seul membre du groupe terroriste qui ne soit pas passé à l’action – a abandonné sa voiture après avoir convoyé ses complices au Stade de France.  On sait aussi aujourd’hui que les terroristes du 13 novembre devaient être plus nombreux encore à frapper la France au nom de l’organisation Etat islamique. Deux hommes liés à Daech ont été arrêtés à Salzbourg en Autriche. Ils auraient eu pour mission de commettre des attentats à Paris.

Avec les kamikazes du Stade de France

Ils ont tout fait pour brouiller les pistes et pour ne pas être démasqués. A chaque interrogatoire, ils ont changé d’identité et de récit. Mais les enquêteurs autrichiens ont fini par obtenir des aveux : les deux hommes ont reconnu qu’ils devaient, eux aussi, attaquer la France. Adel Haddadi (alias Fozi Abrahime, alias Fozi Brahite, alias Khaled Alomar) et Mohamad Usman (alias Faisal Aiefan, alias Faysal Alaifan, alias Faysal Muhammad Usman, alias Mohamad Usman Gani) sont en prison depuis le 10 décembre à Salzbourg. Ils ont été interpellés à deux pas de la frontière allemande, dans un centre qui accueille des migrants et des réfugiés. Si les deux hommes ont été repérés, c’est parce qu’ils ont débarqué sur l’île grecque de Leros le 3 octobre dernier en même temps que les deux kamikazes du Stade de France. Mais contrairement aux deux terroristes qui se sont fait exploser un mois plus tard à Saint-Denis, Haddadi et Usman n’ont pas convaincu les agents de Frontex lorsqu’ils ont présenté de faux papiers syriens. Pour avoir utilisé des documents d’identité falsifiés, Usman et Haddadi ont été emprisonnés pendant 25 jours en Grèce. Leurs compagnons du djihad, pendant ce temps-là, poursuivaient leur route vers Paris.

Mourir en martyr

Haddadi et Usman n’ont pas encore livré tous leurs secrets. Mais, lors d’un septième interrogatoire le 12 février dernier, Haddadi a reconnu devant les policiers autrichiens avoir été choisi par l’Etat islamique pour mener une opération martyr en France. "Ils (l’EI) m'ont dit que je devrais aller en France, pour y accomplir une mission et que je recevrais des instructions là-bas (…) Ils ont dit des choses criminelles (…) Je devais aller en France et attendre là, jusqu'à ce que je puisse faire quelque chose pour le bien de Dieu (…), Ils voulaient m’impliquer dans des choses graves. (…) J’ai accepté."

Les deux hommes originaires d’Algérie pour l’un, du Pakistan pour l’autre, ont rejoint Daech entre 2014 et 2015. Ils ont appris à manier les armes lors de leur séjour en Syrie. Un jour, raconte l’un des suspects, on nous a emmenés chez un photographe de Raqqa afin de pouvoir nous confectionner de faux passeports. Toujours selon cet homme, Daech aurait aussi fourni aux suspects des téléphones avec des contacts à appeler en cas de problème. Haddadi et Usman – ainsi que les deux terroristes du Stade de France-  auraient été pris en charge par des passeurs pour le voyage de la Syrie à la Turquie puis le passage de la Turquie à la Grèce le 3 octobre 2015.

En Autriche depuis le 14 novembre

L’arrestation d’Usman et d’Haddadi par la police grecque a contrarié leurs plans. Mais, malgré le retard pris, les deux hommes n’ont pas renoncé à leur projet de gagner Paris. Dissimulés dans des groupes de réfugiés, ils traversent la Macédoine, la Serbie,  la Croatie et la Slovénie. C’est au lendemain des attaques de Paris, le 14 novembre, qu’ils arrivent en Autriche. Avaient-ils la consigne de mener de nouvelles attaques en France ? En tout cas, quelques jours avant leur arrestation au mois de décembre, ils ont consulté un site internet concernant des billets de train Vienne-Paris. Les juges parisiens en charge de l’enquête sur les attentats du 13 novembre semblent convaincus que d’autres attaques devaient viser la France, c’est ce qu’ils écrivent dans leur commission rogatoire adressée à l’Autriche au lendemain de l’arrestation d’Haddadi et Usman : "Les investigations déterminent que plusieurs équipes ont pénétré en Europe dans le but de commettre d’autres attentats, de sorte qu’il est très vraisemblable, voire certain, que d’autres terroristes se trouvent actuellement sur le sol européen, prêts à passer à l’action."

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Pour les enquêteurs, il n’est pas exclu qu’après le 13 novembre, d’autres djihadistes aient été envoyés par Daech auprès d’Usman et Haddadi, afin de constituer une nouvelle cellule. Deux autres suspects ont d’ailleurs été arrêtés à Salzbourg. Ils résidaient également dans le foyer pour demandeurs d’asile. La justice autrichienne les soupçonne de complicité. Mais les enquêteurs en sont convaincus, certains complices présumés d’Haddadi et Usman sont passés entre les mailles du filet. Les juges antiterroristes français pourraient délivrer plusieurs mandats d’arrêt d’ici à la fin du mois de juin.

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