Cinq juges européens défendent (encore) l'indépendance de la justice
Dix-sept ans après leur "appel de Genève" contre la criminalité financière, ils évoquent pour francetv info les relations entre magistrats et politiques.
L’accusation est bien connue : à force de fouiller dans les poubelles de la finance, les magistrats seraient responsables du populisme ambiant. Pire, leur vraie tentation serait de constituer ce que l’on appelle souvent le "gouvernement des juges". Que répondent les magistrats européens Renaud Van Ruymbeke, Gherardo Colombo, Edmondo Bruti Liberati, Benoît Dejemeppe et Bernard Bertossa ? Tous les cinq ont lancé "l'appel de Genève", en 1996, contre la criminalité financière. Dix-sept ans plus tard, francetv info les a interviewés.
Comment ont-ils ressenti les attaques, parfois venues du sommet de leur État ? "C’est absurde !" Leur réponse est unanime : nous ne faisons qu’appliquer la loi ; nous sommes le relais de cette légitimité issue des citoyens. Et d’ailleurs, si nous voulions gouverner, où seraient nos moyens pour le faire ?
Les affaires sont parfois l'occasion d'un face-à-face entre juges et politiques. Ces derniers n'hésitent pas parfois à s'en prendre directement aux magistrats. On se souvient que Nicolas Sarkozy avait ouvertement mis en cause le juge de l'affaire Clearstream... un certain Renaud Van Ruymbeke.
Comment garantir l'indépendance de la justice ? Pour la France, le juge Van Ruymbeke considère que la création récente d’un poste de procureur national chargé de la lutte contre la corruption est un premier pas positif. Mais "pourquoi ne pas donner leur indépendance réelle à tous les procureurs [qui sont sous l’autorité hiérarchique du ministère de la Justice]?" "En fait, ajoute le magistrat, il faut repenser tout le système. Je suis prêt à abandonner l’institution du juge d’instruction si nous allons, par exemple, vers le système italien de procureurs enquêteurs, indépendants du pouvoir politique."
Ce que confirme l’Italien Edmondo Bruti Liberati : "Notre indépendance est effectivement garantie ! Mais à quoi bon réunir les preuves de la criminalité financière si, par ailleurs, les hommes au pouvoir réduisent les délais de prescription ?" "Tout se résume à une question de principe de fonctionnement de la justice, selon le magistrat suisse Bernard Bertossa. Il n’y a pas à tergiverser".
Avec la collaboration d'Hervé Pozzo, Renaud Bernard à Rome, François Beaudonnet à Bruxelles, Anne-Frédérique Widmann de la RTS.
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