Le Chambon-sur-Lignon : le viol et le meurtre d'Agnès Marin auraient-ils pu être évités ?
Le procès de Mathieu débute le 18 juin devant la cour d'assises des mineurs au Puy-en-Velay. L'ancien lycéen est accusé d’avoir violé puis tué Agnès, qui avait alors 13 ans.
Quatre-vingt-quatre journalistes accrédités, un box spécial monté avec des vitres pare-balles : le "procès de l'horreur", selon les mots du Progrès, s'est ouvert mardi 18 juin à huis clos, devant les assises des mineurs de Haute-Loire. La cour a refusé la publicité des débats, comme le demandaient les deux avocates de l'accusé.
Mathieu, 17 ans au moment des faits, est accusé d’avoir violé, puis assassiné, le 16 novembre 2011, Agnès Marin, 13 ans. Cette élève au collège-lycée Cévenol, un établissement privé du Chambon-sur-Lignon (Haute-Loire), avait été retrouvée calcinée en novembre 2011. Il encourt la réclusion criminelle à perpétuité si l'excuse de minorité n'est pas retenue. Il est également jugé pour des faits de viol aggravé sur mineure, commis dans le Gard en août 2010.
Une jeune fille violée, tuée, puis brûlée
Le 18 novembre 2011, les enquêteurs retrouvent le corps d’Agnès, 13 ans, portée disparue depuis deux jours. Ils ont été guidés par Mathieu, le tueur présumé et camarade d’Agnès. C'est la fin d'une traque menée par 150 gendarmes, plusieurs chiens et un hélicoptère. Selon le récit du procureur, le tueur présumé avait attiré l'adolescente dans la forêt au prétexte d'aller chercher des champignons hallucinogènes.
A posteriori, le grand-père de la victime fait le récit terrible de cet assassinat à La Montagne. "Cette ignoble individu l'a frappée de sept coups de couteau dans la poitrine, elle s'est battue avec lui, malheureusement elle n'est pas arrivée à lui trancher la gorge. Elle est tombée sur le ventre, disent les médecins légistes, et une fois sur le ventre, qu'elle commençait à s'épuiser, il l'a frappée à terre de dix coups de couteau dans le dos." Violée, puis tuée, Agnès a également été brûlée après sa mort.
"Un tueur froid et sans émotion"
Père professeur, mère comptable, Mathieu a vécu son enfance à Nages-et-Solorgues (Gard) dans une famille sans histoires. Accusé en 2010, à 16 ans, d’avoir commis un viol, il quitte son établissement scolaire après avoir été avoir été mis en examen pour agression sexuelle sur une mineure. Placé quatre mois en détention provisoire, il était sous contrôle judiciaire, en attente de son procès, quand il est arrivé au Chambon-sur-Lignon.
Pour le procureur qui gérait le dossier à Nîmes après le viol de 2010, Mathieu n’était pas "dangereux" et était "réinsérable", comme le notait alors Europe 1. C'est la raison pour laquelle le garçon a pu être inscrit au collège-lycée du Chambon-sur-Lignon, qui avait accepté son entrée. Soumis à une obligation de suivi psychiatrique, Mathieu était soigné par un psychiatre et un psychologue scolaire dans son nouvel internat.
Le jeune homme se fait remarquer en passant deux fois devant le conseil de vie scolaire de l'établissement. Il est exclu une semaine à chaque fois. Après l’assassinat d’Agnès, le portrait du lycéen se dessine tout autrement. Le procureur du Puy-en-Velay le décrit comme un tueur "très froid et sans émotion", rappelant qu’Agnès a "été tuée de façon extrêmement violente et brutale", avec préméditation puisque Mathieu s'était muni d'"objets" avant de commettre son crime.
Des "fautes lourdes" dénoncées par la famille d'Agnès
Après la mort d’Agnès, sa mère a mis en cause l’établissement scolaire pour avoir accepté la présence d'un élève mis en examen pour avoir violé une mineure. "Si nous avions connu son passé, jamais nous n'aurions mis notre fille dans cet établissement. Les motivations étaient bonnes, mais le Cévenol a fait une grosse erreur et ma fille en a payé le prix", avait-elle expliqué, selon Le Parisien. Le chef d’établissement a démenti, à plusieurs reprises, avoir eu connaissance de faits aussi graves.
La famille pointe aussi la responsabilité des psychiatres, "des quasi-fonctionnaires, qui se font payer très cher une médecine de bavardages, et qui très rapidement déclarent un beau jour qu’un type, sans aucune hésitation, n’est pas dangereux et qu'on va le mettre dans un collège", assène le grand-père d’Agnès dans La Montagne.
Autre responsabilité pointée par la famille, celle de la justice, qui avait remis en liberté Mathieu après sa première mise en examen. Pointant du doigt "trois fautes lourdes", le grand-père d'Agnès a estimé, mercredi sur RTL, que "la justice doit être publique. (…) Il faut que les gens soient au courant." La cour d'assises prendra la décision à l'ouverture du procès.
Une polémique "politicienne"
Cette polémique a très vite donné à l’affaire une tournure politique. Quelques jours après les faits, le Premier ministre, François Fillon, réunit un comité interministériel afin de prendre des mesures concernant la récidive pour des crimes sexuels. Le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, se rend au JT de 20 heures de TF1. Le Premier ministre demande en outre le placement en centre éducatif fermé de tout mineur auteur "d'un crime sexuel particulièrement grave" jusqu'au jugement, ainsi que l’information "complète" du chef d’établissement sur les antécédents de l'élève dans des cas aussi graves.
Ces réactions du gouvernement provoquent l'ire du PS, qui dénonce l’instrumentalisation de ce drame. "Après chaque fait divers atroce, il y a toujours la même réponse du gouvernement : une réunion et un journal de 20 heures", s’offusque Benoît Hamon, porte-parole du PS.
Une polémique qui a fini par agaçer la mère d’Agnès : "Tout ça a pris la tournure la plus politicienne, qui ne nous intéresse pas, qui nous dépasse."
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