DSK devant les juges : l’affaire du Carlton à l’heure du procès
C’est l’un des grands procès de cette année 2015 qui s'ouvre au tribunal correctionnel de Lille, le procès dit du "Carlton". Quatorze personnes comparaissent à partir de 14h ce lundi et pendant trois semaines, notamment pour proxénétisme aggravé. Tous les regards seront bien sûr tournés vers Dominique Strauss-Kahn. L’ancien patron du Fonds monétaire international (FMI), contre l’avis du parquet, a lui aussi été renvoyé devant la justice.
Le début de l'enquête dans un hôtel
Pour bien comprendre cette affaire à tiroirs, il faut retourner à la genèse de l’histoire. En février 2011, le parquet de Lille ouvre une enquête préliminaire. La police judiciaire lilloise a reçu un renseignement : le responsable des relations publiques de l’hôtel 4 étoiles le Carlton, René Kojfer, serait un entremetteur, il mettrait en relation des escort girls et des connaissances, souvent des Francs maçon comme lui. S'organisent alors des écoutes téléphoniques, des surveillances physiques, des auditions de jeunes femmes prostituées ou libertines, du personnel du Carlton, des investigations en Belgique.
Les enquêteurs et les magistrats ont acquis la conviction qu’ils ont affaire à un réseau, dont les pivots sont René Kojfer et Dominique Alderweireld, le fameux Dodo la Saumure, patron de maisons closes en Belgique. Au cours de leurs surveillances téléphoniques, au fil des auditions, un deuxième tiroir s’ouvre, avec une figure centrale : Dominique Strauss-Kahn.
L'agenda de DSK épluché
Celui qui est encore patron du FMI participe à des soirées libertines à Lille, Paris et Washington, des soirées dont le "chef d’orchestre "selon les juges est Fabrice Paszkowski, un entrepreneur nordiste. Il a connu DSK en 2006 et les deux hommes sont devenus amis. Très vite, Fabrice Paszkowski organise en fonction de l’agenda de son éminente connaissance des parties fines, avec des prostituées "fournies " par René Kojfer et Dodo la Saumure.
La notion de proxénétisme au coeur du procès
La défense de l’ancien patron du FMI n’a pas souhaité réagir avant le début du procès, mais on connaît la position de ses avocats : DSK ignorait, disent-ils, que les filles étaient des escorts, il ne les a jamais payées, il n’a donc pas "tiré profit de la prostitution ", comme le définit l’article 225-5 du code pénal. C’est d’ailleurs aussi l’avis du parquet, qui avait requis un non lieu en sa faveur. Mais pour les juges, Dominique Strauss Kahn ne pouvait ignorer que les femmes étaient des prostituées. La définition du proxénétisme sera donc au cœur de ce procès. Pour Hubert Delarue, avocat de René Kojfer, l’article du code pénal qui définit le proxénétisme n’est plus adapté à notre société.
" Aujourd’hui, on essaie de faire rentrer cette affaire aux forceps dans un article du code pénal qui a terriblement vieilli et qui ne correspond plus à l’état des mœurs. C’est un article qui a presque 25 ans d’âge, et en 25 ans notre société a terriblement évolué".
Les appuis de DSK
Dans ce dossier, tout le monde ou presque semble dédouaner Dominique Strauss-Kahn : les avocats des autres prévenus, qui s’interrogent sur son renvoi devant la justice, et notent pour la plupart une instruction qu’ils disent à charge "et très moralisatrice" de la part des juges. Et les prévenus eux-mêmes sont sur cette ligne. Son ami Fabrice Paszkowski notamment, qui au cours de ses auditions a toujours soutenu que l’ancien patron du FMI ignorait que ces femmes étaient des prostituées. DSK qui a aussi le soutien de Dodo la Saumure, le tenancier de maisons closes belges :
"On s’est servi de moi pour pénaliser l’affaire de Monsieur DSK. Je dis qu’il n’y a pas d’affaire si il n’y a pas DSK. Si pour ce genre d’affaire il y avait à chaque fois autant de retentissement, si les personnes allaient toutes devant des juges, faut vite construire des prisons !"
Les accusatrices
Mais pour les deux escort girls qui se sont constituées parties civiles et qui pourraient demander le huis clos ainsi que pour l’association "Equipe action contre le proxénétisme", Dominique Strauss-Kahn savait que certaines des participantes à ces soirées n’étaient pas des libertines mais des prostituées. Comment expliquer sinon, estiment-elles, "qu’il y avait parfois huit femmes pour lui, si c’était une soirée échangiste " ? Pendant trois semaines, la justice va plonger dans les petits secrets de notables du Nord et d’un homme qui alors était l’un des plus puissants de la planète.
Le procès est prévu pour durer trois semaines. Une semaine supplémentaire a été prévue, en cas de prolongation des débats.
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