Etat d'urgence : quand les perquisitions anti-terroristes font pschitt
Depuis les attentats du 13 novembre et l'instauration de l'état d'urgence, 2700 perquisitions administratives ont été menées. Voici le récit de l’une d'elle, dans l’Oise. Le 26 novembre dernier, une BRI locale investit les domiciles de plusieurs membres d’une même famille, celle d’Assia, 26 ans. Elle vit avec son mari et ses deux très jeunes enfants. Assia entend les premiers coups de bélier contre sa porte à 2h08. Quatre minutes plus tard, elle est menottée par les policiers.
"Ils sont rentrés, ils devaient être une vingtaine. Le premier policier avait un gilet pare-balles, avec écrit BRI dessus. Il crie : 'Objectif en vue ! Cible en vue ! A terre, à terre !' Il est venu me plaquer au sol, m'a attrapé le bras droit, puis le bras gauche et m'a menottée. Il m'a aussi braquée avec une arme. Et il m'a plaqué la tête contre le sol.
Selon Assia, l'officier de police judiciaire l'informe alors que "la perquisition a été ordonnée par le préfet de l'Oise". Emmanuel Berthier, le préfet en question, a effectivement lancé une perquisition chez Assia et son père, dans le cadre de l’état d’urgence. Cet ordre de perquisition, nous l’avons consulté. Il dit que "l’habitation, les box, les garages, les dépendances et véhicules d’Assia peuvent servir de lieu de regroupement et de stockage de personnes, d’armes ou d’objets à caractère terroriste."
Les enquêteurs fouillent donc l’appartement de fond en comble. Ils consultent le téléphone portable, l’ordinateur, les clés USB d’Assia. Ils cherchent, sans succès, des voitures appartenant au couple. Les policiers quittent l’appartement au bout de deux heures, sans explication et sans laisser d’attestation, affirme Assia.
"'Perquisition négative chez vous'. Je n'ai rien à me reprocher. Je suis une citoyenne tout à fait normale. Je porte, certes, le voile, mon mari a peut-être la barbe, porte même un kamis, la robe traditionnelle... Cela ne fait pas de nous des méchants. Nous ne sommes pas affiliés à des terroristes. On condamne même ce genre d'actes. Et ils sont partis comme ils sont arrivés, bredouilles, négatif…"
"Négatif", "On s’est plantés" , c’est aussi ce que le père d’Assia affirme avoir entendu quand les policiers ont fini de perquisitionner son domicile. Salim, que nous avons rencontré, est handicapé à 80%. Il décrit des violences en début de perquisition. Il nous montre ses dents. Selon lui, les policiers lui en ont cassé quatre lors de l’intervention. Le parquet de Senlis n’a pas pu nous donner les suites judiciaires de ces perquisitions mais, à ce stade, ni Assia ni son père n’ont été entendus par des policiers ou des magistrats.
2.700 perquisitions depuis les attentats
L’avocat de la famille, Arié Alimi, va déposer un recours contre cette perquisition. Depuis le début de l’état d’urgence, l’avocat dit être saisi d'une dizaine d’affaires du même genre. Il faut dire que les perquisitions se multiplient depuis le 14 novembre : la première semaine après les attentats, il y en a eu 120 par jour en moyenne. Aujourd'hui, le rythme est descendu à 40 perquisitions par jour, pour atteindre un total de 2.700 domiciles de particuliers perquisitionnés depuis un mois.
A ce stade, aucun des 287 individus interpellés et placés en garde à vue lors de ces perquisitions administratives n’a été poursuivi pour terrorisme. Les policiers ont saisis 430 armes (soit un tiers de ce qu’il saisissent en un an) et des stupéfiants. La justice a tout de même ouvert deux enquêtes préliminaires début décembre pour des faits liés au terrorisme. Des ordinateurs qui contenaient du matériel de propagande ont été saisis mais le parquet anti-terroriste en est resté là pour l’instant et n’a procédé à aucune interpellation. Par ailleurs, 360 individus sont assignés à résidence depuis le début de l’état d’urgence.
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