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Filiation d'enfants nés de mère porteuse à l'étranger : la France condamnée

La Cour européenne des droits de l'Homme a condamné jeudi la France pour son refus de reconnaître la filiation des enfants nés de mère porteuse à l'étranger, estimant que ce refus "portait atteinte à leur identité". La ministre de la Justice a réagi en indiquant que la France ne reviendra pas sur l'interdiction de la GPA mais sera "attentive" à la situation des enfants.
Article rédigé par Clara Beaudoux
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
  (La CEDH à Strasbourg © Maxppp)

Une victoire pour les partisans de la GPA, la gestation pour autrui. Jeudi, la Cour européenne des droits de l'Homme (CEDH) a condamné la France pour avoir refusé de reconnaître la filiation d'enfants nés de mère porteuse à l'étranger (lire la décision ci-dessous). Cet arrêt ne remet pas en cause l'interdiction de la GPA en France.

Mais la CEDH estime que le refus des autorités de retranscrire les actes de filiation d'enfants nés de GPA à l'étranger porte atteinte à leur identité, et viole leur droit au respect de la vie privée et familiale. Elle considère aussi qu'"interdire totalement l'établissement d'un lien de filiation entre un père et ses enfants biologiques " est "contraire " à la Convention européenne des droits de l'Homme.

Spermatozoïdes du mari et ovocytes d'une donneuse

La CEDH avait été saisie par deux couples de parents d'enfants nés d'une GPA aux Etats-Unis. En avril 2011, les deux couples s'étaient heurtés à une fin de non-recevoir de la Cour de cassation, après des années de bataille devant les tribunaux.

Depuis plus de 13 ans, un couple de Maison-Alfort se bat pour devenir parents légaux de leurs jumelles nées en Californie d'une mère porteuse américaine en 2005. L'autre famille résidant en Midi-Pyrénées tente d'obtenir la filiation pour leur fille née en 2001 d'une mère porteuse dans le Minnesota. Dans les deux cas, les embryons avaient été conçus avec des spermatozoïdes du mari et les ovocytes d'une donneuse. Bien que leur filiation ait été reconnue par les tribunaux américains, les trois enfants restent citoyens des Etats-Unis au regard de la justice française.

"Nos filles ne seront plus les fantômes de la République"

"L'épée de Damoclès que nous avions au-dessus de la tête vient de tomber ", s'est réjoui jeudi Dominique Mennesson, père des jumelles nées d'une GPA. "Pour nous, cela change tout ", renchérit Sylvie Mennesson. "Pendant près de 14 ans c'est comme si l'Etat français n'avait cessé de me dire que je n'étais pas la mère de mes filles ", a-t-elle ajouté. "Nos filles ne seront plus les fantômes de la République ", se félicite-t-elle précisant que "cela a été difficile à vivre pour elles ".

"Dès demain je pense aller voir mon tribunal d'instance qui depuis un an et demi me trouve des excuses" - Dominique Mennesson, père de jumelles nées par GPA et président de l'association Clara, avec Raphëlle Duchemin

"Cette décision fera évidemment jurisprudence en France et ailleurs. Le droit français ne peut en aucun cas rester en l'état puisque la jurisprudence de la Cour de Cassation vient d'être battue en brèche ", ajoute leur avocat Patrice Spinosi.

5.000 euros par enfant au titre du dommage moral

La Cour a estimé que le refus des autorités françaises ne les avait pas empêché de mener une vie familiale "dans des conditions globalement comparables " à celles d'autres familles en France. Mais selon les magistrats européens, les enfants des deux couples se trouvaient "dans une situation d'incertitude juridique ".

La Cour européenne accorde à chaque enfant 5.000 euros au titre du dommage moral. L'arrêt est susceptible d'appel. La ministre de la Justice, Christiane Taubira, l'avait toutefois devancée en janvier dernier en diffusant une circulaire invitant les juridictions à "faire droit" aux demandes de certificats de nationalité pour les enfants nés à l'étranger de Français dans le cadre de la GPA. Jeudi, la ministre a réagi en indiquant que la France ne reviendra pas sur l'interdiction de la GPA mais sera "attentive " à la situation des enfants nés à l'étranger de mère-porteuse.

La secrétaire d'Etat à la Famille, Laurence Rossignol, a elle "pris acte " de la décision de la CEDH, mais a promis de "tenir " sur le principe "fort " de non-commercialisation du corps humain. Elle a demandé du temps pour trouver une solution : "Quand une décision tombe le matin à 11H00 on n'est pas sommés de répondre techniquement dans les deux heures qui suivent, pour le moment il faut réfléchir. 

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