: Info franceinfo Réduction de débit d’eau : la Saur condamnée à verser 2 500 euros à un client pour préjudice moral
La justice reconnaît, pour la première fois, qu’une coupure d’eau ou une réduction de débit d’eau chez un particulier cause un préjudice moral.
Pour la première fois, la justice reconnaît qu’une coupure d’eau ou une réduction de débit d’eau chez un particulier cause un préjudice moral. Selon les informations révélées par franceinfo mercredi 6 juin, la Saur, déjà épinglée par le passé pour des décisions face des impayés, a été condamnée le 17 mai par le tribunal d’instance de Vanves (Val-de-Marne) à indemniser un homme de 73 ans, après une réduction de débit d’eau durant près de sept mois.
L’entreprise de distribution de l'eau devra verser 2 500 euros de préjudice moral à un client, Jean-Claude B., ainsi que 1 000 euros de dommages et intérêts aux deux associations l’ayant accompagné en justice, la Fondation France Libertés-Danielle Mitterrand et la Coordination Eau-Ile-de-France. La Saur devra également s'acquitter de 2 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour couvrir les frais de justice, soit un total 5 900 euros.
Un débit d'eau réduit pendant sept mois
Le 26 avril 2017, le distributeur d’eau procède à un "lentillage" pour réduire le débit d’eau chez Jean-Claude B., résidant dans un petit village près de Draguignan (Var), à la suite d’un impayé. Jusqu’au 23 novembre 2017, soit pendant près de sept mois, le retraité subit "une gêne continue et durable" dans sa vie quotidienne, souligne le tribunal.
Dans leur décision, les juges expliquent qu’il a ainsi été "contraint d’aller se doucher chez des voisins, d’aller laver son linge dans une laverie alors qu’il disposait chez lui des équipements nécessaires suffisants pour assurer son confort". Si la Saur a bien procédé au rétablissement du débit fin novembre 2017, le tribunal estime que la réduction de débit a causé des "désagréments" qui justifient la condamnation.
Dans son jugement, le tribunal rappelle que la réduction de débit d’eau dans une résidence principale, comme la coupure d’eau, "est interdite aux distributeurs d’eau, tout au long de l’année". La Fondation France Libertés et la Coordination Eau-Ile-de-France soulignent également de leur côté que depuis la loi Brottes de 2013, et après les nombreuses décisions de justice, les coupures d’eau et réductions de débit d’eau "sont illégales".
"100 000" foyers par an concernés par des coupures ou réductions d'eau
Selon France Libertés et la Coordination Eau-Ile-de-France, cette condamnation ouvre "une jurisprudence pour toutes les familles qui ont eu à subir des coupures d’eau ou des réductions de débit d’eau depuis 2013". S'appuyant sur les données de la Fédération professionnelle des entreprises de l'eau (FP2E), elles estiment à "100 000" le nombre de foyers concernés chaque année par ces coupures ou réductions de débit effectuées par les délégataires privés.
En cinq ans, "ce sont donc environ 500 000 personnes (ou foyers) qui peuvent potentiellement demander réparation pour préjudice moral", précisent les deux organisations qui invitent chaque particulier et les associations de consommateurs "à relayer cette information et à se saisir de cette décision de justice".
France Libertés et la Coordination Eau Ile-de-France se tiennent "disponibles pour aider les familles à faire valoir leurs droits", tout en invitant "les distributeurs d’eau à étudier la possibilité d’indemniser toutes les victimes de coupures d’eau et de réductions de débit d’eau depuis la mise en place de la loi Brottes, sans attendre de nouvelles décisions de justice".
La Saur ne fera pas appel
La Saur ne fera pas appel de la décision du tribunal. Contactée par franceinfo, elle estime qu'il s'agit d'un jugement "qui concerne les affaires du passé. Aujourd'hui le groupe Saur ne limite plus le débit de ses clients quand il y a des impayés", assure le directeur du service client Christophe Piednoël. Selon lui, "il ne reste aucun cas de cette nature".
La Saur affirme être dans une logique "de faire en sorte que chacun puisse avoir l'eau au robinet au quotidien". Concernant les indemnisations éventuelles qui lui parviendraient, l'entreprise assure qu'elle étudiera "au cas par cas" les demandes d'indemnisation. Mais, selon elle, cela ne concernera que peu de personnes.
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