La subordination des procureurs au ministère de la Justice validée par le Conseil constitutionnel
Les syndicats de magistrats avaient déposé une question prioritaire de constitutionnalité pour contester la tutelle du ministère de la Justice sur le parquet.
Il n'y aura pas de révolution de palais. Les "Sages" ont jugé, vendredi 8 décembre, "conforme à la Constitution" le texte qui définit la subordination du parquet au garde des Sceaux. La décision du Conseil constitutionnel était très attendue dans le milieu judiciaire mais également politique, tant la question de l'indépendance du parquet est sensible : une réforme du statut des procureurs est depuis longtemps évoquée mais n'a jamais pu aboutir.
Emmanuel Macron a lui-même promis une réforme constitutionnelle pour une "indépendance pleine et entière de la justice". Mais l'issue reste incertaine car le chef de l'Etat ne dispose pas, après son échec aux sénatoriales, de la majorité des trois cinquièmes qui pourrait lui garantir l'adoption en Congrès du texte, dont les contours demeurent flous.
Une "décision conservatrice et politique"
Les juges constitutionnels ont estimé que les dispositions contestées assuraient "une conciliation équilibrée" entre deux principes constitutionnels : l'indépendance de l'autorité judiciaire et les prérogatives du gouvernement, qui "détermine et conduit la politique de la Nation", notamment en ce qui concerne l'action du parquet. Saisis par trois syndicats de magistrat (USM, FO-magistrats, SM), les "Sages" devaient dire si le texte de 1958 visé, qui place "les magistrats du parquet (...) sous l'autorité du garde des Sceaux, ministre de la Justice", est ou non contraire aux principes de "la séparation des pouvoirs" et de "l'indépendance de l'autorité judiciaire", protégés par la Constitution.
La décision du Conseil constitutionnel acte qu'il existe en France deux catégories de magistrats: les indépendants (juges) et les moins indépendants (parquetiers)
Virginie Duval, présidente de l'USMà l'AFP
"C'est une occasion gâchée. Le Conseil avait la possibilité de donner une impulsion pour faire évoluer le statut du parquet mais il a préféré maintenir le système en l'état. Maintenant la solution ne peut être que politique", a abondé Me Patrice Spinosi, pour FO-magistrats. "C'est une décision conservatrice et politique", a dénoncé Laurence Blisson, secrétaire générale du SM. Pour elle, "le Conseil a été au-delà du simple contrôle de conformité du texte à la Constitution : il a fait un choix dans l'organisation de l'autorité judiciaire en donnant la primauté au gouvernement".
Des interventions toujours possibles
Relevant certaines évolutions législatives récentes, comme l'interdiction faite au ministère d'"adresser aux magistrats du parquet des instructions dans les affaires individuelles", les Sages ont estimé que ces derniers avaient aujourd'hui la possibilité d'exercer leur mission en toute indépendance, même s'ils ne bénéficient pas des mêmes protections statutaires que les juges du siège en matière de nomination et de discipline.
Si "l'indépendance fonctionnelle" des parquetiers est reconnue par la Constitution, ce n'est pas le cas pour "l'indépendance statutaire", a réagi Virginie Duval. "Le garde des Sceaux peut toujours nommer les magistrats du parquet, les déplacer et les sanctionner disciplinairement", a-t-elle rappelé. "Le Conseil constitutionnel refuse de voir que derrière les questions de nomination et de discipline des magistrats du parquet se nichent des formes d'intervention déguisées dans des affaires individuelles", a accusé Laurence Blisson. Selon elle, "il refuse aussi de répondre aux exigences du corps social qui n'accepte plus les immixtions de l'exécutif dans le cours de la justice".
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