Les paradis fiscaux vont-ils perdurer ? La réponse de cinq juges européens
Francetv info a rencontré, dix-sept ans après "l'appel de Genève", cinq magistrats qui ont lancé ce cri d'alarme sur la criminalité financière.
Les difficultés rencontrées par les magistrats durant leurs investigations financières sont nombreuses. Renaud Van Ruymbeke, Gherardo Colombo, Edmondo Bruti Liberati, Benoît Dejemeppe et Bernard Bertossa les racontent. Ils confient, en même temps, leur satisfaction de voir le secret bancaire battre en retraite et la lutte contre les paradis fiscaux se concrétiser.
Comment réunir les preuves de montages illicites par-delà les frontières ? Les moyens d'entraver la justice sont multiples : de l’opacité organisée à l’absence de règles communes, en passant par l’hypocrisie générale et la surenchère du camouflage. Sur tout cela, les magistrats de "l’appel de Genève" sont intarissables, à l'instar du juge suisse Bernard Bertossa.
Il y a bien une cartographie du paradis fiscal. Pour les juges, l'Asie rassemble des lieux bien identifiés, avec Hong Kong et Singapour. Tout simplement parce que là-bas, le secret bancaire y est très fort, l'opacité totale, et la coopération judiciaire balbutiante. D'ailleurs, nombre de banques aujourd'hui basées en Europe y ont transféré leurs avoirs. Et "en matière de lieux sûrs", dit Renaud Van Ruymbeke, "elles savent ce que cela veut dire !" Les magistrats ajoutent sur leur liste "noire" Dubaï, les Seychelles, l'île Maurice, Panama, les Caïmans... Et le juge Van Ruymbeke de s'indigner : "Est-ce que les Etats qui sont maintenant en déficit vont continuer éternellement à regarder sans rien dire l'argent passer sous leurs yeux dans ces paradis fiscaux ?"
Les trafics, la fraude ou la criminalité financière sont donc maintenant mondialisés. Ainsi, dans son cabinet bruxellois, le magistrat belge Benoît Dejemeppe doit faire face à la Chine, tandis que le Français est à la peine en raison des recours de toute nature dans les législations du monde.
Les banques sont souvent pointées du doigt, mais brandissent leur respect des règles en vigueur. Comment les juges apprécient-ils leur rôle dans la circulation des capitaux ? Globalement, ils constatent que le secret bancaire est en recul. Les uns après les autres, les Etats spécialistes en la matière baissent la garde.
Selon Renaud Van Ruymbeke, une révolution est en cours et pourrait venir à bout de l’évasion fiscale. Tout tient dans une expression apparemment technique : la transmission automatique de données. Une révolution initiée par les États-Unis, raconte-t-il. En quoi consiste-t-elle ? Y a-t-il d’autres moyens pour en finir avec la criminalité financière ?
Même si tous pensent que de vrais progrès ont été accomplis, verra-t-on un jour la justice venir à bout du lucre ? Cette question naïve fait sourire nos juges.
Avec la collaboration d'Hervé Pozzo, Renaud Bernard à Rome, François Beaudonnet à Bruxelles, Anne-Frédérique Widmann de la RTS.
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