Liliane Bettencourt, une femme du monde désorientée et lourdement handicapée
Sourde, handicapée, incohérente. C’est en substance le triste tableau dépeint ce lundi par les experts médicaux chargés d'examiner Liliane Bettencourt pendant l'instruction devant le tribunal correctionnel de Bordeaux.
Fortement handicapée par sa surdité
Les experts - deux neurologues, un médecin ORL, un psychologue, placés sous la direction de Sophie Gromb, médecin légal - s'étaient rendus, le 7 juin 2011, au domicile de la milliardaire, alors âgée de 88 ans, à la demande du juge d'instruction Jean-Michel Gentil. A la barre, les médecins ont rendu compte des résultats de leurs entrevues avec la milliardaire, qui avait répondu à leurs questions en présence de son ex-infirmier Alain Thurin, chargé de lui répéter les questions "à l'oreille" en raison de sa surdité.
Neurologue, le Dr Sophie Auriocombe a fait état de la difficulté pour la vieille dame de comprendre une batterie de questions simples concernant sa personne ou sa vie d'alors. "Lorsque je lui demande quelle année nous sommes, elle a beaucoup de mal à comprendre ce que je veux lui dire ", a détaillé la spécialiste.
Incapable de répéter trois mots
De la même façon, la neurologue a souligné l'incapacité de la vieille dame à lui répondre sur son âge. "Mais elle sait sa date de naissance " car les "informations sur-apprises sont connues ", relève-t-elle. Selon elle, Liliane Bettencourt est par ailleurs incapable de répéter trois mots qu'elle vient de lire ou de lui répondre sur son programme de la journée : "Elle ne retrouve pas, assure-t-elle, la réunion (à la fondation Schueller-Bettencourt) à laquelle elle va participer ."
Même difficulté devant le "test très simple de vocabulaire" proposé par le Dr Bruno Daunizeau, psychologue. "Elle n'a pas été capable de répondre à la moindre question ", explique l'expert, relevant des réponses stéréotypées d'une "femme courtoise, très femme du monde ", telles que "oui, oui, je vois ", mais finalement "n'arrivant pas à répondre" .
Un univers "à part"
Selon le Dr Jean-François Dartigues, neurologue, la discussion avec la milliardaire pouvait avoir une "certaine cohérence" quand les "questions venaient d'elle" . Un "vernis" , selon lui, en raison du niveau socio-culturel de la milliardaire. Un constat partagé par le Dr Daunizeau qui évoque "une attitude qu'elle a dû peaufiner tout au long de son existence " en raison de son statut de "fille unique promise à un avenir grandiose " dans un "univers tout à fait à part".
Ces examens constituaient la première expertise médicale judiciaire réalisée auprès de l'héritière de L'Oréal. Dans leur rapport, les cinq praticiens, également chargés d'analyser l'ensemble de son dossier médical, avaient estimé que la vulnérabilité de la vieille dame remontait à septembre 2006, la date retenue pour le début des abus de faiblesse pour lesquels dix hommes sont jugés jusqu'au 26 février à Bordeaux.
Cinquante-six médicaments par jour
Liliane Bettencourt aurait pu aussi être fragilisée par les très nombreux traitements qu’elle superpose. Un expert constate ainsi que dès 2003, les grosses quantités de médicaments qu’elle ingurgite ont pu affecter son système neurologique. Des premiers signes de dégénérescence apparaissent d’ailleurs sur un IRM. Au total, la richissime héritière avale chaque jour cinquante-six médicaments, prescrit par cinq médecins différents : 27 le matin, 7 le midi, 15 au dîner, 7 au moment de se coucher. Parmi eux, des antidépresseurs, des anxiolytiques, des antipsychotiques. Aujourd'hui âgée de 92 ans et sous tutelle, Liliane Bettencourt est la grande absente du procès.
Liliane #Bettencourt l'hypocondriaque > http://t.co/AMqcratRXn / Dessin : Dominique Lemarié pic.twitter.com/uZSsyHgw8f
— Charlotte Piret (@ChPiret) February 16, 2015
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