Ouverture du procès de l'affaire Bettencourt
C'est la première d'une série de trois audiences consacrées à cette tentaculaire affaire Bettencourt, dans laquelle dix personnes répondront pour la plupart d'"abus de faiblesse".
Ce premier procès, c'est un retour aux sources de toute l'affaire, qui a pris à une époque des allures d'affaire d'Etat et de scandale politico-financier. Mais au fil des années, avec notamment le non-lieu accordé à Nicolas Sarkozy, cette dimension politique est devenue moins importante, même si un ancien ministre, Eric Woerth, fait partie des prévenus. On revient à partir de ce lundi à Bordeaux au présumé pillage de la fortune d'une vieille dame, à la santé mentale réputée fragile, par des individus peu scrupuleux....
Qui sont les accusés ?
Ce sont des personnes qui fréquentaient assidûment l'hôtel particulier de la famille Bettencourt, encore plus depuis la mort d'André, le mari de Liliane, en 2007. Les plus connus d'entre eux sont l'artiste François-Marie Banier et l'ancien gestionnaire de fortune de la milliardaire, Patrice de Maistre.
François-Marie Banier, au fil des années, était devenu un intime de Liliane Bettencourt et aurait été gratifié de "cadeaux" divers – de l'argent, des œuvres d'art, des biens immobiliers, pour un montant d'au moins 170 millions d'euros. Et encore, devant l'ampleur du scandale, il a dû renoncer à d'autres "donations", comme de très juteux contrats d'assurance-vie.
Banier, qui avait accordé en 2010 une de ses rares interviews à nos confrères de France Inter, y évoquait sa solitude d'artiste et sa complicité avec Liliane Bettencourt
"Toute ma vie c'est une histoire de solitude, c'est la seule chose que je dirais par rapport à Madame Bettencourt, qui m'a permis de ne pas être seul, parce qu'on se comprend très très très bien ".
Une entente artistique au départ effectivement. Madame Bettencourt avait "flashé" il y a de longues années sur le travail de François-Marie Banier et s'était donc transformée en mécène très généreuse. Pour l'avocat du photographe, Laurent Merlet, il n'y avait là rien de choquant ni de répréhensible.
"Elle a voulu l'aider en tant qu'artiste et ça s'est fait tout à fait progressivement, puisqu'elle ne s'est pas mis à le gratifier du jour au lendemain. Il s'est passé presque 7 ans, elle a commencé par participer à la contribution d'un de ses ouvrages lors d'une exposition à Beaubourg. Puis, elle lui a permis d'acheter des ateliers de peinture et de photographie dans lesquels il travaille toujours aujourd'hui. Encore une fois, chacune des donations qu'elle lui a consenti entre 1997 et 2007 ont été réalisées chez un notaire, par acte notarié, tout à fait classiquement et de façon transparente ".
L'état de santé et la lucidité de Liliane Bettencourt en questions
L'un des questions centrales du procès concernera l'état de santé et la lucidité de Liliane Bettencourt. Etait-elle en pleine possession de ses moyens intellectuels quand elle sortait son carnet de chèques ? Ou bien était-elle manipulable et manipulée par son entourage ?
Une question cruciale, qui a été tranchée en 2011 après de multiples tergiversations car Liliane Bettencourt ne voulait pas au départ se soumettre à une expertise psychiatrique. Mais un médecin s'est finalement rendu à son chevet et a conclu qu'elle était sénile depuis 2006, une époque à laquelle elle se montrait encore plus que généreuse avec son entourage.
Un autre document sonore a également semé le trouble. En 2010, la vieille dame avait accordé un entretien à Europe 1. Dans un langage hésitant, elle y évoquait à sa manière sa relation avec Banier et ces fameux soupçons d'"abus de faiblesse".
"François-Marie est quelqu'un d'extrêmement drôle, extrêmement vivant, c'est un artiste. Si on m'abuse, c'est que je me laisse abuser. Tant mieux pour moi, qu'on me laisse vivre ".
Enregistrement qui montre pour les uns que Liliane Bettencourt est une femme libre et pour les autres qu'elle n'a pas tout à fait conscience de la situation.
Des nouveaux éléments susceptibles de fragiliser l'accusation
Tout récemment, de nouveaux éléments sont apparus, susceptibles de fragiliser l'accusation. Fin novembre, un nouveau coup de théâtre s'est produit, avec la mise en examen pour "faux témoignage" de Claire Thibout, l'ancienne comptable de Liliane Bettencourt. Claire Thibout, c'est l'une de celles qui a livré des témoignages accablants contre Banier et de Maistre.
La défense va s'emparer de ce rebondissement pour tenter d'obtenir un renvoi du procès, dans l'attente de la fin de l'enquête sur le rôle de la comptable. Mais pour l'avocat de Claire Thibout, Maitre Antoine Gillot, le dossier ne repose pas, loin de là, sur son seul témoignage...
"On semble se focaliser sur le témoignage de Claire Thibout. Mais il y a d'autres témoignages au moins aussi importants que le sien qui vont pouvoir être mis à jour. Et je pense que ces éléments vont ressortir et vont mettre en exergue le fait que ma cliente a bien dit la vérité. Je pense qu'il est important que ce procès se tienne. D'abord parce que l'on va enfin savoir ce qui s'est passé au sein de la maison Bettencourt depuis quelques années. Et que ce procès va permettre au public de savoir qui sont les personnes qui ont eu un comportement malhonnête et quelles sont celles qui ont eu un comportement loyal à l'égard de la famille. Inutile de vous dire que je considère que Claire Thibout fait partie de cette deuxième catégorie ".
En attendant l'émergence de cette vérité, il faut s'attendre à un ou deux jours de pure bataille de procédure, entre les partisans de la tenue de ce procès et ceux qui veulent gagner du temps en obtenant un renvoi. La décision devrait probablement tomber dans la journée de mardi.
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