On vous résume l'affaire Andrew Tate, influenceur masculiniste poursuivi pour violences sexuelles et traite d'êtres humains en Roumanie et au Royaume-Uni

Article rédigé par franceinfo avec AFP
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5 min
L'influenceur britannique Andrew Tate, accompagné de son frère Tristan (à droite), à la sortie d'un tribunal de Bucarest (Roumanie), le 12 mars 2024. (DANIEL MIHAILESCU / AFP / FRANCEINFO)
L'ancien kickboxeur britannique de 37 ans, placé en résidence surveillée jeudi, est visé par plusieurs procédures dans les deux pays.

C'est un feuilleton judiciaire aux allures de mille-feuille. Le cas d'Andrew Tate, l'un des influenceurs les plus connus au monde, décrié pour ses discours sexistes, violents et complotistes, fait une nouvelle fois les gros titres de la presse européenne après son placement en garde à vue puis en résidence surveillée en Roumanie, jeudi 22 août. Banni de plusieurs réseaux sociaux, dont TikTok et Instagram, l'ancien kickboxeur britannique de 37 ans, reconverti en coach financier, est dans le viseur de la justice au Royaume-Uni ainsi qu'en Roumanie, où il vit depuis 2017. Franceinfo revient sur les différentes enquêtes et soupçons de faits graves qui pèsent sur ce "misogyne" et "proxénète" assumé.

Des signalements de violences sexuelles dès 2015 au Royaume-Uni

C'est en participant à l'émission de téléréalité "Big Brother" en 2016 au Royaume-Uni (qui repose sur le même concept que "Loft Story" et "Secret Story" en France), qu'Andrew Tate, alors âgé de 29 ans, a acquis une certaine notoriété médiatique. Déjà champion international de kick-boxing, il a défrayé la chronique en se faisant évincer du programme par la production au bout de six jours seulement, après la révélation par le tabloïd The Sun d'une vidéo le montrant en train de frapper une jeune femme avec une ceinture. Andrew Tate avait alors fait valoir qu'il s'agissait d'un "jeu de rôle filmé". Aucune plainte n'avait été déposée.

Un an plus tôt, en 2015, l'homme avait toutefois eu maille à partir avec la justice après des accusations de viol et de violences venant de plusieurs femmes, toujours au Royaume-Uni. En juillet 2015, Andrew Tate avait été arrêté par la police pour être interrogé, avant d'être libéré. En 2019, la justice britannique avait abandonné les charges, faute de preuve suffisante, comme l'a rapporté le Guardian. L'affaire a tout de même provoqué une onde de choc, notamment après la révélation début 2023, par le média VICE News, de messages envoyés par Andrew Tate à l'une des plaignantes, dans lesquels il prononce la phrase "J'adore te violer".

Un procès à venir pour viols et traite d'êtres humains en Roumanie

Sur les réseaux sociaux, Andrew Tate est devenu à la fin des années 2010 une figure du masculinisme décomplexé, s'affichant avec des voitures de sport et des femmes dénudées dans ses vidéos. Une vitrine alléchante pour l'un de ses nombreux business : la vente de formations en ligne promettant aux hommes d'atteindre la fortune et de multiplier les conquêtes féminines. Selon un documentaire de la BBC sorti en septembre 2023, une "sorte de secte" s'est créée autour de l'influenceur, impliquant notamment son frère Tristan, aujourd'hui âgé de 36 ans, qui s'est installé avec lui en Roumanie en 2017.

C'est justement dans ce pays que les ennuis sérieux ont commencé pour le sulfureux duo. Fin 2022, les deux frères ont été arrêtés et ont passé trois mois en détention à Bucarest, avant d'être placés en janvier 2023 sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le territoire. Le dossier rassemblé contre eux est particulièrement lourd : ils sont accusés d'avoir manipulé des jeunes femmes afin de les forcer à tourner dans des films pornographiques. Andrew Tate est par ailleurs accusé de deux viols, ce qu'il dément formellement. Sur le réseau social X, où son compte a été rétabli juste après le rachat de la plateforme par Elon Musk fin 2022, l'influenceur crie régulièrement à ses près de 10 millions d'abonnés qu'il est victime d'un complot "politique".

Les frères Andrew et Tristan Tate (au centre et à droite), arrivent dans un tribunal de Bucarest (Roumanie) le 10 janvier 2023. (DANIEL MIHAILESCU / AFP)

En juin dernier, la justice roumaine a formellement requis un procès contre les frères Tate ainsi que deux Roumaines, les accusant d'avoir mis sur pied un réseau criminel organisé exploitant des femmes dans ce pays, au Royaume-Uni et aux Etats-Unis, comme l'a rapporté le New York Times. Au moins sept jeunes femmes se plaignent d'avoir été piégées par une promesse de relation amoureuse, puis logées dans une résidence et forcées d'apparaître dans des vidéos pornographiques diffusées sur internet. 

Ce dossier déjà brûlant pourrait encore s'épaissir après une perquisition menée mercredi au domicile des frères Tate par la Direction roumaine d'enquête sur la criminalité organisée et le terrorisme (Diicot), lors de laquelle ont été saisis l'équivalent de 60 000 euros en diverses devises, du matériel informatique et 16 voitures de luxe. Dans un communiqué, la Diicot révèle que la justice roumaine évalue désormais à 34 le nombre de victimes de cette traite sexuelle, dont une mineure de 17 ans. Les nombreuses vidéos tournées avec cette jeune fille auraient rapporté plus d'un million d'euros aux prévenus, détaille la police. Sans le nommer, la Diicot accuse par ailleurs l'un des "prévenus étrangers" d'avoir eu des relations sexuelles à plusieurs reprises avec une mineure de 15 ans, à l'hiver 2020.

En parallèle, une nouvelle procédure ouverte par la justice britannique

Dans l'attente de ce procès, dont les charges et le nombre de prévenus comme de victimes pourraient être amenés à évoluer, la justice britannique a émis deux mandats d'arrêt européen contre Andrew et Tristan Tate. Après avoir été déboutées en 2019, trois plaignantes britanniques ont finalement saisi la Haute Cour de justice du Royaume-Uni, expliquait le Guardian en mai, pour une procédure civile de "la dernière chance", selon leurs avocats. Comme l'a rapporté la BBC, ces requêtes ont conduit à l'interpellation des deux frères le 12 mars dernier par la police roumaine, afin de leur signifier l'existence des mandats.

Des gendarmes devant le domicile d'Andrew et Tristan Tate, dans la banlieue de Bucarest (Roumanie), le 21 août 2024. (DANIEL MIHAILESCU / AFP)

Dans la foulée, une cour de justice de Bucarest a accepté la demande d'extradition des frères Tate vers le Royaume-Uni, mais seulement au terme du procès intenté contre eux en Roumanie. Les investigations se poursuivent dans ce pays après la perquisition, mercredi, de trois autres lieux dans la région de Bucarest, explique la Diicot, en lien avec des soupçons "de traite de mineurs, de traite d'êtres humains, de rapports sexuels avec une mineure, de corruption de témoin et de blanchiment d'argent"

Après 24 heures de garde à vue dans le cadre de cette nouvelle enquête, Andrew Tate a été placé jeudi soir en résidence surveillée pour 30 jours. Le parquet de Bucarest a également placé son frère Tristan sous contrôle judiciaire pour deux mois, avec obligation de pointer régulièrement dans un commissariat. Immédiatement après leur sortie, les deux hommes ont diffusé une vidéo en direct sur les "mensonges calomnieux" dont ils se disent victimes. Tout en faisant la promotion d'une nouvelle cryptomonnaie qu'ils s'apprêtent à lancer. Leur porte-parole a pour sa part déclaré que les frères Tate "dément[ai]ent fermement toutes les allégations formulées à leur encontre, soulignant que les accusations sont dénuées de fondement et non étayées par des preuves substantielles".

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.