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Retraite religieuse, bracelet électronique… A quoi va ressembler la nouvelle vie de Jean-Claude Romand ?

Après avoir passé vingt-six ans en prison pour le meurtre de cinq membres de sa famille, Jean-Claude Romand a retrouvé la liberté. Sous la surveillance de la justice, il s'est installé dans un établissement religieux.

Article rédigé par franceinfo
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Jean-Claude Romand lors de son procès à Bourg-en-Bresse (Ain), le 25 juin 1996. (STÉPHANE RUET / SYGMA / GETTY IMAGES)

Jean-Claude Romand est sorti de prison. Ce faux médecin qui a passé près de vingt ans à mentir à sa famille sur son travail, à escroquer ses proches et ses amis et qui a fini par tuer ses parents, sa femme, Florence, et ses deux enfants, Caroline et Antoine, a été libéré sous conditions vendredi 28 juin après vingt-six ans passés derrière les barreaux. 

"Il est sorti cette nuit" de la prison de Saint-Maur (Indre), en application d'une décision de libération conditionnelle acceptée en appel le 25 avril, a annoncé son avocat Jean-Louis Abad. "C'est une décision de justice, il n'y a pas de commentaire à faire. L'arrêt de la cour d'appel a été mis à exécution. Il n'y a rien à dire de plus", a souligné l'avocat. Mais quelle vie attend désormais Jean-Claude Romand ?

Une vie monacale à l'abbaye de Fontgombault

En sortant de la prison de Saint-Maur, Jean-Claude Romand, 65 ans, a pris la direction de l'abbaye de Fontgombault (Indre). C'est là, à une heure de route de Châteauroux, que l'homme va passer, au minimum, les deux prochaines années de sa vie, sous liberté surveillée. Pourquoi une telle destination ? En 2018, un projet d'embauche chez Emmaüs avait été écarté lors des premières audiences statuant sur sa libération conditionnelle. Un an plus tard, le voilà donc dans un village de 250 âmes, au milieu d'une soixantaine de moines de la communauté traditionaliste de la congrégation de Solesmes, affirme Le Point.

Durant les vingt-six ans où il a été écroué, Jean-Claude Romand a débuté un cheminement spirituel qu'Emmanuel Carrère raconte dans L'Adversaire (P.O.L., 2000), le livre qu'il a consacré à l'affaire. Il cite notamment un témoignage rédigé par Romand lui-même pour les Intercesseurs, ces catholiques volontaires qui se relaient pour assurer une chaîne de prière ininterrompue : "L'épreuve de l'incarcération mais surtout celles du deuil et de la désespérance auraient dû m'éloigner définitivement de Dieu. Les rencontres d'un aumônier, d'une visiteuse et d'un visiteur qui savent merveilleusement écouter, parler simplement sans juger, m'ont sorti de l'exil que représente une souffrance indicible, coupant toute relation avec Dieu et le reste de l'humanité. Aujourd'hui, je sais que ces mains tendues providentielles ont été pour moi les premières manifestations de la grâce divine." 

Cette conversion est étayée par les témoignages de deux personnes qui avaient l'habitude de lui rendre visite pendant son incarcération. "De sa prison, Jean-Claude avait ainsi le sentiment d'appartenir à l'Eglise"raconte à Aleteia, un site d'actualités religieuses, Jean Delaunay, ancien chef d'état-major de l'armée de terre et membre des Equipes Notre-Dame, un mouvement catholique qui accompagne les couples dans leur cheminement spirituel. Selon Marie d'Amonville, autre visiteuse de l'ex-détenu, celui-ci est un catholique consciencieux : "Depuis tout ce temps, il prie une heure toutes les nuits. C'est d'ailleurs le seul moment calme pour pouvoir prier en prison."

Un quotidien le plus discret possible

Jean-Claude Romand a interdiction de remuer le passé. En effet, dans sa décision du 25 avril, la justice lui a ordonné de ne pas entrer en contact avec les victimes et les parties civiles et l'a banni des régions Ile-de-France, Bourgogne-Franche-Comté et Auvergne-Rhône-Alpes.

Dans la dernière décennie du XXe siècle, ce fait divers macabre avait fasciné la France. D'innombrables articles avaient été écrits, et le livre d'Emmanuel Carrère avait été adapté au cinéma par Nicole Garcia, avec Daniel Auteuil dans le rôle-titre.

Par conséquent, pour éviter un emballement médiatique, le faux médecin doit s'abstenir "de toute communication médiatique relative aux crimes pour lesquels il a été condamné". Il doit également "réparer en tout ou partie" les dommages qu'il a causés et "se soumettre à des mesures d'examen médical, de traitement ou de soins", selon le communiqué du parquet général.

Un homme sous étroite surveillance

Durant les deux prochaines années, Jean-Claude Romand va être placé sous surveillance électronique, avant d'être soumis pendant dix ans à des mesures d'assistance et de contrôle. Une dernière audience concernant les modalités de sa liberté conditionnelle a eu lieu mercredi 26 juin devant la chambre d'application des peines de la cour d'appel de Bourges (Cher). Il s'agissait notamment de fixer les "plages horaires" durant lesquelles il devait rester à son domicile, selon son avocat Jean-Louis Abad, qui a parlé d'"une sorte de pointage électronique à heure fixe".

Car après tant de temps derrière les barreaux, quel homme est devenu Jean-Claude Romand ? "J'ai tué tous ceux que j'aime mais je suis enfin moi", avait lâché le faux médecin pendant son procès, en 1996. Son ancien voisin de cellule, Patrick Guillemin, a confié dans l'émission "Complément d'enquête" que "cette distanciation entre ce qu'il était et ce qu'il avait fait, c'était impressionnant". L'ancien détenu dit avoir "vu des monstres, des vrais, des prédateurs, etc.", qui l'ont "moins impressionné à ce niveau-là".

En février, la justice avait d'ailleurs refusé la demande de liberté conditionnelle de Jean-Claude Romand. L'avocate des deux frères de Florence Romand avait estimé que des "doutes" persistaient "sur une personnalité qui reste troublante". "Les experts ne constatent pas de dangerosité criminologique, mais l'absence de danger n'est pas nécessairement un critère suffisant", avait-elle ajouté. 

"Il est menteur, il a manipulé et il continue de manipuler les gens qui vont le voir en prison, qui continuent de voir en lui quelqu'un d'extraordinaire, a estimé Emmanuel Crolet, l'un des frères de Florence Romand, vendredi sur franceinfo. C'est ce que nous, nous voyions en lui à l'époque, il y a trente ans en arrière. Je crois que le personnage n'a pas changé." 

Ce n'est pas l'avis de l'avocat de Jean-Claude Romand. Pour lui, son client "a fait preuve d'une culpabilité réelle, authentique" et "ne présente plus de risque de récidive".

Il a une pathologie, c'est certain. Mais il a évolué en vingt-six ans.

Jean-Louis Abad, avocat de Jean-Claude Romand

sur Europe 1

Du côté de la famille des victimes, cette libération ne passe pas. "Il y a un côté irréel, a témoigné Emmanuel Crolet sur RTL. Plus le temps passe, plus c'est un choc pour nous et plus c'est difficile de l'accepter, de l'imaginer pouvoir ne plus rendre de comptes du tout, surtout vis-à-vis de ce qu'il a fait, de ce qu'il a construit pendant des années en mensonges. Et de se dire que lui en a tué cinq, il n'a jamais regretté (…) et il peut se permettre de passer à autre chose."

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