: Témoignage "Personne ne s’est jamais mis à ma place" : greffée des deux bras aux Etats-Unis, Laura Nataf poursuit l'Assurance-maladie pour obtenir un remboursement
En 2007, Laura Nataf se réveille d'un long coma après un choc septique. En reprenant conscience, elle réalise qu'on l'a amputée des quatre membres. La jeune femme n'a alors que 19 ans et découvre la vie avec des prothèses. "Il n’y a pas de sensation, pas de toucher. Et il y a cet aspect très robotique, plastique. Le soir, quand j’allais dormir, je faisais charger mes prothèses comme on fait charger un téléphone", se souvient-elle. Elle parvient à continuer ses études, mais n’arrive pas à s’habiller ni à se laver seule. Elle doit aussi renoncer à avoir des enfants faute de pouvoir s’en occuper.
Laura entame alors des démarches pour être greffée en France, mais faute de donneuse et faute de financement elle finit par être radiée, en février 2016, de la liste d’attente pour recevoir un don. Sauf que pour Laura, l’attente est insupportable "surtout, dit-elle, quand on ne nous donne pas de délai d’attente, on nous dit juste vous êtes retirée des listes jusqu’à nouvel ordre".
"La sensation du chaud et du froid"
Un "rêve brisé" difficile à encaisser pour la jeune femme, mais quelques mois plus tard, avec l’aide d’un spécialiste français Laurent Lantieri, Laura reprend espoir : une clinique américaine accepte de réaliser sur elle une greffe des deux avant-bras. Les Américains trouvent en quelques mois une donneuse.
L’opération est un succès. Après quelques semaines de rééducation, Laura retrouve alors un peu de sa vie d’avant. Elle peut se doucher seule, conduire, travailler, et envisager à nouveau d’être mère. Elle retrouve aussi ses sensations : "Les premières fois où je me suis touché le visage, le corps, où j’ai pris la main de quelqu’un, où j’ai eu la sensation du chaud et du froid. Tout cela, je l’avais presque oublié. Même si avant j’arrivais à être une personne un peu heureuse, j’avais perdu de cette joie. Et je l’ai retrouvée grâce à la greffe", raconte Laura.
Un million de dollars
Mais après l'opération, viennent les problèmes financiers. La clinique américaine lui réclame plus d'un million de dollars de frais médicaux et d’hospitalisation. Mais qui doit régler la facture ? C'est l'objet du débat. Pour l’avocate de Laura, Me Valérie Sellam-Benisty, c'est à l'Assurance-maladie de Paris de payer, car la France ne lui a jamais "donné la possibilité d’être opérée dans les mêmes conditions" qu’aux États-Unis. Or, la loi prévoit que la France rembourse les soins dispensés à l’étrange lorsque les patients "ne peuvent recevoir en France les soins appropriés à leur état". Pour l’avocate, c’est exactement le cas de Laura.
Jointe par franceinfo, l’avocate de la Caisse primaire de l'Assurance-maladie (CPAM) de Paris estime au contraire que Laura a été "orientée vers un programme de recherche expérimental mené aux Hospices civile de Lyon". Mais, faute de preuves, cet argument a été rejeté en première instance. La CPAM a été condamnée à payer deux tiers de la facture, soit 600 000 euros environ. C’est désormais à la cour d’appel de trancher. Elle rendra sa décision le 10 mars prochain, a appris franceinfo jeudi 5 janvier auprès de Me Valérie Sellam-Benisty.
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