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Un ingénieur musulman a-t-il été victime de discrimination dans une centrale nucléaire ?

Le salarié d'un sous-traitant d'EDF s'est vu refuser l'accès à un site de Nogent-sur-Seine par la préfecture de l'Aube. Il a saisi le tribunal de Châlons-en-Champagne, qui a renvoyé lundi sa décision à la fin août.

Article rédigé par Jéromine Santo-Gammaire
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Un ingénieur musulman s'est vu retirer son autorisation d'accès aux centrales nucléaires où il travaillait.  (DIRK WAEM / BELGA / AFP)

Il espérait retrouver son autorisation, mais il devra encore attendre. Salarié depuis deux ans d'un sous-traitant d'EDF, un ingénieur de 29 ans s'est vu refuser en mars l'entrée à la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine. La préfecture de l'Aube a, en effet, donné un avis défavorable, sans justifier cette décision. Mais pour ce musulman pratiquant, pas de doute, il est victime de discrimination.

Défendu par le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), le technicien s'est engagé dans une bataille judiciaire pour sauver son emploi et contestait cette interdiction d'accéder à la centrale, lundi 18 août, en procédure d'urgence devant le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne. La décision a finalement été renvoyée à une audience collégiale devant se tenir à la fin août.

L'avis de la préfecture couvert par le secret-défense

Employé depuis 2012 dans son entreprise, cet ingénieur chef de projet, chargé de la maintenance des centrales nucléaires, avait pourtant obtenu l'autorisation d'accès les deux années précédentes. "Il ne s'est absolument rien passé entre 2013 et 2014, soutient l'avocat du plaignant. On ne nous a fourni aucun élément précis relatif au comportement de mon client qui le jugerait incompatible à l'accès aux centrales nucléaires. D'autant que, dans sa société, il s'agit d'un très bon élément, respecté." L'avocat critique le flou qui entoure la décision de la préfecture car l'avis défavorable, couvert par le secret-défense, n'a pas été motivé.

Dans son entreprise et sur son lieu de travail, tout le monde savait, que le jeune ingénieur était de confession musulmane. "Il pratique le ramadan, il demande les jours fériés pour les fêtes de l'Aïd et puis il porte un nom à consonance arabe..., détaille maître Sefen Guez Guez. Aujourd'hui, nous ne pouvons rien certifier, mais il est à craindre que l'atmosphère islamophobe qui règne en France ces derniers mois ait pu peser sur des agents de l’Etat vis-à-vis de mon client."

Au cabinet du préfet, on essaie de calmer les esprits : "Il va de soi que le préfet n'a pas émis un avis défavorable en fonction de critères de religion ou de race. On juge sur des éléments liés à la sécurité". L’avocat de l’ingénieur n'a pas connaissance de cas similaires par le passé. Et s'il y a déjà eu des pertes d'habilitation pour certains salariés d'autres prestataires travaillant sur des sites sensibles, elles s'expliquent par des condamnations pénales. "Mais mon client a un casier vierge, martèle l'avocat de l'ingénieur musulman. Ce n'est pas un délinquant !”

Une précédente interdiction annulée en juin

"On ne demande pas que les explications soient rendues publiques, ajoute-t-il. Mais on veut que la personne concernée et ses avocats puissent les connaitre afin de pouvoir en débattre."

Depuis une loi de novembre 2001, c’est la personne qui s’estime victime de discrimination qui doit en apporter les preuves concrètes. Puis, c'est au tour du responsable désigné de prouver que la décision prise repose sur des éléments objectifs et non-discriminatoires.

En juin, le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne avait annulé une première fois l'interdiction frappant l'ingénieur, estimant qu'il y avait "un doute sérieux sur la légalité de la décision" puisque "ni EDF, ni le préfet de l'Aube n'ont précisé quelles caractéristiques justifiaient l'interdiction d'accès". Mais depuis, il s'est à nouveau vu refuser l'accès à la centrale de Nogent-sur-Seine, qui se référait à l'avis préfectoral. Si la préfecture refuse à nouveau de s'expliquer, son avocat pense que le tribunal lui donnera à nouveau gain de cause.

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