Les locataires, grands gagnants de la loi Duflot ?
Avec son projet de loi, dont l'examen débute à l'Assemblée, la ministre du Logement veut redonner du pouvoir d'achat aux ménages en faisant baisser les loyers.
Le logement, "un bien de première nécessité". Avec ce credo, Cécile Duflot affirme vouloir redonner du pouvoir d'achat aux ménages en mettant sur pied "un système régulé". Le projet de loi de la ministre pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) est examiné, à partir de mardi 10 septembre, par les députés.
Les locataires sont présentés comme les grands gagnants de cette réforme. Au-delà des mesures destinées à lutter contre les marchands de sommeil, qui font consensus, Le Figaro estimait, lundi 9 septembre, que la ministre partait "en guerre contre les propriétaires". Francetv info a décrypté les principales mesures et pesé le pour et le contre, si le projet est adopté en l'état.
Des loyers mieux encadrés
Dans les agglomérations de plus de 50 000 habitants, le propriétaire ne pourra plus fixer librement le montant d'un loyer. Il devra se référer à un loyer médian par quartier, calculé par des observatoires locaux. Il ne pourra pas le dépasser de plus de 20%. En cas de litige, le locataire pourra contester son loyer dans les trois mois suivant la signature du bail, à l'amiable, puis si besoin devant le juge.
Le plus : des loyers en baisse. La mesure devrait faire chuter les prix à la location, selon Cécile Duflot. En région parisienne, la référence à ces médianes doit ainsi entraîner une baisse de 26% des loyers, d'après la ministre. La mesure devrait également favoriser la mobilité des locataires qui louent aujourd’hui au-dessus ou au niveau du loyer de marché. Ils pourront théoriquement trouver moins cher ailleurs.
Le moins : une régulation à double tranchant. Selon la Confédération nationale du logement (CNL), cet encadrement "est inflationniste. On va assister à majoration de 20%, et les loyers qui étaient bas jusque-là, vont grimper, pour rejoindre le niveau médian", estime son président, Eddie Jacquemart, interrogé par francetv info. "Alors que les locataires éprouvent les pires difficultés à trouver un logement, ils ne se risqueront pas à mener une action en justice pour réclamer une baisse de leur loyer. C'est donc un frein."
Et pour les propriétaires ? La Fondation des promoteurs immobiliers (FPI) et la Fédération nationale de l'immobilier (Fnaim) estiment que ces contraintes vont pousser les propriétaires à ne plus investir, avec pour conséquence un ralentissement des constructions destinées à la location. Un argument repris par l'UMP et notamment l'ancien ministre du Logement Benoist Apparu : "Qui construit les logements? Les investisseurs. Or, si on baisse la rentabilité locative, on les pousse à désinvestir", prévient-il dans le JDD.
Des frais d'agence en baisse
Le plus : une économie. Terminés les frais d'agence correspondant à un mois de loyer payés par le locataire. Selon le projet de loi, ce dernier ne paiera que pour deux actes : l'état des lieux et la rédaction du bail.
Le moins : d'autres frais pour compenser ? Si la CNL salue la mesure, elle reste vigilante. "Les agences imaginent déjà la parade, et vont récupérer cette perte sur d'autres facturations de frais." La confédération prend l'exemple des frais de relance en cas d'impayés. Interdits, ils sont pourtant régulièrement réclamés au locataire.
Et pour les propriétaires ? Si le locataire ne paye que l'état des lieux et la rédaction du bail, "tout le reste des frais de location sera à la charge du bailleur", notent les Echos. "C'est une mauvaise répartition, déplore Jean-François Buet, président de la Fnaim, dans le quotidien économique. C'est vrai que les frais sont aujourd'hui trop liés au loyer, mais la solution était de plafonner les frais, en les forfaitisant et en les répartissant à égalité entre locataire et bailleur."
Une garantie universelle des loyers
Le plus : un accès plus facile à la location. Avec la mise en place de la garantie universelle des loyers (GUL), le propriétaire sera certain de toucher son loyer, même en cas de non-paiement par le locataire. Les locataires qui offrent peu de garanties pourraient plus facilement trouver un logement.
Pour financer ce dispositif, le gouvernement prévoit de ponctionner 1,5% à 2% du montant du loyer tous les mois. Une somme payée à moitié par le propriétaire et le locataire. La GUL sera gérée par un établissement public et représentera, selon le gouvernement, un coût annuel de 400 à 700 millions d'euros.
Le moins : le locataire mis à contribution. Jusqu'à présent, l'assurance loyers impayés n'était financée que par le propriétaire. Avec cette réforme, ces derniers sont toujours les seuls à en bénéficier, mais avec la participation du locataire. "On remplace un système privé par un système public payé par le locataire. C'est injuste. Et mis à part un accompagnement social, le locataire reste expulsable et soumis à des poursuites", estime Eddie Jacquemart.
Et pour les propriétaires ? La mesure fait peur. Car, en prévoyant ce fonds de garantie financé par les locataires et les propriétaires, ces derniers estiment qu'il existe un risque réel de déresponsabilisation. "Certains [locataires] seront tentés de ne plus payer leur loyer puisqu'une assurance publique le fera pour eux", analyse Gilles Carrez, président de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Selon lui, le système a également toutes les chances de déraper et coûter plus cher que prévu. Gilles Carrez l'évalue, dans le Figaro (article payant), à 1,5 milliard d'euros.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.