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"Thérapies de conversion" : une loi peut "décourager" ces pratiques voire permettre "des suites judiciaires"

On pensait que ces thérapies visant à "guérir" les personnes LGBT+ de leur orientation sexuelle n'existaient qu'aux États-Unis. Le journaliste Jean-Loup Adénor a démontré dans un livre que c'était bien un phénomène français également.

Article rédigé par franceinfo
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Religion catholique (illustration). (AURELIEN MORISSARD / MAXPPP)

Les "thérapies de conversion", qui visent à imposer l'hétérosexualité aux personnes lesbiennes, gays, bi et trans, utilisent des méthodes qui s'apparentent "à de la violence psychologique ou physique", a dénoncé mercredi 29 septembre sur franceinfo Jean-Loup Adénor, journaliste et coauteur de Dieu est amour, une enquête publiée chez Flammarion, pour laquelle il s’est infiltré au sein de l'association évangélique Torrents de Vie. Ce phénomène est en progression en France, a-t-il assuré alors qu'une proposition de loi pour condamner ces pratiques arrrive à l'Assemblée en commission mercredi. Elle pourrait "effectivement décourager, voire donner effectivement des suites judiciaires à ce type de pratique".

franceinfo : Ces groupes existent et progressent en France. C'est ce que vous avez constaté dans votre enquête ?

Jean-Loup Adénor : Absolument, quand on a rendu notre enquête en 2019, on s'est rendu compte que ça faisait 20-25 ans que le phénomène progressait en France. Et quand on a fait cette enquête, à l'époque, le phénomène était considéré comme un phénomène exclusivement américain qui n'existait pas en France. Notre enquête a démontré que c'était bien un phénomène français également et qu'il y avait des victimes en France aussi.

On sait combien de personnes en sont victimes ?

Aujourd'hui, il n'existe aucune étude qui permette de dire combien de groupes font ça en France. Ce qu'on sait, c'est que l'un des principaux groupes que j'ai infiltré, Torrents de Vie, a essaimé en France ces dernières années. Et, après cette enquête, ces groupes continuent d'exister et continuent de pratiquer leur "thérapie".

Vous vous êtes infiltrés sous une fausse identité. Quelles sont les pratiques que vous avez constatées ?

C'est un mélange entre de la pseudo-psychologie et des pratiques spirituelles de type prière ou exorcisme. En réalité, ces groupes jouent beaucoup sur la douleur, sur la souffrance que traversent les personnes homosexuelles en essayant de leur proposer un chemin de guérison. On va essayer d'aller chercher dans l'enfance une blessure qui expliquerait le moment où la personne a dévié de la scène hétérosexualité pour tenter de la ramener vers une orientation sexuelle convenable aux yeux de ces personnes. Et puis, évidemment, il y a des enseignements, de la prière et parfois, effectivement, ça peut aller plus loin. Ce qui a changé, c’est que les victimes prennent la parole et qu'elles expliquent aujourd'hui très bien ce qu'elles traversent. C'est effectivement une forme de violence psychologique, parfois même physique. Quand on a commencé ce travail d'enquête, c'était très difficile de trouver des victimes qui acceptaient d'en parler. Mais ça permet aussi de rappeler aux groupes qui pratiquent cette pseudo-thérapie que ce qu'elles font s'apparente à de la violence psychologique ou physique.

Ce sont souvent les familles, l'entourage qui poussent leurs proches à aller dans ce type de groupes ?

On a ce cliché en tête, un cliché un peu américain, des jeunes qui sont envoyés par leurs parents.

"Ce que j'ai constaté, c'est que ce sont des gens plus âgés, des quadragénaires, des quinquagénaires qui sont en difficulté avec leur orientation sexuelle depuis très longtemps et qui sont souvent volontaires."

Jean-Loup Adénor, journaliste

à franceinfo

C'est ça qui est terrible et qui est très frappant dans ces groupes français. En revanche, je sais que le collectif Rien à guérir, qui défend l'interdiction de ces thérapies, reçoit beaucoup de témoignages et qu'on se rend compte qu'il y a aussi des gens concernés qui sont jeunes.

Le pape François avait provoqué un tollé, en expliquant qu'on pouvait recourir à la psychiatrie lorsqu'un jeune enfant présentait des tendances homosexuelles. Est-ce que ça veut dire que l'Église catholique croit encore que l'homosexualité est un choix ou une tare ?

L'Église est très mal à l'aise avec ce sujet. Il y a deux courants au sein de l'Église qui s'affrontent. Je pense que la question les met effectivement mal à l'aise. Je sais que c'est le cas de beaucoup de victimes qui sont catholiques, ou qui ont été catholiques et qui demandent à ce que l'Église prenne clairement la parole sur ce sujet. À ce jour, on sait très bien qu'ils sont au courant du phénomène puisque nous-mêmes, nous les avons contactés et que Rien à guérir fait le travail également. En revanche, une parole forte, une parole claire sur ces questions n'a pas encore été prise et je pense que ce serait tout à leur honneur.

Cette proposition de loi aujourd'hui devant les députés, ça peut aider ?

Ça peut aider, les victimes nous le disent. Elles nous disent que ça revêt d'abord une valeur symbolique, c'est-à-dire reconnaître le traumatisme qu'elles ont subi, de reconnaître que cette pratique est une pratique dangereuse. Et puis, ça peut effectivement décourager, voire donner effectivement des suites judiciaires à ce type de pratique.

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