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Viols "correctifs", médicaments, isolement... les ravages des "thérapies de conversion" pour homosexuels

Les pratiques répandues dans toutes les régions du monde sont "très courantes" en Afrique, selon une étude de l'ONU.

Article rédigé par Eléonore Abou Ez
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 3 min
Le drapeau arc-en-ciel lors de la marche des fiertés à Durban, en Afrique du Sud, en juin 2018. Photo d'illustration (RAJESH JANTILAL / AFP)

Dans un rapport exhaustif présenté au Conseil des droits de l'Homme début juillet, Victor Madrigal-Borloz, expert indépendant de l'ONU sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre, dénonce les pseudo "thérapies de conversion" présentes dans toutes les régions du monde. Ces pratiques sont "très courantes" en Afrique où l'homosexualité est souvent punie par la loi

Qu'est-ce qu’une "thérapie de conversion" ?

La "thérapie de conversion", dite parfois "thérapie réparatrice", n'a évidemment rien de scientifique. Elle se base sur de fausses croyances selon lesquelles l'orientation sexuelle et l'identité de genre d'une personne peuvent ou devraient être changées lorsqu'elles ne correspondent pas aux normes. Ces pratiques existent dans une soixantaine de pays, y compris en France, et sont le plus souvent proposées par des milieux religieux. Si les appellations et les méthodes changent, le but est le même : en finir avec l'homosexualité considérée comme une tare.

Ces pratiques sont dégradantes et discriminatoires. Elles font croire que les personnes LGBT sont en quelque sorte inférieures et qu'elles doivent à tout prix modifier leur orientation sexuelle

Victor Madrigal-Borloz, expert de l'ONU sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre

Prières ou électrochocs

Proposées à la fin du XIXe siècle pour "guérir" l'homosexualité, considérée à l'époque comme une maladie mentale, les prétendues "thérapies de conversion" perdurent aujourd'hui encore et se pratiquent de manière diverses et variées. Isolement, prières, jeûnes, médication, mais aussi coups, électrochocs, nudité forcée et même des viols, comme le souligne le rapport de l'ONU. Toutes ces méthodes sont souvent clandestines, mal identifiées et pratiquées de force. 

Il s’agit d’une violation flagrante des droits à l’intégrité physique, à la santé et à la libre expression de l'orientation sexuelle et de l'identité de genre d'une personne

Victor Madrigal-Borloz, expert de l'ONU sur l'orientation sexuelle et l'identité de genre

Viols "correctifs"

Parmi les méthodes les plus choquantes, le rapport cite les viols dits "correctifs" ou punitifs de jeunes filles ou de femmes lesbiennes. Ils ont lieu notamment dans des pays d’Afrique où les "thérapies de conversion" sont très courantes.

Au Mozambique, par exemple, ces viols sont organisés par les familles et la communauté. Le phénomène est également bien connu en Afrique du Sud qui reconnaît l'union de deux personnes du même sexe. Un paradoxe flagrant dans ce pays qui interdit dans sa Constitution toute discrimination sur des critères d'orientation sexuelle.

Coalition religieuse pour une sexualité "correcte"

La plupart des méthodes pratiquées en Afrique sont proposées par des chefs traditionnels et religieux. Il arrive même que ces derniers s’associent pour aider les membres "égarés" de leur communauté.

Au Ghana, des organisations chrétiennes, musulmanes et traditionalistes ont formé, selon des témoins, une coalition pour expliquer ce qu'elles considèrent comme une sexualité "correcte" et proposer des "thérapies de conversion", notamment dans un hôpital universitaire à Accra.

Selon le rapport, il existe au Kenya et en Somalie des "centres de réadaptation", où les personnes homosexuelles reçoivent une éducation islamique et sont, entre autres, battues et privées de nourriture.

Vers une interdiction ? 

Le rapport qui pointe du doigt les dérives de ces "thérapies de conversion" demande explicitement leur interdiction. Elles existent dans toutes les régions du monde et très peu de pays ont une loi qui sanctionne ces pratiques aux effets dévastateurs. En mars 2018, le Parlement européen a adopté à une large majorité un texte non-contraignant appelant les Etats membres à les interdire. 

En Afrique, la dépénalisation de l'homosexualité serait déjà un premier pas pour en finir avec les pratiques discriminatoires, comme ces "thérapies de conversion". Plus de la moitié des pays de la région disposent encore de législations interdisant ou réprimant l'homosexualité.

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