Sexe, infidélité, mariage : la génération Y est plus romantique que vous ne le pensez
Francetv info a confronté les clichés qui collent à la peau des 15-34 ans avec les résultats d'une enquête d'ampleur réalisée sur le web.
Comment les 15-34 ans vivent-ils l’amour et leur sexualité ? A l’occasion de la grande enquête "Génération Quoi ?" lancée par France 2, francetv info a confronté les clichés qui collent à la peau de la fameuse génération Y aux résultats de la consultation menée depuis le 19 septembre sur le web.
Sexualité, rapport au porno ou à l’institution du mariage : Florence Maillochon, sociologue au CNRS et spécialiste de la sexualité des jeunes, décrypte des chiffres qui dressent le portrait d'une génération plus fleur bleue qu'on ne le pense.
Pas obsédés par le porno
Génération Y comme YouPorn ? Il paraîtrait que la sexualité des 15-34 ans est imprégnée par la pornographie. Il faut dire que pour cette génération, trouver de quoi s'occuper tout(e) seul(e) une fois les lumières éteintes n'est pas un problème. Eux qui ont grandi entourés d'ordinateurs reliés à internet savent sans problème dénicher en un clin d'œil des contenus pornos sur des clones de YouTube, et ont du mal à imaginer l'époque où des cassettes VHS s'échangeaient sous le manteau avec des fausses étiquettes pour tromper les parents.
Les chiffres de l'étude "Génération Quoi ?" montrent que les 15-34 ans ont bien un rapport à la pornographie plus décomplexé que leurs aînés. 38% des membres de cette classe d'âge ayant répondu considèrent qu'il s'agit "d'un plaisir solitaire", contre 19% à juger qu'il s'agit d'une "forme de perversion". Chez les 35 ans et plus, ce rapport est beaucoup plus équilibré : 29% trouvent le porno "dégoûtant", quand 28% assument sans sourciller un plaisir "intime".
Claire*, 27 ans, explique ainsi aller sur des sites pornographiques "environ une fois par semaine". "J"aime regarder des vidéos où l'on voit ce que j'aime bien faire 'en vrai', mais aussi des trucs que je sais que je ne ferai jamais, comme des scènes de groupes, ou lesbiennes." De son côté, Aurore, 25 ans, va sur YouPorn "environ deux fois par mois" pour y trouver des vidéos "qui relèvent du fantasme". "Je n'en regarde jamais avec mon mec, mais ça ne nous empêche pas d'en parler sans problème", explique-t-elle dans un sourire.
Axel, 27 ans, a lui une consommation plus importante : chaque jour, il se rend sur des sites de streaming gratuit ("principalement Tube8"), quand il ne télécharge pas carrément des films entiers sur des sites de peer-to-peer, comme The Pirate Bay.
Cette consommation décomplexée est-elle inquiétante pour la vie sexuelle de cette jeune génération ? Pas du tout, assure Florence Maillochon. "Cette génération a certes été biberonnée au porno, mais elle a aussi reçu une véritable éducation à l'image, décrypte la sociologue. Ils font bien la distinction entre pornographie et sexualité. Les résultats de l'enquête montrent d'ailleurs bien que ce n'est pas parce que tout le monde en a vu et revu que le porno fait l'unanimité."
Mariage, fidélité et famille font de la résistance
Le mariage ? Les 15-34 ans n’y croiraient plus. La génération de leurs parents a massivement divorcé (30 182 divorces prononcés en France métropolitaine en 1960, contre 152 020 en 2005, selon l'Insee), et eux préfèrent les relations vécues au jour le jour à l’engagement devant monsieur le maire.
Si Axel ne se reconnaît pas vraiment dans ce qu'il juge être un "contrat pour la vie qui ne [lui] convient pas", une bonne partie des membres de sa génération voit le mariage d'un bon œil. 41% des 15-34 ans qui ont répondu à l'enquête jugent ainsi que le mariage est "un rêve, et la meilleure manière de prouver à son partenaire qu'on l'aime vraiment". Mieux : 64% d'entre eux jugent qu'ils ne pourraient pas être heureux sans fonder une famille, et 72% se disent choqués lorsqu'une personne en couple drague quelqu'un d'autre.
Des chiffres qui ne surprennent pas Florence Maillochon. "Le mariage a changé de sens depuis quarante ans, explique-t-elle. Il relève du choix d'un engagement profond vis-à-vis de son partenaire et plus d'une pression des parents, comme par le passé. Du coup, il est devenu pour certains associé à l'amour durable."
Voire à une forme de rébellion vis-à-vis de la génération précédente. "Le mariage est parfois considéré comme un talisman. On sait qu'il y en a beaucoup qui se terminent en divorce, mais on se convainc que ça ne sera pas le cas pour son couple, explique la sociologue. C'est presque une superstition : on se répète qu'on se marie différemment de nos parents, qu'on le fait seulement par amour et pas par pression familiale, et qu'on fera mieux qu'eux."
Des coucheries d'un soir pas plus nombreuses, mais mieux acceptées
Enfants d’une société où l’individualisme a pris le pas sur la collectivité, les 15-34 ans se soucieraient d’abord de leur plaisir personnel, y compris en matière de sexe. Ils n'hésiteraient pas à ramener dans leur lit leurs conquêtes d'un soir, et seraient adeptes des "plans cul", ces coucheries régulières et sans engagement.
Sur ce sujet, la fameuse génération Y n'est pas à un paradoxe près. Elle voit d'un œil positif les relations sans lendemain (61% des 15-34 ans interrogés jugent qu'il ne s'agit que "d'une rencontre qui se termine au lit, sans prise de tête"), tout en assurant ne pas être plus adepte des "coups d'un soir" que ses aînés (34% des 15-34 ans ayant répondu à l'enquête affirment avoir déjà couché avec un(e) inconnu(e), exactement comme les 34 ans et plus).
Aurore raconte ainsi avoir rencontré "un pompier en boîte, il y a quelques années". "On a échangé trois pauvres mots, puis on s'est galochés toute la soirée. Le lendemain, on s'est revus chez lui, en banlieue parisienne", raconte la jeune femme. "On a couché ensemble, mais ça ne m'a pas franchement laissé un souvenir impérissable !" continue-t-elle dans un éclat de rire.
En assumant publiquement une coucherie, Aurore serait une exception, à en croire Florence Maillochon. "Il y a eu une vraie libération sexuelle, notamment chez les femmes (...). Elles ont aujourd’hui des pratiques plus libres qu’il y a 40 ans : plus de partenaires durant leur vie, plus de relations sans conséquences… Mais tout cela reste difficile à dire, explique la sociologue. J'ai le sentiment que le conservatisme sur le couple et la sexualité évolue moins rapidement que les pratiques."
Un paradoxe que la spécialiste explique par une difficulté à se situer par rapport à la génération précédente. "Il est facile de se construire lorsque les parents sont très conservateurs, ce qui est rarement le cas pour les 15-34 ans d'aujourd'hui", continue la chercheuse au CNRS. "Cela donne une génération pleine de contrastes : un peu fleur bleue sur certaines valeurs, et un peu trash lorsqu'elle considère l'amour comme un produit que l'on consomme."
* Les prénoms ont tous été modifiés
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