Cet article date de plus de sept ans.

L'article à lire pour comprendre les débats sur le combustible nucléaire mox

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 10min
Des employés de la centrale nucléaire de Takahama (Japon) déchargent une cargaison de MOX, le 27 juin 2013, en provenance de la France. (TAKASHI OZAKI / YOMIURI)

Le groupe Areva va livrer plusieurs tonnes de mox au Japon. A chaque convoi, les groupes écologistes dénoncent le transport de ce combustible nucléaire qui contient du plutonium, très radioactif. Explications.

A chaque convoi de mox, les écologistes grincent des dents. Le groupe français Areva est le seul à fabriquer ce combustible nucléaire, qui mélange uranium et plutonium. Huit tonnes doivent être acheminées de La Hague à Cherbourg (Manche) dans la nuit du mercredi 5 au jeudi 6 juillet, avant d'être expédiées par bateau vers le Japon. Ces trajets sont traditionnellement confidentiels et placés sous haute protection, mais selon les informations de l'ONG Greenpeace, les camions blindés circuleront dans le Cotentin dans la nuit de mardi à mercredi. Le chargement sera effectué mercredi matin et "les bateaux devraient quitter le port de Cherbourg dans la soirée". Franceinfo revient sur les enjeux de ce débat.

1Qu'est-ce que le mox ?

Les réacteurs à eau des centrales nucléaires fonctionnent traditionnellement avec de l'uranium enrichi. Et lors du procédé d'enrichissement, une quantité d'uranium appauvri est également produite. Areva l'entrepose. Pour ne rien gaspiller, cet uranium 235 appauvri est ensuite utilisé, ou en quelque sorte recyclé, pour produire un autre combustible : le mox, abréviation de "mixed oxides" en anglais (ou de "mélange d'oxydes" en français). Il est composé de 93 à 91% d'uranium appauvri et de 7 à 9% de plutonium, un élément chimique récupéré après un retraitement chimique des combustibles ordinaires déjà irradiés. "Cela permet d'obtenir les mêmes réactions de fission qu'avec l'uranium enrichi, explique Bernard Laponche, physicien nucléaire et consultant pour l'énergie, contacté par franceinfo. Mais ensuite, le plutonium est un corps dangereux par sa radioactivité." Au final, le combustible mox est effectivement beaucoup plus radioactif (plusieurs milliers de fois plus radioactif, disent les spécialistes) que le combustible classique (uniquement composé d'uranium enrichi). 

  (IRSN)

2Comment est-il fabriqué ?

Cinq phases sont nécessaires pour fabriquer le combustible mox, détaille le groupe Areva. Des poudres d'oxyde d'uranium appauvri sont d'abord mélangées à des poudres d'oxyde de plutonium et à de la chamotte, de l'argile. Ce mélange est ensuite compacté en pastilles, lesquelles sont cuites à 1 700 °C pendant 24 heures, selon un processus similaire à la production de céramique (frittage). Le diamètre de ces pastilles est alors rectifié au micron près (rectification), puis celles-ci sont versées dans des tubes en alliage de zirconium (gainage), que l'on appelle les "crayons". Ceux-ci sont finalement insérés dans un squelette métallique (assemblage), avant d'être chargés dans des emballages de transport et livrés au client.

3Où est produit ce combustible ?

L'uranium appauvri provient notamment de l'usine du Tricastin (Drôme et Vaucluse), et le plutonium est obtenu lors du retraitement des combustibles usés, effectué sur le site de recyclage de La Hague (Manche). Le mox est fabriqué dans l'usine Areva Melox, implantée sur le site nucléaire de Marcoule (Gard). Le combustible est alors réexpédié vers La Hague. De là, il est chargé sur des camions qui parcourent 18 kilomètres sous escorte, jusqu'au port de Cherbourg. Les emballages de transport sont ensuite chargés sur des bateaux équipés d'armes militaires, avant de prendre la route du Japon pour 65 jours de mer. Au total, la filière mox fait travailler 5 000 personnes à La Hague et 1 300 personnes à Marcoule, selon Areva.

Vue générale du site nucléaire de Marcoule (Gard), qui comprend également l'usine Areva Melox, le 8 juillet 2009. (SEBASTIEN NOGIER / REUTERS)

Plus de 5 000 assemblages ont été produits depuis le démarrage de l'usine de recyclage Areva Melox, en 1995. Selon Areva, un assemblage mox permet d’alimenter en électricité une ville de 100 000 habitants pendant un an.

4Selon Areva, quels sont ses avantages ?

Toujours selon le groupe, le "recyclage", permet d'économiser jusqu'à 25% d'uranium naturel (dont les combustibles classiques sont constitués à 100%) et de diviser la radioactivité des déchets par 10. "L’introduction progressive du combustible MOX dans les réacteurs d’EDF depuis 1987 est souvent présentée comme une substitution positive", résume cet article (par ailleurs critique) de l'association scientifique Global Change. De plus, isoler et "recycler le plutonium, extrait lors du retraitement des combustibles UO2 revient donc à réduire l’activité du déchet que constituerait le combustible 'usé' laissé en l’état".

Le groupe Areva se targue même de recycler du plutonium d'origine militaire. En 2003, explique le groupe, quatre assemblages combustibles ont été fabriqués à partir de plutonium issu de l'arsenal militaire américain.

5Qui achète le mox ?

"Ce MOX est à destination du réacteur nucléaire de Takhama n°4", croit savoir Greenpeace. C'est le sixième transport de combustible mox vers le Japon depuis 1999, mais le drame de Fukushima, en 2011, a marqué l'opinion publique locale. A l'occasion de ce nouveau convoi, plusieurs associations japonaises ont d'ailleurs prévu de rédiger un courrier au groupe Areva, pour exprimer leur mécontentement. Au fil du temps, le nombre des clients étrangers d'Areva s'est réduit. Le Japon, l'Allemagne et la Belgique reçoivent encore du mox d'Areva, mais ces pays n'envoient plus de combustibles à retraiter au groupe industriel. La Suisse, elle, ne reçoit plus de mox.

"Nous sommes indignés. Les réacteurs ont redémarré au Japon, alors que les conditions de sécurité ne sont pas remplies, déplore Yûki Takahata, de Yosomono-net, une association japonaise anti-nucléaire. A chaque fois, Areva essaie de passer en force, contre la volonté de la population", dénonce-t-elle à franceinfo. Les associations ont écrit à quatre reprises à Areva Japon pour demander l'arrêt des importations de mox, mais sans réponse, selon elle.

6Pourquoi Areva fabrique-t-elle encore du mox ?

La France a produit du mox au plutonium pour alimenter les surgénérateurs de type Phénix, une filière aujourd'hui éteinte. "Mais nous avons continué à retraiter et à produire du plutonium à La Hague, afin d'utiliser ce combustible pour les réacteurs à eau", précise Bernard Laponche, physicien nucléaire et consultant pour l'énergie, contacté par franceinfo. Des pays comme l'Allemagne ou le Japon ont envoyé en France des combustibles irradiés à retraiter. En vertu du traité de non-prolifération, impossible de renvoyer ce plutonium, une fois traité. "Une trentaine de tonnes de plutonium sont entassées sur les étagères de La Hague", ajoute Bernard Laponche. Areva utilise donc ces stocks pour produire du combustible, avant de le réexporter.

7Le mox a-t-il un avenir ?

"Le mox n'a aucun intérêt sur un plan économique, tranche Bernard Laponche. Il est censé remplacer l'uranium 235, mais celui-ci n'est pas cher actuellement." Aujourd'hui, en France, une vingtaine de réacteurs fonctionnent au mox, dont les plus anciens, de 900 MW, à l'image des quatre réacteurs de la centrale du Blayais (Gironde). Ce qui pose question à moyen terme, quand ils arriveront en fin de vie. "La fabrication est plus chère, il faut payer le retraitement et introduire ce nouveau combustible pour des réacteurs nucléaires à eau. Or le MOX est plus radioactif et plus chaud que les combustibles ordinaires, ce qui complique les affaires pour le fonctionnement des réacteurs."

L'enfouissement pose également des problèmes. "Avec 150 ans de refroidissement, les mox dissipent encore 2,9 fois plus d’énergie que les UO2 [uranium enrichi] à 60 ans", estime cette étude de Global Chance. Il faut donc augmenter la masse des conteneurs lors de l'enfouissement, pour ne pas détériorer les performances de la roche d'accueil.

8De tels convois sont-ils risqués ?

Un tel convoi maritime n'a rien d'anodin. "Le Pacific Egret et le Pacific Heron, 'armés jusqu'aux dents', sont sur le départ de Barrow-In-Furness, en Angleterre, pour venir à Cherbourg", explique Greenpeace, en évoquant les deux bateaux chargés d'acheminer les emballages au Japon. Le mox représente un risque réel s'il est capturé par un tiers. "Quelqu'un qui s'emparerait d'un combustible mox pourrait séparer le plutonium par une réaction chimique", estime Bernard Laponche, et envisager un "développement militaire". Le physicien s'interroge donc sur la sécurité du convoi qui va passer 65 jours en mer, alors que certaines zones sont frappées par la piraterie.

L'association Robin des bois met en cause "la capacité des modestes navires de la Pacific nuclear Transport Ltd à résister aux cyclones, aux tsunamis et aux missiles nord-coréens". Mais lors de précédents convois, Areva avait assuré qu'il était "quasi-impossible" de fabriquer une bombe avec ce type de plutonium. Le groupe préférait mettre en avant "la grande robustesse des emballages" contenant le mox.

9J'ai eu la flemme de tout lire jusqu'au bout, vous me faites un résumé ? ;)

Le groupe Areva achemine un nouveau convoi de mox depuis l'usine de La Hague, à destination du Japon, son sixième depuis 1999. Il s'agit d'un combustible marqué par la présence de plutonium, un élément chimique extrêmement dangereux et radioactif. Conçu pour l'ancienne génération des surgénérateurs français, il est toutefois utilisé dans certains réacteurs à eau, avec quelques adaptations.

Areva est quasiment le seul à le fabriquer au monde, mais ses clients sont de moins en moins nombreux. Selon le groupe français, ce combustible a pour intérêt de recycler une partie de l'uranium naturel. A l'inverse, de nombreuses ONG écologistes estiment que l'intérêt économique d'une telle opération est un leurre, en raison de coûts supplémentaires de fabrication et de stockage. Ils insistent sur la dangerosité de son transport, car le plutonium peut être utilisé pour des développements militaires. Areva, lui, récuse ce risque.

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