Alain Finkielkraut chassé de Nuit debout : la polémique en cinq actes
Le philosophe a été chahuté lors de son passage place de la République, samedi soir. Le service d'ordre de Nuit debout affirme qu'il n'a pas été expulsé.
"Ces faits sont regrettables, tout le monde peut participer au débat." Myriam El Khomri s'est indignée sur France Info, lundi 18 avril, après qu'Alain Finkielkraut a été pris à partie lors de son passage à la Nuit debout, samedi soir. Le philosophe a été chassé de la place de la République sous les insultes. Un incident qui a provoqué de vives réactions au sein de la classe politique et sur les réseaux sociaux. Francetv info revient sur cette polémique en cinq actes.
Acte 1 : Alain Finkielkraut est expulsé de la Nuit debout
Sa sortie a été très remarquée. Venu écouter les débats de la Nuit debout, Alain Finkielkraut a été invité à "se casser" de la place de la place de la République, samedi 16 avril. Le philosophe est parti sous les insultes et les huées, mais pas avant d'avoir perdu son sang froid.
Traité de "fachiste", Alain Finkielkraut a répliqué en traitant les militants de "fachos". "Gnagnagnagna, pauvre conne ! a-t-il ensuite hurlé à une femme. Des coups de latte, qu'il te faut !" Le philosophe, dont la colère a été filmée par une militante, s'est ensuite défendu : "Ça va, je me fais insulter, je peux répondre aussi. Je suis quand même un être humain, non ?"
"J'ai été expulsé d’un mouvement, d’une place, où doit régner la démocratie et le pluralisme. Donc cette démocratie, c’est des bobards, ce pluralisme, c’est un mensonge, a encore estimé Alain Finkielkraut, interrogé par le site le Cercle des volontaires quelques instants après son éviction. D’autant que je ne venais que pour écouter, même pas pour intervenir ou faire valoir mes idées. Mais on a voulu purifier la place de la République de ma présence."
Acte 2 : le monde politique prend sa défense
Plusieurs membres de la classe politique se sont offusqués de la façon dont Alain Finkielkraut a été traité lors de son passage place de la République. "Haine et intolérance, les participants à Nuit debout montrent leur vrai visage en insultant et expulsant Alain Finkielkraut", juge le député Eric Ciotti sur Twitter. "Place de la République, on dénonce la discrimination, la précarité et l’oligarchie, on prône l’humanisme, le dialogue et une nouvelle démocratie mais dans un entre-soi que rien ne saurait venir perturber", a ajouté l'élu du parti Les Républicains dans un communiqué.
Plusieurs élus de gauche ont eux aussi critiqué les insultes lancées au philosophe. "Je condamne absolument l'accueil qui lui a été réservé, a déclaré la ministre de l'Education nationale, Najat Vallaud-Belkacem, sur le plateau de BFMTV. Je ne suis pas toujours d'accord avec ce que dit Alain Finkielkraut, mais je me battrai toujours pour qu'il puisse le dire. J'estime que la place de la République doit être accessible à tout un chacun."
La journaliste Caroline Fourest, qui a reconnu être "très souvent" en désaccord avec Alain Finkielkraut, a elle aussi condamné l'attitude des militants de Nuit debout. "Le poursuivre en lui disant de 'dégager', en l'instultant et en l'intimidant physiquement, juste parce qu'il traverse la place de la République et veut écouter par lui-même, ce sont des pratiques de salauds", a-t-elle affirmé sur les réseaux sociaux.
#Finkielkraut #NuitDebout pic.twitter.com/f40K70m5sH
— Caroline Fourest (@CarolineFourest) 17 avril 2016
Acte 3 : les internautes se moquent du philosophe
Si la classe politique s'est largement offusquée de l'éviction d'Alain Finkielkraut, plusieurs internautes ont pris le parti de rire de l'incident. Un remix parodique de la vidéo des insultes lancées par le philosophe a ainsi été repris sur les réseaux sociaux, lundi 18 avril.
Sur Twitter, d'autres se sont moqués du manque de répartie du philosophe et membre de l'Académie française.
#Finkielkraut Remporte le mot le plus long avec 9 lettres. pic.twitter.com/bP81x3kkn3
— Sosthène Kinz'Côtes (@ImiksimikJawad) 18 avril 2016
Acte 4 : le service d'ordre de Nuit debout répond
Alors que les politiques s'offusquent de l'accueil réservé à Alain Finkielkraut, deux membres de la commission "Accueil et sérénité" de la Nuit debout ont donné leur version des faits dans une tribune parue sur Mediapart, lundi 18 avril. "Monsieur Finkielkraut assistait depuis plus d'une heure à l'Assemblée populaire avant que certains n'exigent son départ, écrivent les militants de Nuit debout. En l'escortant jusqu'au trottoir, nous ne l'avons en aucun cas contraint à partir."
Selon les deux membres du service d'ordre improvisé, Alain Finkielkraut se serait même "montré surpris d'être protégé à Nuit debout". "Sans se risquer à caractériser politiquement la Nuit debout, il semble que sa simple existence en tant que prolongement de préoccupations sociales suffit à expliquer qu'elle s'oppose à la réduction du débat politique aux problèmes identitaires dont [Alain Finkielkraut] s'est fait le héraut", concluent les militants.
Acte 5 : Alain Finkielkraut s'explique à son tour
Le philosophe a lui aussi donné sa version des faits dans une tribune au Figaro (accès payant). Dans un long texte, il revient sur sa mésaventure lorsqu'une "petite foule s'est formée, grondante et menaçante" autour de lui et son épouse, sans préciser depuis combien de temps ils se trouvaient place de la République.
"Des gens du service d'ordre se sont approchés et nous ont dit que nous devions partir, que pour notre sécurité il nous fallait quitter immédiatement les lieux. Ils nous ont donc escortés jusqu'au boulevard, suivis par la petite foule haineuse qui criait : 'Casse-toi, dégage !' (...) Comme je me retournais pour engueuler mes insulteurs, l'homme qui m'avait bousculé m'a craché au visage", écrit le philosophe.
Le reste du texte condamne le mouvement. "On est entre soi à Nuit debout. Sur cette prétendue agora, on célèbre l'Autre, mais on proscrit l'altérité", dénonce Alain Finkielkraut. Selon lui, cela explique pourquoi "ça ne prend pas". "Tout le monde s'en fout, de Nuit debout", poursuit-il en comparant l'initiative avec celle des Veilleurs de la Manif pour tous.
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