Témoignages "Je ne peux pas me permettre d'acheter de la viande chaque jour" : plus d'une personne sur dix se prive de protéines faute d'argent, selon l'Insee

Selon l'étude de l'Insee publiée jeudi, 12% des Français restreignent leurs achats de viande, poisson et autres protéines, faute de moyens. Ce qui n'est pas sans risques sur leur santé.
Article rédigé par Willy Moreau
Radio France
Publié
Temps de lecture : 2 min
Plus d'un français sur dix se prive de viande, poisson et autres protéines, faute de moyens. (MARTIN ROCHE / MAXPPP)

Plus d’une personne sur dix en France se prive d'aliments protéinés faute d’argent. C’est le constat d’une étude de l’Insee sur le niveau de pauvreté des Français en 2023, publiée jeudi 12 juillet. Dans un contexte de forte inflation ces dernières années, 13% de la population se restreint sur les loisirs, le chauffage. Et de plus en plus, également, sur l’alimentaire.

Dans cette épicerie solidaire du Secours populaire, logée dans le 13e arrondissement de Paris, les chariots de course se remplissent. "Il y a un peu de légumes, de l'huile, de la salade", observe une cliente qui parcourt les rayons. Amina, une étudiante, fait de même. "Du poisson, et des fois, il y a du poulet". Des protéines qu'elle achète quand elle le peut : "Je dirais deux à trois fois maximum par semaine, pas plus. Ça coûte, je ne peux pas me permettre d'acheter de la viande chaque jour. Des steaks hachés, ça coûte : pour une étudiante, ce n'est pas évident. C'est plutôt spaghettis sauce tomate."

"On essaie de trouver des solutions"

Pour deux euros à la caisse, elle repart avec un panier complet quand le coût de l'alimentaire, lui, a augmenté de 15% entre 2022 et 2023. Près des étals de légumes, Théo Férignac, coordinateur des aides alimentaires et matériels du Secours populaire de Paris, s’approche d’un gros congélateur rempli de steaks hachés surgelés. "C'est vrai que dans le bac, comme ça, ça fait beaucoup, observe le coordinateur. On a malheureusement des quotas de distribution, car on a des stocks limités. On va être en capacité d'en distribuer un par personne et par famille, sachant que les personnes viennent nous voir une fois tous les mois."

"On essaie de trouver des solutions pour éviter que nos enfants tombent malades."

Mira, mère de deux adolescents

à franceinfo

Pourtant, la demande augmente. Environ 12% de la population ne peut manger de protéines (viande, poisson ou un équivalent végétarien) tous les deux jours faute d’argent, selon l'Insee. L'année dernière, ce chiffre était trois points plus bas (9%). Cette hausse se confirme dans un sondage mené auprès des bénéficiaires du Secours populaire, avec Action contre la faim. Alors dans cette épicerie solidaire, chacun tente de compléter les apports nutritionnels d’une autre manière. "Les protéines, on peut les trouver ailleurs, assure Mira, mère de deux adolescents, venue faire ses courses. Pas forcément dans le poisson ou la viande, mais dans les légumes secs."

Privations à risque pour la santé

Ces privations peuvent engendrer des problèmes de santé, avertit le docteur Arnaud Cocaul, nutritionniste. "Si vous avez une insuffisance d'apport protéique, ça vous fragilise. C’est-à-dire que ça diminue votre masse musculaire. Donc, vous allez dépenser moins de calories. Pensez à un muscle extrêmement important : le muscle cardiaque. Le cœur peut être fragilisé." 

Le risque de tomber malade, de souffrir d’une entorse ou d’une sciatique s'accroît également lorsque l'apport en protéines n'est pas suffisant. "On doit avoir des apports protéiques quotidiens", martèle le nutritionniste. Pas facile pour des ménages défavorisés, qui selon l'Insee coupent aussi de plus en plus leurs radiateurs : près de 12% de la population ne s'est pas chauffée suffisamment l'année dernière, contre 10% il y a deux ans.

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