"On ne veut pas vivre le match retour du mariage pour tous" : comment les députés LR ont évolué sur la question de la PMA
Le projet de loi bioéthique et sa mesure sur l'extension de la PMA à toutes les femmes est présenté mercredi en Conseil des ministres. Alors que la droite avait massivement rejeté la loi Taubira il y a six ans, certains députés Les Républicains envisagent cette fois de voter en faveur de la procréation médicalement assistée.
"Il y a des avis très divers au sein des Républicains !" Un député LR l'assure : la droite pourrait en surprendre plus d'un à l'occasion du débat sur la procréation médicalement assistée. Mesure phare du projet de loi bioéthique, présenté mercredi 24 juillet en Conseil des ministres par la ministre de la Santé Agnès Buzyn et débattu à partir du 24 septembre au Parlement, l'ouverture de la PMA à toutes les femmes divise les principaux groupes politiques. Y compris Les Républicains, qui devraient observer une attitude beaucoup plus mesurée que lors du débat sur le mariage pour tous.
Le patron des députés LR, Christian Jacob, a déjà prévenu ses troupes : il y aura sur ce sujet une "liberté totale de vote et d'expression". Et pour cause : sur la centaine de membres que compte le groupe à l'Assemblée nationale, un nombre non négligeable pourrait voter en faveur de cette mesure honnie par la frange la plus conservatrice du parti. Certaines sources évoquent "10% à 12%" de députés LR qui ne seraient pas opposés à la PMA, d'autres avancent le chiffre de 20%.
Un groupe LR renouvelé et rajeuni
"Je pense qu'au sein du groupe, la somme des pour et des abstentions dépassera les contre", s'emballe même une députée. S'il est pour l'heure difficile de faire les comptes, il est d'ores et déjà certain que l'article 1er de la loi de bioéthique ne subira pas le même tir de barrage que l'ouverture du mariage aux couples de même sexe en 2013. A l'époque, la quasi-totalité des 196 députés UMP avaient rejeté en bloc la loi Taubira. Seuls deux (Franck Riester et Benoist Apparu, qui ont aujourd'hui quitté le parti) avaient voté pour, et cinq (dont Edouard Philippe et Bruno Le Maire) s'étaient abstenus.
L'évolution au sein du groupe LR est d'autant plus spectaculaire qu'à l'époque, l'ouverture de la PMA aux couples de femmes était justement l'un des chiffons rouges agités par les anti-mariage pour tous pour justifier leur opposition. "S'opposer de manière frontale et brutale sans vouloir comprendre les évolutions de la société, ce n'était pas forcément la bonne stratégie", observe le jeune député du Pas-de-Calais Pierre-Henri Dumont. Une prise de conscience aidée par le renouvellement opéré parmi les députés LR, puisque la moitié des effectifs actuels a fait son entrée à l'occasion des élections législatives de 2017.
Dans ce groupe rajeuni, Maxime Minot, 32 ans, a fait de l'extension de la PMA l'un de ses chevaux de bataille, au point d'être surnommé "Monsieur PMA" par ses pairs. "J'en avais marre de voir mes collègues défavorables à la PMA s'exprimer partout sans pouvoir le faire moi-même", raconte-t-il. En octobre, il prend alors l'initiative d'écrire une tribune et de la soumettre aux membres de son groupe. "Députés de droite, assumant les valeurs de notre famille politique, nous refusons d'être enfermés dans une posture hostile au progrès", clame le texte, qui provoque des crispations en interne. D'ailleurs, seuls cinq députés le signeront.
Je me suis rendu compte que ça gênait certaines personnes. Mais au moins, ça a eu un véritable impact.
Maxime Minot, député de l'Oise, à propos d'une tribune favorable à la PMAà franceinfo
Maxime Minot se targue d'avoir réussi à "bousculer les lignes". A l'en croire, dans les couloirs de l'Assemblée, certains de ses collègues non signataires lui lancent maintenant du "Alors Max, quand est-ce que tu écris une nouvelle tribune, qu'on la signe ?"
Les élus LR favorables à la PMA expliquent tous leur choix par une nécessaire prise en compte des mutations de la société. Avocate en droit civil et pénale, la députée de Corrèze Frédérique Meunier dit avoir pu grâce à son métier "observer l'évolution de la famille". Pour elle, une loi était devenue "indispensable". Au sein du parti, la démission de Laurent Wauquiez, qui avait comparé la PMA à l'eugénisme pratiqué par les nazis lors d'un meeting de Sens commun en novembre, semble avoir calmé les esprits. Si son président par intérim, Jean Leonetti, se déclare fermement opposé à l'extension de la PMA, d'autres dirigeants du parti comme le numéro 3, Damien Abad, adoptent des positions beaucoup moins tranchées.
Dans une tribune publiée après la débâcle aux élections européennes, l'eurodéputé Geoffroy Didier proposait "que la droite se pose au moins la question de l'ouverture de la PMA, qui serait une avancée sociale comme le fut de fait le mariage pour tous, et avant le Pacs, et encore avant l'IVG". Le secrétaire général délégué de LR, qui a par le passé émis des avis fluctuants sur le mariage pour tous, "assume" d'avoir évolué. "Il y a un moment où il faut savoir accepter que chacun choisit sa vie librement", argumente-t-il.
La droite ne doit pas se réfugier dans le rigorisme moral.
Geoffroy Didier, député européen, secrétaire général délégué de LRà franceinfo
Si les pro-PMA de LR restent minoritaires, ils semblent de moins en moins ostracisés. "On nous a assurés que lors du débat parlementaire on aurait droit à un temps de parole égal", confie Maxime Minot. Quant aux anti-PMA, ils restent plutôt prudents vis-à-vis de leurs collègues. "Je ne veux pas vivre le match retour du mariage pour tous. Je souhaite que le débat soit sain et de qualité", prévient ainsi le député de la Manche Philippe Gosselin, qui avait croisé le fer à l'Assemblée contre la loi Taubira en 2013.
La Manif pour tous ne mobilise pas
Les joutes politiques sur la PMA promettent donc d'être bien moins passionnées que lors du mariage pour tous. D'autant que les députés de droite ne subissent pas la pression de la rue, La Manif pour tous n'ayant – pour le moment – pas réussi à mobiliser en masse. Affaibli par les querelles internes et les dérapages de son ancienne direction, le mouvement Sens commun, affilié à LR, a par ailleurs vu son influence se réduire au sein du parti.
Loin d'être divisés en deux blocs irréconciliables, les députés LR sont encore nombreux à n'avoir pas arrêté définitivement leur position. "Il faudra voir si le texte est suffisamment verrouillé pour que ça n'aboutisse pas à la GPA", indique prudemment Eric Diard, député des Bouches-du-Rhône, qui hésite entre le vote pour et l'abstention. Pour Pierre-Henri Dumont, élu du Pas-de-Calais, la PMA ne pose "aucun souci"… mise à part la question de son remboursement par la Sécurité sociale, prévue par le projet de loi. "Qu'un couple hétéro infertile se fasse rembourser une PMA ou les FIV c'est normal, car il y a une anomalie. Mais là, on passe du remboursement d'un dysfonctionnement naturel à celui d'un acte qui n'en est pas un", plaide-t-il.
"Les gens de droite s'en fichent"
"Aujourd'hui, par rapport aux auditions auxquelles j'ai participé, je n'y suis pas favorable, car la PMA remet en cause le principe de la filiation. Mais il faut prendre le temps de la décision et qu'elle soit maîtrisée", affirme la députée de Saône-et-Loire Josiane Corneloup. Mais elle ne se décidera in fine "qu'après avoir entendu encore les défenseurs du droit à la PMA pour toutes".
A la rentrée, l'approche du vote et les discussions qui auront lieu en réunion de groupe pourraient tendre l'atmosphère entre pro et anti-PMA. Après la privatisation d'Aéroports de Paris ou le Ceta (traité de libre-échange avec le Canada), les membres de LR peuvent-ils se permettre de ne pas se fixer une ligne claire sur la PMA ? "Si on n'est plus capables d'avoir des positions de groupe sur un sujet comme celui-là, c'est que vraiment on est mal en point", lance le très conservateur député de l'Ain Xavier Breton, pour qui ce débat "s'inscrit dans l'histoire des idées politiques". "Par exemple, nous sommes pour la transmission alors que la gauche est pour la transgression, nous sommes pour l'épanouissement alors que la gauche est pour l'émancipation…", énumère-t-il.
Mais au sein du groupe, cette vision très politisée du débat est loin de faire l'unanimité. "La PMA est peut-être un totem à gauche, mais les gens de droite s'en fichent, estime Pierre-Henri Dumont. Dans ma circonscription, je participe chaque semaine à une quarantaine d'événements. Et pas une seule personne ne m'a parlé de PMA."
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.