: Vidéo "Ils l'ont électrocuté" : au Venezuela, la femme d'un militaire emprisonné dénonce la torture pratiquée par le régime
Selon le Foro Penal, une organisation de défense des droits de l'homme, 14 000 personnes ont été emprisonnées pour des motifs politiques ces cinq dernières années au Venezuela. La femme d'un militaire emprisonné témoigne en exclusivité sur franceinfo.
Sandra Hernandez a 29 ans, elle est l'épouse d'un sergent-major de 3ème classe de la garde nationale bolivarienne.
Le 21 janvier dernier, Luis Alexander Brandes Figueroa se soulève, lance un appel avec 24 autres militaires d'une caserne de Caracas, pour dénoncer la misère dans le pays et déclarant Nicolas Maduro illégitime. Les militaires, payés parfois moins que le salaire minimum, souffrent de la crise et des pénuries comme tout le monde. Luis Alexander Brandes Figueroa est immédiatement arrêté, transféré le jour même avec ses compagnons à la prison de Boleita. Et les tortures commencent immédiatement.
À certains moments il a perdu conscience à cause des coups qu'il recevait.
Sandra Hernandez, femme de militairefranceinfo
Sandra, sa femme, n'a pu le revoir que le 15 février. Aujourd'hui elle a le courage de tout dire, même le pire. "Il a été torturé pendant 15 jours, torturé deux fois par jour. Ils l'ont épuisé, vidé de son énergie. Ils l'ont suspendu, il est resté cinq ou six heures suspendu. Ils l'ont électrocuté. Deux personnes lui ont écarté les jambes et lui ont frappé les testicules. (...) Il s'est évanoui, plus d'une dizaine de fois", explique Sandra Hernandez très émue.
"Quand je l'ai vu, il avait des hématomes partout, des marques de coups, une partie des côtes étaient noires", se rappelle-t-elle.Les familles torturées devant les prisonniers
"Notre domicile a été perquisitionné le 21 janvier mais j'appelle ça du vol. Ils ont tout pris dans notre maison. Ils nous ont laissés sans rien. Ça fait plus d'un mois que je ne suis pas retournée chez moi", poursuit la jeune femme. "Ma famille ne sait pas où je suis. Je dis que je suis à un endroit mais je suis à un autre endroit."
Sandra Hernandez doit se cacher car l'une de leurs stratégies, explique-t-elle, est de torturer les familles, devant les prisonniers. "Je connais un prisonnier, incarcéré depuis un an. Il était dans la chambre de torture, et ils ont torturé sa femme devant lui, pour que le mari avoue ce qu'ils voulaient entendre", dit-elle apeurée.
"Ce qu'ils veulent faire dire à mon époux, n'est rien d'autre qu'un mensonge. Ils ont demandé à mon époux qu'ils disent que l'opposition (…) l'avait payé pour qu'il se rebelle. Il a refusé."
Le monde doit savoir ce que nous subissons
Sandra Hernandez, femme de militairefranceinfo
Pour Sandra Hernandez, son mari est un "héros", "le meilleur homme au monde." Puis elle lui adresse ces quelques mots. "Je ne pourrais pas avoir un meilleur père pour mes enfants, merci de prendre tant de risques pour beaucoup d'autres personnes (...) tu as pensé à ton futur, celui de tes enfants, le mien et à celui de beaucoup de Vénézuéliens."
Accusé de trahison, le sergent-major Luis Alexander Brandes Figueroa, risque selon son épouse jusqu'à 30 ans de prison. Encore faut-il qu'un procès ait lieu. Rien n'est prévu pour l'instant.
Selon le Foro Penal, une organisation vénézuélienne de défense des droits de l'homme, 14 000 personnes ont été emprisonnées pour des motifs politiques ces cinq dernières années. Depuis 2018, la répression s'accélère notamment dans les rangs de l'armée, pour intimider, bâillonner toute contestation qui pourrait prendre de l'ampleur à un moment où le pouvoir chaviste est fragilisé, analyse cette association. Certains militaires entrés en rébellion sont particulièrement dans le collimateur du régime de Nicolas Maduro.
87 militaires en prison actuellement
Des sous-officiers, des lieutenants colonels, et plus d'une dizaine de généraux sont derrière les barreaux. Selon le Foro Penal, il seraient au total 87 en ce moment. Parmi eux, seulement 5 % auraient eu droit à un procès. Les autres subissent une détention préventive et sont retenus en prison, parfois deux ou trois ans, affirme l'ONG, sans pouvoir bénéficier d'aucune défense.
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