Mort d'Yvan Colonna : il faut "des personnels de surveillance mais aussi des accompagnateurs sociaux" pour prévenir les agressions en détention, selon l'OIP
"Il faut créer des espaces de communication entre les personnes détenues et l'administration pénitentiaire pour aboutir à une pacification des rapports quotidiens en détention", défend Me Mathieu Quinquis de la section française de l’Observatoire international des prisons.
Mathieu Quinquis, avocat au barreau de Paris et membre du conseil d’administration de la section française de l’Observatoire international des prisons, estime mercredi 30 mars sur franceinfo qu'il faut "à la fois des personnels de surveillance mais aussi des accompagnateurs sociaux" en prison, afin d'éviter une agression comme celle qui a causé la mort d'Yvan Colonna à la maison centrale d'Arles, le 2 mars dernier.
franceinfo : Attendez-vous des explications de l'administration pénitentiaire ?
Mathieu Quinquis : Évidemment. Une enquête pénale est en cours, mais aussi une enquête administrative à l'initiative du gouvernement. On espère que ce rapport sera rendu public pour que chacun puisse aussi se faire sa propre opinion. Il y a un certain nombre d'interrogations sur le régime de détention des personnes placées sous le statut DPS [Détenu particulièrement signalé] et une certaine incompréhension sur ce que ce régime implique. Le statut de DPS est un statut qui n'a pas pour but la surveillance renforcée, mais qui a pour but de suivre précisément la trajectoire carcérale d'un certain nombre de personnes qui, en raison de leur motif d'écrou et de leur comportement en détention, font l'objet d'une attention particulière. L'administration met en place un certain nombre de mesures de contrôle et de surveillance, qui peuvent entraîner des fouilles régulières de la personne détenue, de sa cellule ou de ses proches. Il peut y avoir des rotations de sécurité, c'est-à-dire des changements d'établissement réguliers, et une surveillance également renforcée sur ses correspondances et les liens avec l'extérieur.
Personne n'a vu l'agression pendant huit minutes : est-ce entendable pour vous ?
Effectivement, on ne peut pas mettre un surveillant derrière chaque détenu. Je crois qu'il ne faut pas le regretter sur le plan matériel, mais s'en satisfaire sur le plan du respect des droits des personnes détenues.
"Il faudrait juste imaginer ce qu'impliquerait pour elles le fait d'être contrôlées et surveillées en permanence. Le seul détenu qui fait l'objet de cette mesure en France a pu évoquer lors de son procès l'impact sur sa psychologie, sur son quotidien."
Mathieu Quinquis, avocat et membre du conseil d’administration de l’OIPà franceinfo
C'est un régime de détention extrêmement rigoureux, y compris pour les DPS. Il ne faut pas laisser croire qu'aujourd'hui, il y a une forme de légèreté dans la manière dont l'administration pénitentiaire traite ces personnes détenues, au contraire. Le cas d'Yvan Colonna a pu le démontrer : on lui a refusé un certain nombre de mesures, notamment le rapprochement familial pendant des d'années, pour cette raison. C'est effectivement une mesure sécuritaire qui limite et restreint les droits des personnes détenues.
Cette agression est-elle due à un manque de moyens et de personnels ?
Je crois que cette agression renvoie surtout à l'échec d'une certaine manière d'appréhender la question de la sécurité en détention. Pendant des années, le ministère de la Justice a augmenté la taille des murs, augmenté le nombre de barreaux, a créé des sas à l'intérieur des établissements et installé de nouvelles caméras. Ce que confirme cette agression, c'est que tous ces dispositifs passifs ne suffisent pas à assurer une sécurité efficace en détention. En réalité, il faut une sécurité dynamique impliquant à la fois des personnels de surveillance mais aussi un ensemble d'autres professionnels, y compris des accompagnateurs sociaux et des personnes qui peuvent être attentives aux comportements, aux attitudes et aux sentiments des personnes détenues, pour prévenir ce genre d'agressions.
Faut-il améliorer le suivi et la connaissance de ces détenus ?
C'est la connaissance de ces détenus [qu'il faut améliorer]. Il faut créer des espaces de communication entre les personnes détenues et l'administration pénitentiaire pour aboutir à une pacification des rapports quotidiens en détention. On sait que l'environnement carcéral est un environnement extrêmement violent. Il faut mettre en place un certain nombre d'outils pour faire diminuer ce degré de violence. Ce n'est pas en plaçant des personnes détenues dans des régimes de détention extrêmement rigoureux et difficiles à supporter au quotidien qu'on parviendra à pacifier les détentions.
Lancez la conversation
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour commenter.