Mort d'Yvan Colonna : un rapport d'enquête explique, en partie, pourquoi personne n'est intervenu lors de l'agression à la prison d'Arles
Alors que le directeur de la maison centrale d'Arles est entendu ce mardi par des députés, franceinfo a pu consulter des éléments de l'enquête du parquet national antiterroriste, avec plusieurs zones d'ombre sur la vidéosurveillance.
L'administration pénitentiaire a-t-elle fauté dans l'affaire de l'agression mortelle d'Yvan Colonna en prison ? Le directeur de la maison centrale d'Arles (Bouches-du-Rhône) et l'ancienne directrice sont entendus à ce sujet mercredi 30 mars, à 10 heures, par la commission des lois de l'Assemblée nationale. L'instance avait été saisie après qu'un détenu radicalisé, Franck Elong Abé, a agressé le nationaliste corse dans la salle de sport de la maison centrale d'Arles, où il purgeait une peine de perpétuité pour l'assassinat du préfet Erignac. Franceinfo a pu consulter plusieurs éléments du dossier dans le cadre de l'enquête ouverte par le parquet national antiterroriste.
La vidéosurveillance en maintenance
Première question soulevée par les enquêteurs : pourquoi personne n'a vu l'agression qui était en train de se dérouler ce mercredi 2 mars ? Il y avait, dans cette salle de sport, deux caméras de vidéosurveillance. Pourtant, aucun des deux agents chargés de regarder les images n'a vu l'agression en cours selon le rapport.
Le directeur de la maison centrale d'Arles avance plusieurs explications. Sur les plus de 280 caméras installées dans toute la prison, seule une partie apparaissait sur les écrans des surveillants mais pas la salle de sport. L'autre explication réside en une opération de maintenance, qui avait lieu ce jour-là. Et ces travaux ont nécessité, selon le directeur, de débrancher quelques minutes tous les écrans.
"Des cris de fous" qui paraissent banals
Concernant la présence physique des surveillants sur le terrain, là aussi, personne n'a rien vu. Deux surveillants faisaient pourtant des rondes dans la zone mais pas spécifiquement autour de la salle de sport, entre 10h10 et 10h25 au moment de l'agression. Yvan Colonna et son agresseur étaient donc seuls dans la pièce, porte fermée, selon les premiers éléments de l'enquête.
Devant les députés de la commission des lois, le directeur de l'administration pénitentiaire avait pourtant affirmé le contraire. La porte fermée pourrait expliquer que les surveillants aient mis autant de temps à intervenir. Sauf que d'autres détenus, présents dans la salle d'à côté ont bien entendu les cris d'Yvan Colonna. L'un d'entre eux raconte aux enquêteurs avoir pris ça pour "des cris de fous, comme il y en a souvent en prison", dit-il. Il n'a pas donné l'alerte.
L'agresseur pouvait se déplacer librement
Yvan Colonna et son agresseur étaient donc seuls. Pourtant, ils étaient tous les deux des détenus particulièrement signalés, le statut de "DPS". Mais Franck Elong Abé, l'agresseur d'Yvan Colonna, était ce que l'on appelle un "auxi", c'est-à-dire un détenu autorisé à travailler dans la prison et qui peut donc se déplacer plus librement. Vu son profil de "vétéran" du jihad en Afghanistan et son parcours pénitentiaire chaotique - il avait notamment pris en otage une infirmière à la prison de Sequedin (Nord) -, le fait qu'il ait obtenu ce statut pose évidemment question.
Depuis son arrivée à Arles, Franck Elong Abé avait affiché un "comportement adapté", assure la direction de la prison. Jusqu'à cette agression, justifiée selon le détenu, par un blasphème d'Yvan Colonna, les deux détenus avaient des relations cordiales. Ils jouaient même aux échecs et faisaient du sport ensemble. Selon la direction de la prison, aucune information ne pouvait donc laisser présager de la survenance d'un tel acte.
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